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invariablement mes démarches sur la voie que me tracent les dernieres dépêches de Votre Excellence, jusqu'au moment où de nouveaux ordres me seront transmis. J'aurai soin, cependant, de nuancer ma conduite d'après les premières données, qui probablement doivent parvenir dans les vingt-quatre heures à Mr. d'Alopeus. Si les derniers temps m'ont offert maintes épines, l'époque présente est sans doute la plus pénible de toutes, étant infiniment aggravée par l'élan que vient de prendre tout le parti françois. On ne sauroit douter que le jour de la dissolution de la coalition seroit celui de la chûte du Ministère actuel, et que Mr. de Haugwitz ne reviendroit ici que pour reprendre le portefeuille. La lettre ci-jointe du Duc de Brunswick au Baron de Hardenberg qu'il a confiée sous le sceau du secret à Mr. d'Alopeus, prouvera à Votre Excellence quelles sont les dispositions de ce Prince et sa façon d'envisager les derniers événemens militaires en Moravie. Je suis avec respect etc. etc.

23.

Comte Metternich de Paris.

Paris, le 30. Mars 1808.

La catastrophe qui depuis longtems menaçoit le trône d'Espagne vient d'éclater. Les événemens qui, à dater du 15. de ce mois, se sont succédés à Aranjuez et à Madrid ne sont encore connus du public que sommairement: nous touchons les résultats sans pouvoir suivre la marche de l'intrigue et des événemens qui les a amenés. Peu de semaines suffiront sans doute pour dévoiler aux yeux de l'observateur éclairé la part directe que la France a eue dans la préparation de l'état actuel des choses, nous voyons déjà qu'on ne perd pas un moment pour le mettre à profit, et la dernière branche des Bourbons va incessamment se trouver déchue du dernier trône qu'elle occupoit.

Le Moniteur d'hier, que j'ai l'honneur de joindre au présent rapport, renferme le précis sommaire des événemens depuis le 16. jusqu'au 20. Mars. Un Courrier, arrivé ici hier, a porté au Prince Masserano des lettres de créance du nouveau Roi Ferdinand VII. Le quartier général du Prince Murat doit être établi depuis plusieurs jours à Madrid.

Le Prince de la paix est reclus dans l'hôtel des Gardes du Corps à Aranjuez. Les détails suivans qui ne se trouvent dans aucune feuille et que je tiens des premières sources, serviront quoique foiblement à éclaircir la marche progressive des événemens.

Il paroit que depuis longtems la conquête du Portugal faisoit un des principaux objets de négociation entre les Cours de France et d'Espagne. Le Roi Charles IV. répugnoit à renverser le trône de son beau fils, la France tint à l'expedition, parce que de nouvelles chances d'agrandissement s'offrirent à elle; les catastrophes du moment présent peuvent n'avoir pas moins été prévues et préparées; un spécieux prétexte pour faire passer une forte armée les Pyrenées, l'établir en Espagne et la faire vivre à ses dépends, offroit des moyens trop facils de bouleversemens avantageux à Napoléon, pour qu'il ne les ait saisis avec cette active convoitise qui caractérise sa marche politique. C'est

le Conseiller d'Etat Ysquierdo, agent reconnu et avoué du Prince de la paix, avec lequel on traita ici de cette importante question. Il signa en Novembre dernier un acte dérobé à la connoissance du public qui paroît avoir fixé les bases de l'expédition contre le Portugal. Des articles de cette pièce portèrentils explicitement la réunion du Portugal à la couronne d'Espagne et la cession des Provinces en deçà de l'Ebro à la France? Le négociateur Espagnol seroit-il tombé dans l'erreur trop funeste, et généralement trop souvent répétée, de croire qu'en ne pas articulant dans les plus minutieux détails les cessions et les acquisitions, il établiroit quelques chances en faveur de son Maître? Je l'ignore - tant ya que lors de son départ pour Madrid, il y a 5 à 6 semaines, il assura sous le sceau du secret ne pas avoir entendu signer ce qu'on prétendoit devoir être exécuté comme résultat de la convention du mois de Novembre dernier. Son dernier voyage paroît avoir eu pour but de porter sa Cour à consentir à la cession de la Biscaye, de la Navarre, de l'Aragon et de la Catalogne. L'Espagne en échange, entreroit en possession du Portugal à l'exception de Lisbonne qui demeureroit à perpétuité à la France. Une armée de quatre vingt mille hommes, destinée à occuper les Ports de l'Espagne, devoit être entretenue aux frais du Royaume. I fit la course en 22 jours et rapporta ici la ratification de cet acte. I quitta Madrid le 13. Mars; le quartier général François étoit à Valladolid ou auprès. L'armée du Prince Murat avançoit à petit pas, elle couvroit journellement un terrain plus étendu on disoit qu'elle s'avançoit vers les côtés du Sud-ouest. Le public en Espagne étoit dans une sourde agitation, on s'attendoit à des grands événemens, on voyoit des moyens d'attaque partout, nulle part des moyens de défense; entourés, livrés à des amis armés les Espagnols regardèrent autour d'eux pour découvrir les ennemis, les yeux se fixèrent sur la Cour et ses alentours. Le Roi rassembla autour de lui quelques foibles moyens de défense. L'insurrection contre le Prince de la paix éclata le 16., on se porta chez lui; ses gardes se battirent en désespérés, il coula beaucoup de sang, le Prince resta caché sur un des gréniers de sa maison pendant 45 heures, pressé par la soif il descendit dans la rue, déguisé le mieux qu'il put, et demanda à boire à un passant. Celui-ci l'ayant reconnu appela au secours; un attroupement s'étant formé sur le champ, le Prince eut infailliblement été assassiné, si quelques militaires ne l'avoient pris sous leur garde. Il reçut dans la mêlée un coup de canne sur l'oeil droit qui a manqué le lui crever. Les proclamations, la nouvelle de l'abdication du Roi se trouvent dans le Moniteur, tristes monumens de la foiblesse d'un Monarque qui va grossir la foule des Princes qui n'ont su ni défendre leur trône contre le torrent dévastateur des derniers tems, ni s'ensevelir sous ses ruines.

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Plusieurs circonstances dans la marche des événemens que je viens d'avoir l'honneur de tracer à Votre Excellence, paroissent inexplicables, si on ne part du point de vue que, ni la Cour d'Aranjuez, ni les insurgés, ni le peuple Espagnol avoient le moindre plan, que tous les fils aboutissoient uniquement aux Tuileries, que le désordre étoit protégé par Napoléon, parceque ses efforts ne pouvoient que diminuer en raison inverse de son intensité. Les mêmes personnages qui on figuré dans la dernière conspiration du Prince des Asturies se trouvent actuellement à la tête de l'administration nouvelle. Comment supposer que ces individus dispersés, en inquisition, arrêtés, abandonnés par un Prince lui même avili aux yeux de la nation, ayent pu continuer à préparer en secret

une catastrophe qui demandoit de l'accord et des moyens de toute espèce? On veut faire croire ici que c'est cette même trame qui a réussi dans ce moment; on jette du louche sur le Prince des Asturies; on veut le faire paroître criminel pour pouvoir sévir contre lui; on a l'air de prendre le parti du Roi, qui ne l'est plus, pour détrôner celui qui lui succède, on dit maintenant que l'armée Françoise n'avance en Espagne que pour y établir l'ordre et le désordre n'existe dans ce malheureux pays que depuis la présence de cette armée.

Tous les partis devoient se réunir contre l'homme en but à tous, lequel après s'être élevé avec une rapidité sans exemple dans l'histoire, au dessus de tout ce à quoi le particulier le plus ambitieux peut viser, n'a à attendre probablement que l'échafaud. Il paroît sur que le Prince de la Paix, ne se faisant nulle illusion sur le sort prochain et inévitable de son Maître, lui avoit proposé de quitter l'Europe et de se retirer au Mexique. Ce fait sert maintenant de pretexte à ses persécuteurs. Il devroit être un grief aux yeux de Napoléon; on n'en a pas moins offert, peu de jours avant la catastrophe du 16. Mars, un asyle au Prince de la Paix dans le quartier général François. Le Prince répondit à l'offre que lui en fit Murat, que rien ne le sépareroit jamais de la personne de son Roi; qu'il étoit Espagnol, qu'il n'avoit en vue que le bien être de l'Espagne, et que jamais, arriveroit ce qui pourroit, il n'iroit chercher un asyle chez l'étranger. Que Votre Excellence parte de ces differentes données et qu'Elle base sur elles son calcul, je ne doute nullement qu'Elle n'en tire ë même résultat que moi. On vouloit du désordre pour légitimer (si ce mot est applicable a une entreprise Françoise) les malheurs qui vont accabler le foible Charles IV. et le court règne de son fils.

Mr. de Laforest est parti d'ici pour Madrid il y a trois jours. On lui a laissé trois heures pour faire ses préparatifs et donné pour toute instruction l'ordre de suivre celles qu'il recevra au quartier général du Prince Murat. Il a du quitter Paris sous prétexte de se rendre sur ses terres. Il est sans nul doute chargé d'imprimer le sceau diplomatique au résultat des opérations du Général en Chef François.

Les différens articles que j'ai eu soin de marquer dans les feuilles d'hier, que Votre Excellence reçoit ci-joint, prouvent la tendance de Napoléon vers la chute du trône d'Espagne. Le public habitué à ce genre de catastrophes désigne le Prince Murat comme futur Roi. Il seroit très difficile de préciser quelles peuvent être les vues de l'Empereur sur l'organisation prochain de la Presqu'Isle. Je serai assez tenté de croire que nous y verrons, outre quelques acquisitions importantes pour la France, un morcellement qui, en laissant à Napoléon le moyen de placer plusieurs de ses créatures, diminueroit l'intensité des forces, qui, le jour où il retournera ses regards vers l'orient, se trouveroient dans son dos. Si l'Espagne et le Portugal doivent être réunis je trouve le lot trop grand pour le Grand Duc de Berg, et je serois plutôt tenté de croire qu'on y placeroit un des frères, dans le sort desquels il seroit difficile qu'il n'y ait pas quelque changement. Il me suffira de citer l'état actuel de la Hollande pour justifier cette opinion. Il est prouvé que ce Royaume ne peut exister vingt ans. La pénurie de tous les moyens financiers, les atteintes de la mer à laquelle il devient tous les jours plus difficile de disputer le terrain, doivent de l'aveu même de personnes impartiales et instruites, faire aglomérer à la France les Provinces que sous peu les ondes ne couvriront pas. Les personnes

qui désignent le Grand Duc de Berg comme Roi d'Espagne, prétendent que son Pays actuel sera réuni au Royaume de Westphalie.

La subversion de l'Espagne est un de ces événemens affreux, une de ces grandes et malheureusement trop inutiles leçons dans les fastes de l'histoire qui devroient prouver à tous les souverains que capituler avec un ennemie irréconciliable ne le désarme pas; la querelle renait et malheur à la Puissance qui dans les moments trompeurs d'un repos apparent a sacrifié ses moyens de défense à des considerations secondaires; malheur au Souverain qui se fie à des demonstrations bienveillantes de la part du vainqueur! Il est des existences incompatibles entre elles; celle du pouvoir actuel de la France l'est avec la conservation de nul autre trône de l'Europe, car qui oseroit flatter de ce titre cette foule de Préfets couronnés qui depuis peu doivent leur existence à cette même France, et qui payent cette frêle existence par le sang et l'or de leur sujets.

eu soin

Que de considerations doit faire naître en Russie la catastrophe qui fait le motif du présent rapport. Par quels sacrifices le Cabinet de St. Pétersbourg espère-t-il atteindre à la somme des sacrifices que depuis des années le malheureux Charles IV. a portés à la France? Quelles assurances plus positives d'amitié l'Empereur Alexandre peut-il attendre que n'en a reçues le Gouvernement Espagnol! C'est à l'époque même où Napoléon a d'éloigner du trône de leur maître l'élite des troupes Espagnoles, et qu'il les a exilées dans les glaces du Nord, que la Russie donne dans le même panneau. Les mêmes résultats suivent toujours les mêmes causes, et si l'Empereur Alexandre ne voit pas dans son impolitique querelle avec la Suede, dans les mesures de défense et d'attaque qui se poussent avec vigeur dans le Duché de Varsovie, dans l'occupation et la mort de la Prusse, dans l'isolement enfin de ses projets contre la Porte autant des facilités en faveur de la France et de dangers pour son Empire, qu'il se persuade au moins d'après le triste exemple de l'Espagne que la personne même du Souverain n'est pas plus respectée par Napoléon que le reste des principes qui seuls devroient servir de base à la politique des grands comme des petits, et de la violation desquels le règne du Conquérant offre une série étudiée et non interrompue.

Il est impossible que, quand les changemens qu'il se propose dans la Presqu'Isle seront consommés, époque prochaine et facile à calculer, il ne refoule avec toutes ses forces vers l'orient. L'année est trop avancée pour qu'il me paroisse probable que nous puissions y prévoir des complications; mais c'est l'automne et l'hiver prochain que se prépareront les grandes questions. C'est en 1809 qu'elles seront mises à exécution et malheur aux seules Puissances qui méritent encore ce nom en Europe, si elles ne s'entendent pas d'ici à cette époque sur des moyens de cooperation ou de défense. Je sais combien la chose est difficile; mais toute considération doit céder à l'impérieux besoin de sa propre conservation. Si Napoléon étoit tout puissant, il ne nous laisseroit pas le tems de renforcer nos moyens; il nous dévoile un reste de foiblesse par la conduite calculée qu'il tient vis-à-vis de la Russie et de nous, dans un moment où un autre coin de l'Europe absorbe une grande partie de ses forces, il comte sans doute sur l'excès de notre affaissement moral, car personne mieux que lui connoît et sait apprécier nos forces physiques. Je forme des voeux que la catastrophe en Espagne serve à donner une meilleure direction aux

esprits en Russie, et ces horribles événemens auront comme beaucoup de crimes offert eux mêmes quelques chances de salut à ceux qui savent en profiter.

Il n'est pas trop possible de prévoir ce à quoi la présence de l'Empereur en Espagne pourroit servir dans ce moment. Il paroît néanmoins probable qu'il va aux premiers jours se rendre de ce côté. Il seroit possible qu'il se fixât à Bayonne ou à Bordeaux pour être plus près du théâtre où il déploye momentanément son activité que rien malheureusement ne parvient à lui faire user. On dit qu'une incommodité cutanée le retient ici, depuis plusieurs semaines, il est toutefois si difficile d'approfondir ce qui le concerne que je ne me permets pas d'assurer qu'une gale mal-guérie le tourmente ainsi que le croit tout le public.

J'ai l'honneur etc. etc.

24.

Comte Metternich au Comte Stadion.

Monsieur le Comte!

Paris, le 1. Juillet 18US.

N'ayant point reçu de nouvelles ultérieures des mouvemens de l'are françoise en Silésie, je suppose que les inquiétudes momentanées qu'avoient conçues nos Commandans militaires en Bohême se sont dissipées. Votre Excellence a pu se convaincre par ma dernière expédition de Courrier, que, sans partager ces inquiétudes, je suis loin de vouloir rassurer la Cour sur des projets qui dans la suite peuvent acquérir un trop funeste développement. Il est trop essentiel de ne jamais confondre dans des calculs sur la marche politique de Napoléon le principe constant qui le guide, et le moment de l'exécution de ses plans; tous' tendent vers un seul et unique but, la suprématie la plus étendue sur le Continent. L'établissement de membres de sa famille sur d'anciens trônes et sur ceux qu'il crée, le morcellement de parties qui réunies. jusqu'à ce jour, constituèrent de grands Etats, ne sont qu'autant de moyens et de nuances dans ce même plan. En ajoutant à ce calcul la conviction, que toute idée de repos est éloignée de ce Prince; que le jour où il finit une bésogne doit lui en voir entamer une nouvelle; il suffit de jeter les yeux sur la carte pour trouver les points sur lesquels les plus prochains coups doivent se porter.

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La destruction de l'Espagne a été conçue et préparée par lui depuis longtems, mais les moyens de l'exécuter ne se sont réunis qu'au moment et peu après la paix de Tilsit. Le rassemblement, ou plutôt la formation d'une armée, aux pieds des Pyrénées devoit indiquer à la Cour de Madrid qne son heure étoit venue. Malheur à la Puissance qui doute encore que sa chute n'est conçue en principe, et il seroit difficile de supposer que les foibles Conseils de Charles IV ayent eux mêmes pu nourrir des doutes sur la nature des relations amicales qui subsistèrent entre les deux cours; mais rien n'indique que le gouvernement Espagnol ait pris nulle mesure pour opposer la moindre résistance à l'orage qui alloit fondre sur lui. Les événemens actuels en

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