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Urkundenanhang.

1.

Comte Metternich au Comte Colloredo.

Berlin ce 24. Septembre 1804.

Jamais assurément deux Monarchies, jadis rivales, ne pouvoient trouver leurs intérêts plus intimement liés que ne devroient l'être ceux de l'Autriche et de la Prusse dans le moment actuel. Situées entre deux États qui semblent destinés à changer la face du Continent de l'Europe, qui seuls peuvent rivaliser avec quelque succès aux dépens des pays qui les séparent, tous deux renforcés s'ils en avoient besoin, par des chances qui semblent exclusivement réservées au premier âge des individus et des États, les dangers de l'Autriche et de la Prusse étant les mêmes, leurs vues devroient être communes. Les germes destructeurs de la Monarchie Prussienne ont été préparés par son propre Gouvernement, et lui ont été offerts dans les acquisitions mêmes qui sembloient devoir en assurer la force et la splendeur. Tout parallele entre la perte que la Monarchie Autrichienne a essuyée dans le cours de la guerre désastreuse, qui principalement a été rendue telle par les faux calculs du Ministère Prussien, et entre les avantages qui, au premier aperçu semblent en avoir résulté pour la Cour de Berlin, ne sauroit que tourner en notre faveur. La situation géographique des nouvelles acquisitions Prussiennes offre tous les désavantages qui n'existent plus pour nous par l'arrondissement de nos pays, et si les Pays-Bas compensoient en parti par leur valeur intrinseque les frais énormes, les embarras et les discussions politiques qu'entraînoit leur possession, assurément les provinces Westphaliennes, et la ligne des petites provinces éparses qui les lient au corps de la Monarchie Prussienne, ne sauroient lui en offrir autant. Le génie de Monsieur de Haugwitz, dont le Ministère n'est sans contredit que la série la plus extraordinaire d'abandon de tout principe, de perfidies et de fausses mesures, ne s'est jamais étendu à la hauteur qui fait rejeter un appât, qui, en multipliant les embarras politiques d'un État entouré de voisins puissans et manquant de toute resource intérieure, doit nécessairement finir par compromettre son existence. Frédéric II n'eût point perdu l'Europe entière par la paix de Bâle, ou seroit sorti de la lutte inégale, qui en a été le resultat, le Roi le plus puissant du Continent. Il ne seroit peut-être point difficile de prouver que la Monarchie Prussienne dont la surface s'est quasi triplée depuis la mort de ce Roi, a perdu de sa force réelle. Frédéric - Guillaume III n'aura assurément jamais, du centre de ses vastes États, fait entendre à la France, à la Russie

et à l'Autriche un langage pareil à celui, qui n'étoit point étranger à Frédéric II du fond de sa Capitale, qui ne cessa jamais d'être le quartier général d'un vaste camp retranché.

Parmi tous les mauvais services rendus à son Roi par Monsieur de Haugwitz, on ne sauroit oublier celui d'avoir sappé dans ses fondemens l'esprit militaire, unique base de la puissance prussienne et le résultat de soins assidus de trois grands Princes. Les rênes du Gouvernement furent remises entre les mains d'avocats et de scribes, petits intrigans subalternes aussi peu faits pour entraver, que pour contrôler la marche tortueuse de la politique de ce Ministre, et choisis par lui sur cette échelle. Nul militaire de mérite n'approche du Roi, et surtout ne tient à sa personne. Monsieur de Köckritz, homme de soixante ans, probe et d'un caractere doux et loyal, n'étend pas ses vues militaires au-delà des détails du service, mieux soignés ici peut-être que nulle part. I ignore jusqu'aux élémens de la politique, et en convient vis-à-vis de tout-le-monde. Les autres aides-de-camp-généraux du Roi sont des hommes de la trempe la plus commune. Tous tremblent de l'idée de voir compromettre leur savoir par une guerre, qui nécessairement les éloigneroit de leurs places. Les employés civils près de la personne du Souverain craignent de voir les militaires prendre le dessus, si l'état de tranquillité au dehors, dont ils ont usé pour détruire toute autre influence que la leur, venoit à cesser. Il existe une ligue d'hommes médiocres, de bas intrigans, qui tous n'ont qu'un but commun: toute mesure énergique et propre à tirer le Roi de l'état d'engourdissement dans lequel on le retient, les effraie; le caractere pacifique et la paresse extrême du Roi les sert, et il leur suffit de déjouer toute démarche prononcée dans le principe pour ne voir crouler leur influence qu'avec la puissance de leur Maître. Il n'existe point de Ministère de la guerre. Frédéric II embrassoit avec son vaste génie tout l'ensemble de son armée; nul homme n'est en droit de rappeler au Roi que sa nombreuse armée peut s'employer dans l'occasion avec plus de succès sur le champ de bataille que sur les plaines de Berlin et de Potsdam. On peut assurer avec certitude que l'état militaire est tellement déchu de son ancien hauteur, et a tant perdu de sa considération, que la première guerre dans laquelle la Prusse se trouveroit entrainée, peut-être malgré elle, lui prouveroit qu'elle a reculé d'autant que ses voisins ont acquis et de force réelle et d'expérience.

L'homme qui survit à Mr. de Haugwitz, et dont l'existence ou la chûte ne sauroient encore se calculer, et l'agent surtout le plus immédiat et le plus actif du systeme politique de ce Ministre, si toutefois l'ensemble de ses mesures méritoit ce titre, est Mr. Lombard, Secrétaire du Cabinet du Roi. Son emploi lui donne l'influence la plus étendue dans toutes les affaires politiques. Son Collegue Beyme dirige, avec un pouvoir également illimité, toutes les branches de l'administration intérieure. Tous deux sont liés d'intérêt, tous deux ignorent jusqu'aux élémens de tous principes; et Lombard surtout affiche l'immoralité la plus étendue. Les vues honnêtes, mais bornées de Mr. de Köckritz ne leur servent d'aucun contrepoids; et quoique le seul ami personel du Roi et aimé comme tel par son Maître, son rôle n'est que purement passif. Il n'est pas rare de voir avancer par Mr. de Köckritz des principes qui se trouvent entièrement contredits par les faits subséquens; et si l'opinion du Roi est positivement exprimée dans les assertions de son Aide-de-Camp, elles ne peu

vent nullement servir des garants quant à leur résultat. Tels sont les hommes qui se partagent tout le pouvoir de leur Maître.

Monsieur de Hardenberg, dont les principes politiques n'ont point eu le temps de se développer, mais qui, sous plusieurs points-de-vue paroît vouloir suivre une ligne différente de celle de son prédécesseur, malgré les assurances positives de Monsieur de Hangwitz sur leur inviolable unité de principes, ne doit son influence actuelle qu'à l'absence de trois mois que ce Ministre a eu l'imprudence de se permettre l'été passé. Il n'a que deux chances, ou celle de se lier avec Lombard, ou celle de l'éloigner à jamais. La première lui enleve incontestablement toute influence indépendante; la seconde lui offre l'avantage de placer près du Roi quelqu' individu de sa création. On ne sauroit douter de son choix dans cette alternative, mais le temps seul nous prouvera la réussite. Le délabrement complet de la santé de Lombard, minée par des débauches de tout genre, qui malheureusement n'ont pas étendu leurs ravages sur ses facultés intellectuelles, paroît devoir venir à l'appui du nouveau Ministre. Le Secrétaire du Cabinet s'occupe depuis quelque temps, à préparer les voies à un de ses frères employés au Département des Affaires étrangères. Le cadet est infiniment jeune, l'aîné, plus âgé que le Secrétaire, ne réunit pas le même degré d'esprit à autant d'astuce, et le regne des Lombard paroît devoir finir avec celui qui se trouve maintenant à la tête des affaires. C'est cet homme, une des sources premieres des maux qui affligent l'Europe, l'être sans contredit le plus dévoué aux intérêts de la France, salarié par son Gouvernement, et ne pouvant plus être acheté par personne, parce qu'il paie tous ses services autant et plus que tout autre ne pourroit le faire, qui forme l'entrave la plus directe à notre réunion avec la Prusse. Nous aurons beau agir dans le sens le plus analogue aux sentimens personnels du Roi, que jamais nous ne parviendrons à nul résultat qui de loin auroit pour but de contre-balancer l'influence désastreuse de la France. Toute ouverture sera accueilli avec une sorte d'empressement et de conviction de la part du Roi, et tous les résultats heureux seront soigneusement étouffés dans leur germe par Lombard.

Le Roi ne cede qu'à un seul sentiment qui le domine en chef, que tous les alentours ont eu soin de nourrir depuis des années, et qui assurement est le seul qui soit partagé par eux par les raisons que j'ai développées plus haut, c'est celui de la peur. Nous ne saurions nous cacher qu'on ne nous craint plus; et ce ne sera que la Puissance qui inspirera ici quelque terreur, qui dirigera avec des chances assurées de succès les démarches du Cabinet Prussien.

La France et la Russie exercent ce pouvoir, et le moment de faire entrer la Prusse dans nos vues, qui essentiellement devroient être les siennes, ne sauroit être plus favorable que ne l'est celui d'une brouillerie ouverte entre ces deux Puissances: mais ce n'est pas nous qui y parviendrons jamais. Il paroit sûr que ce n'est qu'à St. Petersbourg que la Cour de Prusse peut se conquérir, et la réunion la plus parfaite de nos vues, la combinaison la plus intime de nos moyens avec ceux de la Russie, pour parvenir à ce but, semble offrir toutes les probabilités de succès. La réunion devroit, dans ce cas, être demandée par la Russie qui ne risque pas de se voir compromise vis-à-vis de la France, et notre rôle se borneroit aux assurances les plus positives du voeu que nous avons formé depuis long temps pour un systeme nouveau et basé sur les intérêts communs des deux Monarchies; assurances données si souvent, et qui n'ont

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