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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

MON dessein est d'examiner le système de Pope, de suivre le plan des quatre épîtres qui forment son Essai sur l'Homme, de le comparer aux différens poètes anciens et modernes qui se sont exercés dans des genres semblables, de donner quelques détails sur ses autres ouvrages, et de finir par de courtes réflexions sur l'art de traduire. Dès que l'homme, ignorant et foible, jetant ses yeux autour de lui, eut observé cette vicissitude de biens et de maux qui se succèdent éternellement, il imagina bientôt que deux puissances ennemies se disputoient la nature. Je ne sais pourquoi on attribue à Manès le dogme des deux principes, qui doit

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remonter au berceau du monde. Il se retrouve chez les hordes sauvages et chez les nations policées, parmi les habitans du Nord et du Midi, dans l'ancien et le nouveau continent. Il n'est point nécessaire, pour expliquer cette conformité frappante, de supposer l'existence d'un peuple détruit qui transmit ses opinions à tous les autres. On doit croire qu'une même cause a produit partout les mêmes effets. Il est des erreurs bornées à certains climats; il est des erreurs propres au genre humain. Les premières peuvent céder quelquefois à la raison : les autres, nées avec la société, ne finiront qu'avec elle; inhérentes à notre nature, toujours les mêmes en changeant de forme, elles se transmettent de race en race, et ne peuvent s'anéantir, parce qu'il est impossible que l'empire de la raison devienne universel : si elles sont chassées d'un pays qui s'é

claire, elles se retirent dans ceux où la lumière n'a point encore pénétré; elles se cachent au-delà des mers, dans les montagnes, près des volcans; et là, elles attendent le moment des grandes calamités, pour reparoître et régner avec plus de force sur les imaginations effrayées.

Telle est l'erreur des deux principes, qui fut celle des esprits les plus grossiers et les plus sublimes. Il n'appartenoit qu'au législateur des Juifs d'expliquer l'origine du mal. Toutes les religions, hormis la sienne, défigurèrent ses traditions sacrées; toutes débitèrent les mêmes fables. Partout l'homme est déchu d'un état de gloire ; partout des dieux rivaux le protégent et le tourmentent; mais, comme le sentiment de l'effroi est plus fort que celui de l'amour, l'homme devient partout malheureux, féroce et pusillanime.

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Au milieu de ces superstitions, non moins décourageantes pour l'humanité qu'injurieuses pour l'Etre suprême, il est beau de voir s'élever un sage qui défend la Providence, et dit à l'univers : « Il n'existe qu'une seule cause souverainement bonne, » souverainement intelligente: elle a » créé le monde le plus parfait pos>>sible pour des êtres imparfaits. » L'homme occupe dans l'univers la place qui lui convient. Loin de » murmurer quand il souffre, il doit › penser, pour sa propre félicité, pour » la gloire de son créateur, que tout » est ce qu'il doit et ce qu'il peut être. » Il faut donc se soumettre, et attendre >> en paix que la mort découvre et justifie tout le plan des lois éter» nelles. » Le sage qui, le premier, apporta une doctrine aussi consolante, naquit en Grèce, et mérita le nom de divin; ce fut Platon : il n'en

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est pas sans doute l'inventeur'; mais il se l'est appropriée, il l'a répandue, parce que son style étoit. digne d'exprimer d'aussi grandes idées.

Je passe sous silence ses disciples, plus ou moins fameux. Je franchis deux mille ans, et je rencontre un philosophe dont l'esprit étendu rassembloit toutes les connoissances, qui auroit régné sur vingt siècles, comme Platon, s'il en avoit eu l'éloquence, et si lui-même, par ses efforts inutiles, n'avoit décrédité pour jamais cette espèce de métaphysique, qui veut expliquer les premières causes sans connoître les effets, veut redescendre, comme Dieu, de l'ensemble aux parties, au lieu de s'élever de faits en faits à quelques vérités particulières; science funeste, qui, par ses séduc

1 On sait que Platon n'a fait souvent que copier les prêtres d'Égypte et les philosophes grecs qui l'avoient précédé.

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