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On peut surtout compter fermément à Berlin sur le secret le plus profond relativement aux explications confidentielles, qui ont et auront lieu à l'égard du rapprochement intime dont il s'agit entre la Cour de Berlin et les deux Cours Imples, tant pour en dérober l'objet à la connoissance du Gouvernement français, que pour le soustraire aux inconvéniens qui pourroient en résulter, si la Cour de Londres en étoit informée avant que l'on ne soit tombé d'accord sur le moment et la manière de lui en faire part, et sur les précautions convenables pour empêcher que l'empressement de cette Puissance à susciter des embarras à son ennemi, ne précipite les éclats, et ne nuise au principal but du concert à former, lequel consiste à prévenir par des démarches et des mesures éventuelles suffisamment imposantes, la nécessité de les employer réellement au cas qu'il ne resteroit plus d'autre espoir pour rémédier aux dangers communes.

13.

Comte Colloredo au Comte Metternich.

Vienne, le 4. Fevrier 1805.

Le long retard d'une réponse de la Cour de Berlin sur nos dernières insinuations, tandis que la crise des Affaires Italiennes est sur le point d'eclater. est une circonstance qui nous fait mal augurer de la sincerité ou de la constance des bonnes dispositions qu'elle avoit temoignées pour un rapprochement et un concert intime avec les deux Cours Impériales. Si ces dispositions étoient sérieuses, les doutes manifestés par la Russie non sans y avoir eu des sujets assez importans, devroient engager la Prusse à dissiper ces doutes par des éclaircissemens satisfaisans et en témoignant un empressement d'autant plus cordial.

Il est bien à craindre au contraire que le Cabinet de Berlin voyant les vues de Napoléon, se tourne bien décidement vers le Midi, et rassurée par là sur les allarmes qu'il avoit conçu d'une explosion prochaine au Nord, revienne à son apathie, à l'espoir de se tenir hors du jeu en cas d'eclat de guerre, et même d'empêcher un tel éclat de la part des deux Cours Impériales, en se renfermant dans son ancien système de neutralité. Il n'est pas sans vraisemblance aussi que Napoléon averti de la possibilité d'un Changement dans les dispositions de la Prusse ait redoublé d'efforts d'assurances et de promesses pour le prévenir, en calmant ses appréhensions et reclamant son avidité.

Quoiqu'il en soit la Cour de Russie s'est decidée suivant nos dernières nouvelles à s'expliquer cathégoriquement vis-à-vis d'elle, et à lui laisser entrevoir peu de disposition à lui permettre de rester neutre si la guerre a lieu. L'Empereur Alexandre se proposoit d'écrire à ce sujet directement au Roi.

Quoiqu'il en soit, il se pourroit que cette conduite ferme et décidée de la part de la Russie soit plus propre à entrainer la Prusse à une résolution serieuse, que des cajoleries et des témoignages de confiance de sa part.

Notre Cour se trouve dans des rapports trop différens pour pouvoir jouer le même rôle. Nous devons au contraire continuer à lui montrer de la confiance et de la cordialité pour vaincre sa méfiance.

Vous êtes donc mis à même, Mr. le Comte, par notre première dépêche de faire de nouvelles confidences au Baron de Hardenberg.

Il pourra toutefois être utile d'aider de notre côté au succès du langage plus peremptoire de la Russie, sans sortir du rôle différent qu'il nous convient d'adopter vis-à-vis de la Cour de Berlin, en lui faisant connoître d'une manière indirecte et sans affectation, que si Napoléon nous attaquoit ou vouloit provoquer la guerre par des entreprises intolerables, il ne nous trouveroit guère moins déterminés à des partis énergiques, que la Cour de Pétersbourg, quand même la Prusse retomberoit dans le découragement et l'apathie.

Votre seconde dépêche est destinée à produire en tout cas cet effet.

Au reste Sa Majesté vous recommande Mr. le Comte, de porter la plus grande attention à pénétrer les vrais sentimens de la Cour de Berlin et particulièrement du Baron de Hardenberg. La dernière guerre nous a fourni plus d'un exemple d'apparance de rapprochement vers les deux Cours Impériales de sa part qui n'ont eu d'autre effet que de se voir compromis ensuite vis-à-vis de la France.

C'est pour empêcher une telle issue, que rien, hors les deux lettres, ne pourra être communiqué en copie, à moins que les dispositions favorables de la Prusse se soyent manifestées d'une manière si complette, qu'on pourroit aussi lui communiquer une copie de notre dépêche ostensible au Comte Philippe Cobenzl.

14.

Comte Colloredo au Comte Metternich.

Vienne, le 4. Fevrier 1805.

On ne doit pas être étonné à Berlin de l'effet qu'a produit à Pétersbourg la proposition ou plutôt la menace de la Prusse d'occuper la Pomeranie Suédoise, surtout si l'on considère, combien il seroit contraire à l'intérêt de la Russie de voir jamais cette Province réunie à la Monarchie Prussienne. On répondra ¡sans doute à cela que jamais l'intention du Roi n'a été de se l'approprier, qu'il ne s'agissoit que d'une occupation momentanée ou plutôt d'empêcher le Roi de Suède de gâter les Affaires par une explosion prématurée, et par tout ce qu'on avoit à attendre de l'impétuosité de son caractère.

Mais ce but n'auroit-il pas été bien plus facilement rempli, en se concertant amicalement à cet égard avec le Cabinet de Pétersbourg? en lui prouvant la nécessité de retenir Gustave IV. et de le détourner de toute opération isolée?

On ne sauroit se le dissimuler: rien de solide ne peut être effectué sans le concours de la Russie, concours d'autant plus désirable et facile à obtenir, que l'Auguste Alexandre réunit à une énergie proportionnée à ses grands moyens, la prudence et la circonspection nécessaires pour n'y donner l'essor que dans le cas où l'effet en deviendroit indispensable pour le salut général.

Il est reservé à votre prudence, Mr. le Comte, de saisir les occasions de faire valoir ces réfléxions auprès de Mr. le Baron de Hardenberg, dont la sagacité saura sans doute les apprécier. Notre sollicitude à prévenir tout ce qui peut entraver le Concert, et particulièrement à causer un refroidissement entre la Prusse et la Russie, doit servir de nouvelle preuve bien convaincante de la pureté des sentimens de notre auguste Maître.

Nous ne pouvons pas non plus vous laisser ignorer que Mr. d'Alopéus a fortement déplu à son maître:

1o Par la manière dont il a annoncé les projets de la Cour de Berlin sur la Pomeranie, sans avoir l'air d'en sentir les conséquences.

2o Par l'espèce d'appui qu'il a donné aux propositions de rapprochement dont la Prusse s'étoit chargée pour la Russie de la part de Napoléon.

30 En faisant beaucoup trop valoir les apparences d'une amélioration de Système du Cabinet de Berlin, auxquelles les circonstances rapportées dans une autre de nos dépêches ont paru à Pétersbourg donner un démenti formel. D'après cela, en évitant soigneusement tout ce qui pourroit être consideré par le Ministre de Russie comme un changement de conduite à son égard, vous ne ferez cependant aucun usage auprès de lui de ce qui vous est confié par la présente dépêche, non plus que de ce que vous pourriez exécuter en conséquence, Mr. d'Alopeus n'étant pas dans ce moment-ci le canal le plus propre à faire goûter à Pétersbourg tout ce que nous pouvons faire auprès de la Prusse. Il ne seroit même pas impossible, que le mécontentement de l'Empereur Alexandre envers son Ministre l'engagêat à envoyer momentanément quelqu'un d'autre à Berlin qui, si c'est un sujet honoré de la confiance particulière de Son Maître, auroit par là un droit exclusif à la votre et à tout e que vous pourriez mettre en usage pour vous la concilier.

15.

Comte Metternich au Comte Colloredo.

Berlin, le 18. Fevrier 1805.

Je m'empresse d'avoir l'honneur d'informer Votre Excellence de l'arrivée de Monsieur le Baron de Winzingerode, et des premiers entretiens que j'ai eu avec lui.

Monsieur d'Alopéus vint me trouver Mercredi dernier, lendemain de la date de ma dernière dépêche, pour me dire que le Ministère d'ici venoit d'être instruit par une dépêche de Goltz de l'envoi de l'aide de camp général de l'Empereur, chargé d'explications relativement aux affaires de la Pomeranie et porteur de dépêches pour Mr. d'Alopéus. Le comte de Lehndorf, nouveau Sécrétaire de Légation de Prusse à Pétersbourg, venoit également d'envoyer de Königsberg une estaffette pour informer le Ministère du voyage de Mr. de Winzingerode, qu'il avoit rencontré à deux journées en deça de cette ville et qu'il annonçoit être accompagné d'un Conseiller de Collège, tiré du département des affaires étrangères et d'un Feldjæger. Le Ministre d'État de Schrötter qui a la direction des provinces frontières de la Russie, ayant également été averti la veille, de l'ordre donné aux régimens Russes en Estonie, Lithuanie et Livonie de se tenir prêts à marcher, toutes ces nouvelles réunies excitèrent la plus vive attention du Ministère et furent incessament répandues dans le corps diplomatique. Je m'apperçus de l'extrême attente dans laquelle se trouvoit le Ministre de Russie, qui me dit, espérer tenir par cet Envoyé extraordinaire tous les ordres relatifs à la conclusion du concert, qui depuis si longtems tardoient à venir. Je fis semblant de partager toute sa curiosité et d'ignorer tout ce qui

pouvoit être relatif à l'Envoy du Baron de Winzingerode. Ayant fait le calcul qu'il ne pouvoit tarder d'être rendu ici dans la journée, je fis demander d'abord une heure d'entretien au Baron de Hardenberg, convaincu que j'aurai avant de m'y rendre le tems de m'aboucher avec le Général. Monsieur de Winzingerode arriva effectivement le jour même et se rendit avec Monsieur d'Alopéus dans le courant de la soirée chez le Baron de Hardenberg, et au sortir de chez lui, il vint me trouver. Le Ministre de Russie étant avec lui, je saisis un moment pour convenir d'un rendez-vous pour le lendemain matin, et notre conversation de ce soir se borna à des lieux communs.

Monsieur de Winzingerode se rendit chez moi à l'heure indiquée. Je le prévins être instruit de son arrivée, et avoir reçu l'ordre de concerter avec lui toutes mes démarches. Le Général me remit une lettre de Mr. le comte de Stadion, qui ne renfermoit en peu de mots que le but de me faciliter sa connoissance plus particulière sans entrer dans nul détail relatif à son envoy. Mr. de Winzingerode m'assura de tout le zèle qu'il mettroit à remplir la Mission importante, dont il se trouvoit chargé, et à se concilier toute ma confiance; je lui temoignai le plaisir que j'aurai de donner à celle que sous tous les rapports il étoit en droit de m'inspirer toute la latitude, dont les ordres les plus précis de ma Cour me fesoient même un devoir, et lui lûs les dépêches qui les contiennent. Il me parut infiniment sensible aux expressions flatteuses qui s'y trouvent à son égard, et me pria de l'aider de tous mes conseils relativement aux individus, auxquels il auroit à faire ici, se voyant placé dans une sphère entièrement nouvelle. Soyez bien convaincu,me dit-il que le seul but de l'Empereur Alexandre est celui de resserrer le plus étroitement pos„sible les liens, qui unissent nos deux états, et à l'avantage desquels on est révenu après des momens d'erreur depuis longtems passés. Je viens ici pour prouver au Roi que la conduite qu'il a tenu vis-à-vis du Roi de Suede est incompatible avec les engagemens existans entre les couronnes de Russie et de „Suede, nous sommes decidés à ne plus souffrir la neutralité de la Prusse en ,cas de guerre dont les chances se développent journellement d'avantage; il vaut mieux avoir à faire à un ennemi ouvert qu'à un soi-disant ami favorisant toutes „les entreprises de l'ennemi commun. Vous concevez que 25 m. Suedois placés „dans le flanc de la Prusse ne laissent pas que de faire nombre." Je m'engageois avec plaisir à soumettre au Général toutes mes connoissances locales à l'aider de celle que je croyois avoir acquis des individus, qui composent le Ministère et les alentours les plus immediats du Roi, et nous commençames par les passer en revue à peu près tous. Je m'attachai principalement à lui développer mon opinion sur le compte du Baron de Hardenberg, si toute fois il est permis d'en prononcer une sur un Ministre, dont nous ne connoissons encore que des promesses et deux mesures contradictoires; la démarche rélative à l'arrestation de Rumbold, ayant indubitablement porté le caractère de l'énergie; la précipitation de la démarche vis-à-vis du Roi de Suede pouvant d'un autre côté être régardée comme l'effet d'un sentiment de crainte inspiré par les menaces de la France de s'emparer d'un point important pour la Prusse. Je lui soumis ma conviction que le Ministre se trouvoit individuellement compromis dans notre cause commune, et que d'après les assurances positives et reiterées de son voeu pour la formation de notre concert, chaque pas rétrograde ne se feroit jamais qu'aux dépends de son honneur personnel; que tous

mes voeux se bornoient depuis longtems à voir le Roi également avancé par quelqu'acte autentique propre à nous rassurer sur l'abus que son cabinet pouvoit jamais être tenté de faire de nos ouvertures, et qui nous fournit des armes assurées contre lui même. Monsieur de Winzingerode me demanda si je croyois le Ministre fort prussien? Je lui répondis que cette expression me paroissoit necessiter une explication; que s'il s'agissoit de tous les principes politiques de son prédecesseur, et surtout des moyens à mettre en usage pour toujours se faire valoir aux dépens d'autrui, je ne croyois pas devoir l'en taxer; que si d'un autre côté il entendoit par Prussianisme le système pacifique, je croyois devoir dans la personne même du Baron de Hardenberg séparer l'individu de l'homme publique que je l'avais trop souvent entendu se livrer et parler avec effusion des dangers de l'Europe et de sa conviction que l'energie des Puissances, réunies pour opposer une digue à tous les nouveaux empiétemens de la France, seule pouvoit la sauver, pour ne pas croire que telle est sa manière intime de voir; que quant aux développements qu'il donnera comme Ministre du Roi à ses principes individuels, ils me paroissoient également subordonnés à deux chances que l'experience seule mettra au grand jour: aura-t-il assez de caractère pour lutter jusqu'au bout contre l'inclination personnelle dn Roi, nourrie et flattée continuellement par des alentours vendus et perfides: ou sacrifiera-t-il ses principes au désir de conserver une place, qu'il occupé a peine et sur laquelle il est continuellement assiégé par tout le parti Haugi et Lombard qui n'attendent que le premier pretexte plausible pour l'en faire déchoir?

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Votre manière de voir est parfaitement celle de l'Empereur", m'interrompi: le Général, „je suppose que le premier courrier, dont on vous annonce l'envoy vous portera le développement de nos vues sur l'essentiel du concert, et des„quels j'ai encore été mis au fait avant mon depart de Pétersbourg; tout se „reduit au principe de faire prononcer le Roi et de ne pas vous voir compromis: „si le Roi veut sincèrement le concert il ne se refusera pas à faire la première „demarche, à écrire à votre Empereur et à prier le mien de se charger de lui „faire agréer ses intentions. L'Empereur de Russie a des preuves directes que „la Prusse l'a compromis anciennement vis-à-vis de la France, vous l'avez été „dans plusieurs occasions, c'est à elle à nous fournir maintenant les premiers „gages de son désir de s'unir à nous. C'est dans ces vûes que je crois que vous „feriez bien de ne pas faire semblant d'être informé du projet, il doit avoir „l'air de venir de l'Empereur Alexandre seul, et en général ne devons-nous ,pas avoir l'air d'être arrangés ensemble, il me paroit naturel; que si le „Ministère d'ici croit que l'Autriche et la Russie sont intièrement d'accord, et „qu'on ne lui permet plus que d'acceder à des mesures prises, il craindra „bien plûtot de se compromettre que s'il suppose le contraire.“

Je fis observer au Général qu'il suffiroit que je ne changeasse rien à la conduite que j'avois tenu jusqu'à present pour entrer parfaitement dans ses vûes; que ma Cour étoit toujours partie du principe, qu'il lui convenoit avant tout de ne faire profession ici, que de la meilleure volonté pour un accord sincère entre nos deux puissances, que jamais je ne m'étois écarté de ce point de vûe et qu'en tout dernier lieu Sa Majesté Imperiale avoit reclamé explicitement l'intervention de l'Empereur Alexandre, lorsqu'il avoit été question da mode à établir pour la formation du concert. Le Général m'assura avoir été

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