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si l'on croit que l'armée me coûte plus que de coutume; il est vrai que cette amélioration dont je vous ai parlé dans l'organisation des remontes et du charriage m'a fait débourser six millions de roubles, mes ces messieurs avoient beau dire ce qu'ils vouloient (apparement S. M. indiquoit l'opposition dans le conseil) cette dépense étoit absolument nécessaire, et j'aurois toujours du la faire parcequ'elle manquoit à ce perfectionnement d'organisation que l'état actuel de l'Europe exige de moi. S. M. m'expliqua ensuite comme les circonstances avoient favorisé la formation des magasins à peu de fraix, et comment on avoit adopté un système d'alimentation de l'armée en plaçant les magasins par échelons, pour pouvoir, répéta l'Empereur, faire la guerre de manière à la soutenir long-temps et à une distance qui nous en facilite les moyens et aggrave les difficultés à l'ennemi.

La conversation s'étant épuisée sur ce sujet, je dis à S. M. que je saisissois cette occasion pour lui faire mon compliment sur la victoire que le Général Kutusoff venoit de remporter; mais qu'avec ma franchise accoutumée j'osois lui dire, que j'aurois de bien meilleur coeur assisté à un Te Deum pour la paix conclue avec les turcs. Et moi done! m'interrompit l'Empereur, mais que voulez-vous? On ne peut plus faire entendre raison à ces gens là; le Divan est travaillé par la France, et il ne faut pas les enorgueillir d'avantage en lui faisant de trop bonnes propositions. Les turcs ont entendu parler d'un, ici S. M. fut quelque temps à chercher le mot d'un refroidissement entre la Russie et la France, et ne voilà-t-il pas qu'ils ne veulent plus rien céder du tout? Puis revenant sur la France et ses préparatifs l'Empereur me dit savoir qu'on organisoit huit régimens de lanciers; ce n'est point une augmentation de cavallerie, ce n'est qu'une transmutation d'armes pour opposer à nos cosaques qui leur firent beaucoup de mal.

L'Empereur jugea à propos de faire semblant vis-à-vis de moi de faire l'apologie des opérations du Général Kutusoff, dont je sais qu'il fut très mécontent en apprennant son retour en deça du Danube, ou point de regretter de s'être trop hâté de lui envoyer son portrait à la boutonnière; cela me donna occasion de parler de la Servie sur laquelle je lui dis avoir quelques sollicitudes, à cette heure que cette province étoit plus exposée que jamais à une vengeance toujours cruelle des turcs. L'Empereur me répondit que pour le moment il y avoit suffisamment de troupes Russes; que la communication restoit toujours ouverte et que dans le besoin on y pouvoit faire filer des renforts. Au reste, ajouta l'Empereur avec un sourire de finesse, la conservation de la Servie est plus interessante à l'Autriche qu'à la Russie. Je me tus et au bout de quelques momens de silence, l'Empereur continua d'un ton confidentiel. De deux choses l'une, ou la Providence veut que par de malheureux événemens l'Europe soit subjugée, ou tout retournera à peu près à l'ancien ordre des choses, et alors la Servie est un des arrondissemens qui sera tout à la convenance de l'Autriche. Je répondis que je voyois avec plaisir que les sentimens d'amitié que S. M. éprouvoit pour notre Auguste Maître, la portoit à nous souhaiter des acquisitions dont le Cabinet de Vienne est bien loin de s'occuper.

Pendant cette longue conversation l'Empereur avoit toujours un air riant, s'énonçoit avec cette facilité qu'il ne perd que lorsque la méfiance lui donne d'embarras, et il parroissoit me parler avec un abandon qui m'invitoit à la confiance.

Je crois pouvoir induire de ce que je viens d'avoir l'honneur de mander à Votre Excellence

1o que l'Empereur est plus méfiant que jamais sur les intentions futures du cabinet des Thuilleries, et qu'il sent qu'on veut l'endormir jusqu'au moment propice d'une explosion subite;

2o que cependant pour le moment actuel il est parfaitement tranquille sur une agression qu'il croit ajournée à l'année prochaine;

3o qu'il ne cesse de se flatter de la possibilité d'une coopération de notre part, au moins en cas de succès brillant;

40 que malgré toutes ces démonstrations guerrières, préférant la paix à la guerre dont il craint intérieurement les conséquences, l'Empereur ne feroit pas de difficulté d'accepter comme dédommagement au nom du Duc d'Oldenbourg la partie du Duché de Varsovie située sur la rive droite de la Vistule. Quoique sur ce plan d'échange je ne sache rien ni de la bouche de S. M., ni de celle de Koscheleff, cependant j'ai appris sous main que le Chancelier en avoit laché quelques mots au Comte Lauriston. Au reste si S. M. a nourri un moment quelqu'espoir d'un rapprochement par le canal du Duc de Vicence, je suis persuadé que depuis la lettre que celui-ci écrivit par ordre de son maître au Maréchal de Cour, et à laquelle Tolstoi en répondit une, dictée par l'Empereur, cet espoir est tout à fait évanoui,

5o que ce sursis momentané à une rupture que d'abord l'on appréhendoit pour cette saison, et qu'on est forcé de s'avouer être inévitable à la longue a rendu à l'Empereur ce calme qui visiblement diminuoit à l'approche de la saison qui présageoit une explosion; calme que je prévois bien vite dissipé à l'époque où les armées combinées françoises seront prêtes à entrer en campagne; alors les allarmes, les incertitudes, les fluctuations reprendront; on ne le voit que trop, l'idée de la préponderante superiorité des talens militaires de l'Empereur Napoléon a frappé l'Empereur d'une manière qui ne peut qu' augmenter ses inquiétudes au moment de la crise;

6o finalement que les offres faites jusqu' ici à la Turquie ne portent rien moins qu'à une restitution pleinière du status ante bellum, et que l'Empereur nourrit encore toujours cette arrière-pensée de nous voir posséder un jour la Servie, peut-être même la Valachie. Koscheleff encore tout récemment ne s'en cacha pas, quoique lui ne cesse de conseiller la restitution pleinière, mais il n'est pas beaucoup écouté.

En somme rien ne décidera jamais l'Empereur Aléxandre à être l'agresseur vis-à-vis de la France - peut-être essayera-t-il de transmettre au Divan des propositions plus acceptables. Quant à l'Angleterre, le mécontentement constant du parti anglois qui fronde plus que jamais, m'est garant que de ce côté là aucune négociation n'a été entamée. Enfin je persiste dans la conviction que Mr. de Lauriston ne réussira jamais à rétablir dans l'esprit de l'Empereur Alexandre cette confiance dans la sincerité de l'amitié de l'Empereur Napoléon que Mr. de Coulaincourt avoit si bien et si long temps su entretenir.

Je suis avec etc. etc.

31.

Instructions pour S. Exc. Mr. le Baron de Jacobi-Kloëst.

Breslau, le 26. Mars 1813.

Les Considérations les plus importantes, que je n'ai pas besoin de développer à V. E. mais dont elle trouvera une partie dans la Note ci-jointe que le Général de Krusemark a reçu l'ordre de remettre au Duc de Bassano, que dans les Proclamations émanées depuis peu, ont porté le Roi à renoncer à l'Alliance de la France, que des circonstances impérieuses seulement avaient pu amener, et S. M. ressent la plus vive satisfaction de pouvoir suivre le voeu de son coeur en se réunissant à la Russie, l'Angleterre, et la Suêde: Elle prend ce parti avec autant plus de plaisir et de confiance, qu'il répond au désir unanime de son Peuple et de son Armée en particulier. V. E. a été temoin de l'enthousiasme avec lequel les déterminations du Roi ont été accueillies.

S. M., vous le savez par elle même, M. le Bn., vous destine de nouveau au poste que vous avez rempli antérieurement avec succès, et à son parfait contentement. Elle veut que vous vous rendiez sans le moindre délai à Londres, où Elle vous nomme Son Env. Extr. et Min. Plenip. et comme Elle m'a ordonné de vous munir en son nom des instructions nécessaires, je ne tarde pas de vous indiquer les points principaux qui doivent occuper votre zêle.

Vous recevez d'abord les pièces ci-jointes:

1. Une Lettre de Créance pour le Prince Regent.

2. Une Lettre particulière pour S. A. R.

3. Un Pleinpouvoir pour négocier, conclure, et signer un Traité de Paix, d'Amitié et d'Alliance offensive et défensive entre le Roi et le Prince Regent. 4. Une Lettre pour S. M. la Reine d'Angleterre.

5. Une Lettre pour S. A. R. le Duc de York.

6. Une Lettre pour S. A. R. la Duchesse de York toutes ces pièces pour votre Information.

avec les Copies de

V. E. présentera les lettres aux personnes augustes auxquelles elles sont adressées en ajoutant de bouche tout ce qui sera propre pour leur témoigner combien le Roi est charmé de renouer des liens qui n'ont cessé d'être chers à son coeur et de pouvoir leur donner des nouvelles preuves de son attachement. Elle tâchera de mettre dans leur vrai jour les motifs qui ont forcé le Roi à suivre momentanément le Systême de la France, et surtout de bien prouver la sincérité des sentimens qui l'animent pour la cause que S. M. s'empresse d'embrasser maintenant et sa ferme Résolution d'y persévérer, et d'employer tous ses moyens pour atteindre le but commun.

Elle observera les formalités usitées à l'égard de la Lettre de Créance, et s'appliquera incessament de son mieux à convenir d'un Traité d'Alliance conformément aux pleinpouvoirs qu'elle reçoit.

Je joins ici une Copie exacte du traité conclu avec la Russie, ainsi que des Articles séparés et secrets. Vous les communiquerez à la Cour de Londres, et prendrez leur contenu pour bâse de ce que vous allez conclure avec celle-ci, car vous sentez qu'il est essentiel de mettre autant d'unité que possible dans les Engagemens que nous prenons pour le même but. Partant de ce principe, le Roi ne vous préscrit point un projet de Traité. Il s'en remet à votre connais

sance de cause, à votre zêle éprouvé pour ses intérêts et à votre sagacité et vous autorise à signer sans demander de nouvelles instructions, d'autant qu'il importe souverainement de ne pas perdre un tems précieux.

Les engagemens de ne pas négocier en particulier avec l'Ennemi, de ne signer ni Paix, ni Trève, ni Convention quelconque autrement que d'un commun Accord, de se concerter sur les objêts politiques et militaires sont essentiels, et ne souffriront probablement aucune difficulté. J'observe que la Cour de Vienne a désiré de voir renvoyés parmi les Articles séparés et secrets, lors de la publication de notre Alliance avec la Russie, les Articles 7 et 11 du Traité, et cela me parait aussi faisable que convenable. Le Traité ayant déjà été communiqué par la Russie à l'Angletere, il faudra prévenir le Cabinet Britannique de ce voeu de celui de Vienne.

Les malheurs que la Prusse a éprouvés et les grands sacrifices auxquels elle a été assujettie, ayant entièrement epuisé tous ses moyens de finance, il lui serait absolument impossible de soutenir les efforts qu'elle fait et qu'elle continuera de faire, tant pour la Cause Commune, que pour sa propre indépendance, sans être secourue par un subside. Il s'agit donc avant toute chose d'obtenir du Gouvernement Britannique, d'abord une somme considérable pour faciliter les premiers Armemens, et puis une Subventiou pendant la durée de la Guerre. Vous ferez tout votre possible afin que ces secours pécuniaires soyent accordés suffisamment et promptement, et qu'ensuite la Subvention soit payée régulièrement tous les Mois, à commencer du 1. Mai, le tout en espèces sonnantes, et non pas par lettres de change. Ces payemens pourraient s'effectuer soit à Königsberg, soit à Colberg. Le Roi s'en rapporte à Votre savoir faire et ne fixe point de Sommes. J'ajoute simplement ici la Copie du Traité de subsides du 19. Avril 1794, et de celui que vous même avez signé à Londres le 27. Juin 1807, et qui dût être regardé comme non avenu par la malheureuse tournure que prirent les affaires.

Les secours pécuniaires, je le répète, nous sont indispensablement nécessaires; ils le sont tellement, qu'il nous deviendroit impossible d'atteindre le but auquel l'Angleterre elle-même a un si grand intérêt, pour peu qu'elle s'y refusat. Elle trouvera les plus puissans moyens dans les efforts de la Prusse pourvu qu'elle veuille se résoudre à la mettre en état de les faire. V. E. ne négligera rien pour mettre ceci en évidence. Au pis-aller on pourrait prendre en partie des denrées coloniales ou d'autres objets de fabrication Anglaise, mais il faudrait toujours principalement de l'argent comptant surtout pour les premiers fraix. Hors les secours pécuniaires, V. E. tâchera de nous procurer des effets de guerre tant en fait d'artillerie, de fusils, sabres, munitions et surtout de la poudre. Elle représentera que nous sommes occupés à organiser une milice et pour le cas de besoin une levée en masse, et que nous manquons d'armes pour celles-ci. C'est à Colberg où ces effêts militaires devraient arriver.

Je m'abstiens de fixer ici quelque chose pour la quantité de ces objets. Il faudra prendre le plus qu'on pourra. Le Lieut.' Général de Scharnhorst donnera un apperçu à V. E. de nos besoins les plus pressans dans ce genre.

L'Angleterre doit s'engager à venir au secours de la Prusse, moyennant sa Marine, partout où celle-ci pourra seconder les opérations de guerre ou protéger le pays ou le commerce Prussien.

V. E. connoit les projêts formés pour l'envoy d'une Armée alliée composée de troupes Russes, Suedoises et Anglaises dans le Nord de l'Allemagne. Elle sait qu'on destine le commandement de cette Armée au Prince Royal de Suède. Il est infiniment important de presser l'arrivée de ces troupes et de bien régler tout ce qui a rapport à cet objêt. Le Roi est prèt d'y joindre un corps considérable de ses Troupes pour le moins de 27,000 hommes, (Il faudra cependant prendre sur ce Corps d'Armée les troupes nécessaires pour le siège ou blocus de Stettin.) dont il confiera le commandement au Général de Gneisenau. La forteresse de Colberg et le Camp rétranché devant cette place servirait en cas de besoin d'appuy aux Troupes debarquées. La Place de Colberg même ne doit être gardée que par des Troupes Prussiennes, mais le Commandant pourra être soumis aux ordres du Chef de l'Armée combinée, et l'on pourra former des Magazins et Depôts d'Armes pour celle-ci dans la dite Place. La garde du Camp retranché restera confiée à des Troupes appartenantes à la susdite Armée. Comme vous passerez à Stockholm, vous y recueillerez les meilleures notions sur les plans de l'Angleterre et de la Suède, et pourrez agir en conformité. Il faut tâcher de faire fixer un terme avant lequel le débarquement devra positivement être effectué ainsi que l'endroit où il devra avoir lieu.

Quant aux livraisons en fourrages, provisions de bouche etc. pour les Troupes Alliées sur le Territoire Prussien, il est à désirer vu le grand dénuement des Provinces Prussiennes, que tous ces objêts soyent payés sur le champ argent comptant d'après des prix modérés dont on conviendra et qui n'excéderont pas ce que le Roi paye ou bonifie pour ses propres Troupes. Les logemens et le bois seraient fournis sans payement. Un arrangement particulier doit régler ces Articles, mais il faudra poser le principe daus le Traité.

Il est nécessaire de réunir nos efforts pour faire entrer le Dannemarc dans nos vues. V. E. se concertera là-dessus avec la Cour de Londres, et à son passage à Stockholm avec celle de Suède.

Nous avons conclu avec la Russie la Convention ci-jointe pour les Affaires de l'Allemagne, et on va publier la Proclamation aux Princes et Peuples allemands qui s'y trouve annexée. Vous verrez que rien n'y est prejugé sur les arrangemens futurs qui dépendent des succès qu'on aura et de futurs contingens. Vous observerez que les intérêts de la Maison d'Hanovre y sont soigneusement ménagés. Il est essentiel que vous insistiez sur la nécessité de faire des efforts pour former une Armée Hanovrienne, pour prendre part à l'administration provisoire qui sera établie, à fin de ne pas perdre la confiance des Hanovriens, et de concourir à la récuperation des pays Germaniques et de leur indépendance.

Il a été question à Londres de l'établissement d'un nouveau Royaume considérable depuis l'Elbe jusqu'à l'Escaut peut-être, qui renfermerait les anciennes possessions Hanovriennes, et serait assigné à un Prince Anglais. Un aggrandissement de la Maison d'Hanovre qui placerait un Etat intermédiaire entre la Prusse et la France et formerait une Alliance naturelle entre la Prusse et l'Angleterre, ne serait nullement contraire à nos intérêts, mais il faudra que la Prusse fut aggrandie à proportion, et surtout que l'établissement précité ne donnât point de jalousie à la Cour de Vienne. Celle-ci, la Prusse et l'Angleterre bien unies, pourraient exercer une influence décisive sur l'Allemagne qui serait déterminée lorsqu'on s'occuperait de la nouvelle Constitution qui doit

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