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Quant au Danemark, le Duc de Bassano m'assura que les relations avec ce gouvernement étoient toujours celles de la plus parfaite intimité. L'Empereur, appréciant la position où se trouvoit le Roi, et les ménagemens que ce prince avoit à garder, dans un moment où il ne pouvoit pas lui envoyer une armée de 40,000 hommes pour le secourir, ne s'opposoit pas à ce qu'il reste neutre et qu'il cherche à s'arranger avec l'Angleterre, pour pouvoir au moins approvisionner et secourir la Norwège; que l'Empereur s'étoit fait un plaisir de rendre au Roi les deux équipages de vaisseaux qui étoient dans le port d'Anvers, dans un moment où il pourroit en avoir besoin.

Me trouvant le soir en société chez le Duc de Bassano, qui avoit vu l'Empereur dans la journée, il me récapitula mon entretien de la veille avec ce souverain, me répétant d'une manière positive les dispositions pour la paix qu'on ne se refuseroit pas à entrer en négociations, soit avec un armistice, où on fixeroit l'Elbe pour ligne de démarcation, soit en continuant les opérations. La seule chose qu'il réleva, fut, que l'Empereur se rappelloit avoir dit, qu'on devroit mettre l'Archiduc Charles à la tête de l'armée destinée à conquérir la Silésie, mais qu'il abandonnoit absolument à mon jugement, si je voulois faire usage de ce propos qu'il avoit avancé sans avoir visé à aucun projet positif. Le ministre me pria de passer le lendemain chez lui, pour me communiquer des notions sur la force de l'armée de l'Empereur et sur le plan d'opération: vous voyez, dit-il, que je vous livre notre secret.

N'ayant pas manqué de me rendre a l'invitation pour cette nouvelle conférence, le ministre me communiqua le tableau de situation de l'armée. Il est basé sur les résultats tirés du livret de l'Empereur. Le duc y fit ajouter encore quelques articles et me l'envoya le lendemain. Votre Excellence le trouvera joint au présent rapport.

Le ministre me répéta que l'Empereur enverroit des ordres au général Frimont, qui lui enjoindroient la dénonciation de l'armistice à l'époque même où S. M. se porteroit avec son armée sur l'Elbe. Ne pouvant douter que le prochain courier ne me portera des ordres positifs sur la direction future du corps auxiliaire, je me bornai à observer au ministre, que cette démarche compromettroit une grande partie de nos frontières, qui ne se trouvoient pas encore suffisamment garnies de troupes. Je m'informai de la manière de laquelle l'Empereur comptoit disposer de ma personne. Le duc répondit, que l'Empereur croyoit que je pourrois partir quelques jour après lui. J'ai formé d'après cela le projet de me mettre en route dans le courant de la semaine prochaine pour recevoir à Vienne les ordres ultérieurs de notre auguste souverain.

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En combinant le résultat des entretiens pue j'ai eus depuis mon arrivée à Paris, tant au ministère des relations extérieures qu'à mon audience à SaintCloud, avec le langage des habitans de la capitale, j'ai cru voir ressortir quelques

traits principaux que j'aurai l'honneur de communiquer à Votre Excellence, et qui serviront à esquisser le tableau de la position actuelle des affaires, tel qu'il se présente à l'observateur.

10 J'ai retrouvé partout les traces de la marche de l'esprit public et de celui de l'Empereur que le Comte de Bubna et M. le Chevalier de Floret ont eu soin de dépeindre dans leurs rapports avec une fidélité qui fait preuve de leur jugement autant que de leur zèle.

2o L'Empereur a été rassuré par mon arrivée à Paris. Il ne craint rien autant qu'une rupture avec l'Autriche: il sent que la suite nécessaire en seroit une guerre, dont la fin est difficile à prévoir. Cette crainte de déplaire à notre auguste souverain se manifeste de toutes les manières. D'abord il prétend que l'on se persuade que la paix est l'objet de ses voeux les plus chers. Malgré la manière violente, dont le Duc de Bassano s'est expliqué vis-à-vis de M. de Floret lors de la défection de la Prusse, on ne me parle plus qu' avec la plus grande modération de cette puissance depuis le moment où j'ai déclaré que l'Empereur mon maître s'intéressoit particulièrement à sa conservation. A l'audience l'Empereur mesuroit soigneusement toutes ses expressions, quand il voulut me dire, qu'en employant des moyens suffisans, nous aurions pu empêcher la Prusse de changer de système, et qu' il ne tenoit encore qu'à nous de donner la loi à la Russie.

30 L'Empereur voit le danger qu'il court en perdant une bataille: il sent que l'esprit de ses armées seroit alors difficile à remonter; que la France, habituée à voir réfluer dans son sein les richesses des autres nations, ne supporteroit pas les charges d'une guerre, dont elle payeroit désormais les frais à elle seule. C'est ces considérations qui font désirer à l'Empereur une paix, telle qu'il croit pouvoir la signer sans perdre l'estime de la nation française, quoiqu'il soit pleinement convaincu dans l'intérieur de son âme qu' il battra les armées ennemies, et qu'il brûle d'envie de se venger des pertes immenses qu'il ne peut attribuer cependant qu'à ses propres fautes.

40 Il est impossible de juger, quelles seroient les conditions de paix que Napoléon trouveroit convenables; mais je ne puis m'empêcher de croire qu'à la tête de son armée (car il tient à ce que l'Europe sache qu'elle existe), avant une bataille même, il sera moins difficile qu'on ne le croiroit peut-être, si l'Angleterre fait des propositions acceptables. Pour faire des sacrifices sur le continent, il voudra, pour se justifier et sauver sa gloire vis-à-vis de la France, faire valoir les avantages maritimes et commerciaux. Une paix continentale sera difficile à obtenir autrement, que très-défavorable.

Il est essentiel au reste, qu'une armée de 80,000 Autrichiens, établie sur la frontière de la Bohême, vienne à l'appui de toute négociation. C'est de la prompte formation de cette armée, que dépend, à mon avis, le sort de l'Autriche et de toute l'Europe. Chaque moment est précieux, et je suis bien persuadé que, pénétré de cette grande vérité, vous voudrez bien, Monsieur le Comte, fixer l'attention de notre auguste souverain sur cet objet important, afin de prévenir des retards, qui ne sauroient avoir que les suites les plus funestes.

50 L'Empereur précipite son voyage, comptant sur l'effet que produira sur tous les esprits et sur l'ennemi même sa prompte apparition dans les forêts de la Thuringe, à la tête d'une armée de plus de 220,000 hommes, à une époque où on ne le croyoit plus capable de présenter la bataille avant trois ou quatre mois.

6o I propose un armistice pour essayer de conclure une paix: on est donc en droit de supposer qu'il cherche à gagner du temps; mais il n'en est pas moins vrai; que tous les renforts que Napoléon attend au delà des forces considérables qu'il est déjà parvenu à réunir en Allemagne, ne peuvent être activés que dans deux ou trois mois, tandis qu'il ne faut que peu de semaines aux armées russes et prussiennes, pour se faire joindre par des réserves et des troupes nouvellement organisées.

Les principales raisons qui semblent engager l'Empereur à désirer un armistice, sont, à ce qu'il paroît, d'abord l'idée de vouloir essayer à faire la paix encore avant de courir les chances d'une nouvelle campagne, et puis celle de gagner le temps nécessaire, pour organiser les moyens destinés à terrorifier le Nord de l'Allemagne.

70 Tout le monde, sans exception, est fatigué de la guerre: on ne soupire qu'après la paix et la tranquillité: ce voeux est général et personne ne s'en cache. Le Duc de Bassano paroît être seul dans le secret de l'Empereur: il soutient hautement le parti de la guerre, et c'est ce qui a contribué principalement à lui aliéner tous les esprits: ce ministre continue à me traiter sur le pied amical qui subsiste entre nous; j'en profite pour lui dire tous les jours les vérités les plus fortes, et je vois que mon langage, calme mais positif, sur les affaires du jour, l'embarrasse très-souvent. Le Prince de Neufchâtel lui-même ne paroît pas entièrement informé; il désire la paix plus que tout autre; mais il est intimement persuadé que l'Empereur gagnera une bataille dès que les armées seront en présence.

Il faut avouer que les esprits sont bien montés, et Paris a bien changé depuis onze mois: enfin, tout dépend d'un seul homme, c'est l'Empereur.

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J'ai reçu vos différens rapports inclusivement le No. 15 du 25. Avril, que m'a remis hier matin le courrier Bayer.

Je vous réexpédie un courrier pour vous mettre au fait de la position actuelle des choses chez nous.

Nous continuons à voir avec peine, que l'Empereur Alexandre ne nous voue pas encore toute confiance, que nous méritons. Nous devons laisser sous ce rapport au tems à établir les questions sous leur véritable jour. Ce tems n'est pas éloigné; nous touchons à l'époque du développement et il ne nous sera pas défavorable.

Nous reduisons les besoins les plus urgens du moment:

1o A la plus grande constance des Alliés dans un cas de malheur;

*) Expedié par le courrier Kemperle.

20 Aux explications les plus amples entre nous et les Alliés ;
3o Au développement de grandes mesures militaires chez nous.

Nous voyons, quant au premier point, avec une véritable satisfaction, que les armées Alliées sont dans l'attente de grands événemens militaires entre l'Elbe et le Mein. Tout semblerait devoir les présager, et le simple calcul de la marche ordinaire de l'Empereur des Français ne permet guère de douter qu'il ne pense à terrorifier par un grand coup.

Nous avons cependant quelque raison de croire que les explications qui ont lieu entre nous et lui; que la retraite de notre corps auxiliaire, la déclaration que nous ne regardons plus l'Alliance de 1812 comme applicable à la position générale des choses du moment et à l'attitude particulière de l'Autriche; nous croyons surtout, que le rassemblement d'une armée considérable en Bohème, et les dispositions militaires, poussées chez nous avec beaucoup de vigueur et sur une échelle bien plus grande, que l'est celle à laquelle il ait jamais pu s'attendre, doivent faire à l'Empereur Napoléon des réflexions assez sérieuses, pour que, s'il consulte plus la raison que la fougue, il ne s'exposera pas à une attaque, qui peut devenir compromettante même dans la supposition de sa réussite, et dont les suites paraissent incalculables dans la supposition contraire. Peu de jours prouveront si nos doutes sont fondés; vous aurez à assurer toutefois à S. M. l'Empereur Alexandre, que le revers instantané le plus complet qu'essuyeraient les Alliés, loin de nous faire changer de marche, engageroit notre auguste Maître aux mesures les plus vigoureuses pour arrêter l'Empereur Napoléon dans sa marche.

Quant au second point, il suffit, que vous assuriez, que Mr. le Comte de Stadion va se mettre en route pour ne point laisser de doute sur la nature et sur l'étendue des explications qui vont avoir lieu entre nos Cours.

Le développement enfin de nos mesures militaires se fait avec la plus grande activité. Nous aurons vers le 24. de Mai plus de 60 m. hommes dans les cercles antérieurs de la Bohème; le total de notre levée militaire se montera à deux armées actives d'à peu près 125 à 130,000 h. et à une reserve d'au moins 50,000 hommes. Mr. de Stadion portera avec lui tous les détails, qui sur cet important objet peuvent intéresser l'Empereur et servir à mettre de l'ensemble dans les mesures militaires des différentes Puissances.

Vous assurez l'Empereur que l'idée d'une pointe, que tenterait l'Empereur Napoléon par la Bohème, pour se porter sur une plus courte ligne sur l'Elbe, ne nous parait guère probable. Le passage en 1805 par le pays d'Ansbach et de Bareuth ne saurait servir de point de comparaison; outre que cette lésion de territoire offrait des points de vue militaires plus immediatement utiles, que le serait le passage par la Bohême, il n'y avait en 1805 pas de corps d'armée prussien tout prêt pour arrêter et pour venger pareille insulte, tandis que l'armée de Bohème serait très fort à même de faire repentir incessamment un Corps d'armée ennemi de pareille tentative. Cette question tombe du reste absolument, si l'armée française devait, comme il parait, prendre une position plus reculée, parceque notre armée de Bohème gagnera le tems nécessaire pour se porter sur les points menacés.

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34.

Au Chevalier de Lebzeltern.
(Reservée. No. 2.)

Vienne, le 29. Avril 1815.

C'est avec une peine véritable que nous voyons la Cour de Russie, loin de suivre par des calculs de simple évidence, continuer à suspecter notre marche dans un des momens les plus décisifs. Cette marche cependant est bien claire et nous prétendons qu'elle est la seule qui dans la position de l'Autriche puisse servir efficacement la cause générale. Peu enclins à nous livrer à des idées abstraites, nous prenons les choses et les situations comme elles le sont, nous tâchons d'éviter le plus que nous le pouvons de nous faire illusion sur des faits. Nous suivons la ligne la plus droite, et il ne me sera pas difficile de vous mettre à même d'en convaincre le Cabinet Russe.

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Notre Armée s'est trouvée entièrement dissoute à la suite de la guerre malheureuse de 1809. Nous aurions eu de la peine à rassembler en 1811 l'année de notre réforme financière, de moment à autre une armée de 60/m. hommes; nous avons contracté l'Alliance avec la France en 1812 pour ne pas nous voir génés dans notre réorganisation militaire. Ce but nous a réussi. Sous le prétexte d'un Corps auxiliaire et de Corps d'observation, nous avons formé un noyau respectable de troupes; ce noyau reçoit dans ce moment son plus grand dévéloppement, et s'il n'est pas encore arrivé au point où il sera très incessamment, la raison n'en est qu'aux grandes difficultés qu'a nécessairement dû éprouver le soutien que le département des finances devait essentiellement prêter au Département militaire. Mais l'Empereur a également vaincu ces obstacles, et nos Armées vont être non seulement mobiles, mais portées sur les points d'où elles peuvent agir.

Sa Majesté Impériale des toutes les Russies après les efforts les plus heureusement couronnés dans le centre de son Empire, a suivi la plus belle impulsion et le calcul politique le plus sain. Sûr que ce n'était pas derrière ses propres frontières seules que la Russie trouverait désormais de véritables garanties de repos, et qu'il falloit les chercher dans l'indépendance des États intermédiaires, l'Empereur Alexandre a été au devant des événemens d'une nouvelle Campagne. La Prusse n'a fait qu'agir dans le plus parfait accord avec nous en se présentant en scène avec des forces qui dans ce Royaume éminemment militaire n'avaient besoin que d'être appellées pour se trouver et formées et portées sur les lieux mêmes où leur présence devenait utile.

Nous avons, dès les premiers momens où les embarras qu' éprouvait l'Empereur des Français pouvaient le rendre plus accessible à la voix de la raison, élevé celle du besoin de la paix. Cette détermination n'a été prise que pour nous mettre dans la possibilité de délier nos rapports diplomatiques, car ce n'est assurement que ce nom que peuvent mériter ceux de notre Alliance avec la France; pour laisser une chance à la paix sur des bases désirables pour nous mettre enfin à même de porter nos Armées sur un pied respectable et les placer sur des points avancés.

Nous aurions eu tort en nous faisant illusion un moment au point de nous livrer à l'espoir de la paix et de subordonner à cet espoir nos mesures militaires; Nous l'aurions eu de suivre cette marche, si nous avions disposé

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