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cependant pas de montrer à cet égard un empressement et une insistance, telle qu'elle puisse faire naître le soupçon que notre Cour connaît et cherche à préparer le dessein qu'a la Russie de forcer la main à la Prusse, dessein sur lequel la Cour de Berlin paroît n'avoir déjà que trop l'éveil. Il n'est même guère à supposer, qu'avant que la Russie soit parvenue à décider la Prusse à cette accession, le Comte de Merveldt aura occasion de discuter les objets militaires autrement que dans des conversations particulières, fondées seulement sur un futur contingent.

En attendant l'époque à laquelle le masque sera levé par la Cour de Russie, les vues de notre conduite politique vis-à-vis de la Cour de Berlin ont trait principalement aux objets suivans:

1o La convaincre que nos démarches et nos mesures à l'égard de la France sont justes et nécessaires.

20 Calmer sans affectation la défiance que la Prusse pourrait concevoir de nos vues ambitieuses, surtout à l'égard de l'Empire germanique.

3o Prévenir les mauvaises impressions qui pourraient résulter de notre entrée actuelle en Bavière et de notre dessein d'obliger l'Electeur Palatin à nous abandonner ses troupes.

4o Seconder les efforts que Mr. d'Alopeus est chargé de développer graduellement pour obtenir le concours de Sa Majesté Prussienne. La dépeche ostensible adressée aujourd'hui à Mr. le Comte de Metternich indique le langage à tenir pour remplir tous ces objets et sert elle-même à en préparer les voies. Il pourroit ne pas être inutile que Mr. le Comte de Merveldt en fasse lui-même lecture au Roi, si l'occasion s'en présente.

Il sera aussi à propos qu'il témoigne à ce Prince avoir l'ordre de Sa Majesté de lui faire une communication confidentielle de la lettre qu'Elle adresse à l'Electeur Palatin, ainsi que de l'instruction ci-jointe, qu'elle a fait donner à Mr. le Prince de Schwarzenberg. Il sera toutefois convenable de ne pas laisser prendre copie de ces pièces.

C'est en quoi consistent toutes les directions qu'on se trouve à même en ce moment-ci de donner à Messieurs les Comtes de Metternich et de Merveldt, mais on ne manquera pas de leur envoyer à temps tout ce que le développement des circonstances mettra dans le cas d'y ajouter avant l'époque du langage décisif de la Russie.

Sa Majesté croit pouvoir s'abstenir encore de s'expliquer sur le dessein de la Cour de Berlin d'armer sa neutralité. Est-ce un parti sérieux ou une simple velléité? On l'ignore encore. Il n'a encore rien été communiqué d'officiel à notre Cour à ce sujet et comme c'est la Russie et non l'Autriche que cette mesure regarde, il serait inutile et même odieux de nous en mêler gratuitement. Au reste le but direct de la présente instruction se dirige de soi-même vers l'empêchement de la mesure dont il s'agit.

Il serait superflu de recommander à Mr. le Comte de Merveldt la plus grande attention sur les mouvemens qui se feront en conséquence.

18.

Comte Metternich au Comte Colloredo.

à Berlin ce 16. Septembre 1803, a midi.

Mr. d'Alopeus vient de passer chez-moi, à la suite de la conférence qu'il vient d'avoir avec le Baron de Hardenberg. Il a remis la lettre de l'Empereur Alexandre, en ajoutant que cette fois il n'avoit point de communication verbale à lui faire et qu'il se bornoit à le supplier de porter, le plutôt possible, la lettre de l'Empereur à Sa Majesté. Ce début fit reculer d'un pas Mr. de Hardenberg, qui lui dit: „je vois bien que le moment est venu, mais ne pourriez-vous pas me dire ce qu'on demande?" Mr. d'Alopeus insista sur son ignorance du contenu de la lettre: mais, dit-il, puisque vous entrevoyez vous même que le moment de prendre un parti est venu mettez-moi à même de vous communiquer, par un engagement quelconque, nos vues, pour l'avenir. Le Baron de Hardenberg reprit avec un grand et visible mouvement: „Vous connoissez depuis long-temps, vous connoissez tous mes principes; je vous avouerai que j'ai „declaré au Roi qu'il ne lui restoit que le parti de lever le bouclier. Et contre qui? l'interrompit Mr. d'Alopeus. Eh! pouvez-vous demander? contre la France! Je vous dirai plus: je n'y vois nul risque pour le Roi dans la position présente des affaires; tandis qu'une rupture avec la Russie nous en ,offriroit une infinité. Mais vous ne vous faites pas d'idée de ma position, et .de tout ce que je trouve d'entraves et d'opposition dans la personne même ,du Roi, dans tous les conseillers qui l'entourent et ne l'entourent pas. Mr. de Haugwitz est le seul aux principes duquel il faut que je rende justice dans .ce moment." Mr. d'Alopeus prit le Ministre de se jeter aux pieds du Roi, de s'armer de l'opinion de Mr. de Haugwitz, et de lui représenter que dans un moment où il ne lui reste que le choix entre l'honneur et le déshonneur, entre le salut et la perte, il est du devoir de ses plus fidèles serviteurs de ne lui rien cacher de la verité la plus pure.

Mr. de Hardenberg lui dit qu'il craignoit, dans une démarche pareille, la mollesse de Mr. de Haugwitz, qui ayant déjà une fois pris un engagement de ce genre, l'avoit planté au milieu de la démarche. Le Ministre de Russie lui fit remarquer que le moment étoit trop critique pour ne pas risquer le tout pour le tout, et passer sur une infinité de petites considérations. Le Baron de Hardenberg ne contredit aucune de ces vérités et se rendit à midi chez le Roi à Charlottenbourg.

J'ai cru devoir faire jouer une machine qui fournit de nouveaux argumens au Baron de Hardenberg, en lui faisant parvenir, encore avant sa conférence, les dépêches ostensibles que je viens de recevoir. Je lui ai écrit à cet effet, pour lui demander une heure d'entretien en ajoutant que, vu le désir qu'il m'avoit témoigné, d'être le plus tôt possible mis au fait de la réponse de ma cour aux dernières ouvertures d'ici, je m'empressois de lui envoyer en attendant les dépêches qui venoient de me parvenir.

Metternich-Winnebourg m. p.

19.

Comte Metternich au Comte Colloredo.

à Berlin ce 27. Septembre 1805.

Je saisis l'occasion du passage d'un Courrier Napolitain pour avoir l'honneur d'informer Votre Excellence de l'état actuel des affaires.

Mr. le Baron de Hardenberg étant revenu de Tempelberg hier, fit prier ce matin à 7 heures Mr. d'Alopeus de passer d'abord chez lui. Un retard dans la communication a empêché le Ministre de Russie de se rendre chez le Baron de Hardenberg avant 8 heures et demi. Il a trouvé ce Ministre prêt à monter en voiture, pour se rendre chez le Roy.

Il n'a pu que lui dire que les nouvelles qui à toute heure arrivent de la Pologne, confirment la plus prochaine entrée des troupes russes. Il a supplié, en même temps, Mr. d'Alopeus d'empêcher pareille mesure, pour éviter la plus horrible des catastrophes pour la bonne cause. Ce dernier se borna à lui répondre, que des ordres aux armées n'étoient nullement de son ressort, et qu'il avoit prévenu assez à temps la Cour d'ici des determinations de Sa Majesté Impériale, pour qu'elle ait pu donner les ordres nécessaires pour le libre passage des troupes. Cette conversation n'ayant point duré au-delà de quelques minutes, le Ministre de Russie rentra chez-lui, où il trouva le Comte Ozarowski, attai à sa mission, qui venoit d'arriver de St. Pétersbourg.

Des dépêches en date du 18 renferment l'ordre à Mr. d'Alopeus de déclare: au Ministere, „que Sa Majesté Impériale, dans l'espoir de voir accepter au Roi „le rendez-vous qu'Elle lui a proposé par sa dernière lettre, dans lequel Elle „s'empressera de Lui prouver qu'il n'est nullement entré dans ses vues de le „forcer, a suspendu l'entrée de ses troupes jusqu'à cette époque, convaincue „toutefois que le Roi n'hésitera pas de faire cause commune avec Elle."

Ces ordres devoient être regardés comme non-avenus, si le Roi avoit accédé, avant leur arrivée, au passage des troupes; et ils sont la suite de la réponse du Roi à la première lettre de l'Empereur. *)

Mr. d'Alopeus se rendit sur-le-champ chez le Ministre du Cabinet. On fit quelques difficultés de l'annoncer, Mrs. de Laforest et Duroc étant attendus d'un moment à l'autre. Il persista, et on l'introduisit dans une pièce où le Mr. de Hardenberg n'a pas coutume de recevoir. Il s'acquitta de ses ordres, et ajouta que S. M. I. étant inébranlable dans toutes ses déterminations (ce qui lui est expressément ordonné dans ses dépêches) Elle ne doutoit nullement que le Roi prendroit enfin le seul parti convenable à ses intérêts et à sa gloire. Le Baron de Hardenberg témoigna le plus sensible plaisir de cette nouvelle, et lui dit qu'elle venoit tout juste à temps; qu'il verroit S. M. avant dîner à Charlottenbourg, et que cela le mettroit à l'aise vis-à-vis des Envoyés de France qu'il attendoit incessament. Mr. d'Alopeus lui demanda s'il étoit vrai que les François proposassent de nouveau au Roi d'occuper le Hanovre, et qu'on lui en garantiroit la possession. „Ah! il est question de bien plus“, répondit le Baron, „on nous propose une alliance et beaucoup en sus". J'espère, ajouta-t-il,

*) Vielmehr des Briefes vom 5. September, den die Denkwürdigkeiten II, S. 210 erwähren und der sich mit dem des Kaisers gefreuzt.

que nous pouvons tirer parti de l'entrevue et qui sait si l'on n'entraînera pas le Roi? Le Baron de Hardenberg témoigna, dans le cours de cette conversation, de l'impatience de ne pas voir débarquer les Anglois, pour se porter sur le Hanovre: personne, dit-il, ne peut les empêcher de reprendre leur propre pays.

Tous ces détails que je tiens de Mr. d'Alopeus qui sort de chez-moi, et dans la présence duquel j'ai noté la phrase ci-dessus citée, qu'il m'a dit être la quintessence de ses ordres, m'ont paru de nature à être portés, le plutôt possible, à la connoissance de Votre Excellence. Je n'ai recueilli aucun autre trait saillant dans le récit de sa conversation. Mr. de Hardenberg a beaucoup protesté de nouveau de son désir de contribuer, le plus qu'il pourroit, aux déterminations de S. M. au moment même de l'entrevue des deux Souverains.

Il m'a paru trop essentiel de tâcher d'écarter, par tous les moyens possibles, Mr. Lombard de l'entrevue, pour ne pas m'être concerté à cet effet avec Mr. d'Alopeus, qui déjà en avoit parlé au Baron de Hardenberg. Ce Ministre, sans lui contester combien la chose seroit désirable, déclina d'en parler directement au Roi, cette démarche devant nécessairement porter le caractère d'une intrigue personelle de sa part. Le Ministre de Russie n'hésita pas d'aller trouver hier Mr. le Comte de Schulenbourg, vis-à-vis duquel il s'expliqua dans ce sens, et qui se chargea d'en soumettre la prière à Sa Majesté.

Les préparatifs militaires continuent ici avec beaucoup de vigeur. Il se forme dans ce moment un camp entre Kalisch et Sieradcz en Pologne, dirigé visiblement contre la marche des troupes russes; et on dit que differens Régimens destinés à en former un autre en Poméranie, se rassembleront le 2. Octobre. On embarque beaucoup d'artillerie de siège sur la Sprée, qui ne sauroit se porter que vers les embouchures de l'Oder.

L'aveu de propositions renouvelées et écoutées d'une alliance avec la France, contredit formellement l'assertion avancée naguere par le Baron de Hardenberg, du parti effectif quoiqu'indirect que la bonne cause seroit censée tirer de l'état actuel des choses et des armemens de la Prusse.

Le frère de Mr. d'Alopeus, qui depuis quelque temps se trouve à Stralsund, ainsi que j'ai eu l'honneur d'en informer Votre Excellence, est inquiet des retards qu'éprouve l'expédition russe. Elle doit avoir été contrariée par le vent qui maintenant s'est fixé au N. E., le plus favorable pour son arrivée.

Le Ministre de Russie a reçu hier des lettres de Hambourg, qui lui mandent, que le port de Cuxhaven est evacué par ce qui y restoit encore de troupes françoises. Mr. le Comte de Goetze, aide-de-camp de Sa Majesté Prussienne, est arrivé à Hambourg. On ignore la nature des propositions dont il est porteur. D'après ce qu'on écrit à Mr. d'Alopeus, on parle beaucoup dans cette ville d'une occupation Prussienne.

Metternich-Winnebourg.

20.

Copie d'un rapport de Mr. d'Alopeus à Mr. le Prince Czartoryski.

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Lorsque le Baron de Hardenberg s'étoit encore trouvé chez le Roi est 21. Sept. arrivé une estaffette d'Anspach, portant la nouvelle inattendue que le 5. OL les François ont forcé le passage par le territoire Prussien en Franconie. Un détachement de 4000 hommes à-peu-près est entré par le village de Sickershausen, où se trouvoit posté un Officier avec 15 hussards, l'a enveloppé sans lui faire autre mal, et malgré ses protestations, s'est porté en avant. On évalue la force sans doute exagérée du corps aux ordres du Général Kellermann, qui alloit prendre par le pays d'Anspach, à 20,000 hommes. Il dirigeoit sa marche sur Uffenheim, Anspach et Günzenhausen, en se permettant même de faire des réquisitions de toute espèce. Il y a toute apparence qu'il alloit marcher vers Neubourg sur le Danube.

Le Roi, en apprenant cette lésion de territoire, dans le premier mouve ment de colère a ordonné au Baron de Hardenberg de renvoyer immédiatement Messieurs Duroc et Laforest. Un instant après il lui a enjoint de suspendre leur renvoi, de retourner sans délai à Berlin, d'assembler un comité auque! devoient assister le Duc de Brunswick, le Maréchal de Möllendorff, le Comte de Schulenbourg et lui Baron de Hardenberg et d'envoyer à Sa Majesté le résultat de leurs déliberations. Mr. de Hardenberg a été de suite chez les Géné raux mentionnés, qui allèrent s'assembler encore ce soir, à l'exception du Comte de Schulenbourg, retenu au lit par une maladie qui lui est survenue il y a quelques jours. Tous ont appris avec joie la nouvelle qui les délivre d'une grande gêne.

Le Ministre du Cabinet a commencé par observer au Roi, que maintenant Sa Majesté étoit dégagée de toute promesse et de tout engagement contractés vis-à-vis de la France, et que rien ne l'empêchoit de se déclarer ouvertement pour son auguste Allié. Ce sera sans doute aussi le résultat des délibérations des Généraux et Ministres mentionnés. Ce résultat va être envoyé demain au Roi à Paretz et après demain nous apprendrons sans doute les déterminations définitives de Sa Majesté. Selon toutes les apparences, c'est Mr. le Prince Dolgorucky qui en sera le porteur.

Tout étant prêt pour le départ du Roi, il est probable que Sa Majesté ne différera son départ qu'autant qu'il lui faudra de temps pour donner ses ordres motivés par l'incident que je viens d'avoir l'honneur de rapporter.

21.

Comte Metternich au Comte Colloredo.

Berlin ce 29. Octobre 1805.

Le Courrier Beck m'a remis le 26. à trois heures de l'après-midi les dépêches dont Votre Excellence a bien voulu le charger. Leurs Majestés s'étant, depuis la veille, trouvées à Potsdam, j'expédiai sur-le-champ un des mes gens à Mr. le

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