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taire, écrivant à Frédéric. Le poëme sur le Désastre de Lisbonne est bien supérieur, pour l'intérêt et le sentiment, à celui de la Loi naturelle. On y trouve encore des traits d'une bouffonnerie déplacée. On y peut critiquer des vers foibles, et relever quelques négligences de style; mais ce poëme est une élégie quelquefois sublime sur les malheurs du genre humain. On voit que l'auteur y veut réfuter le système de l'Essai sur l'Homme, quoiqu'il s'en défende dans ses notes. Il ne faut pas avoir le génie de Voltaire pour tirer de funestes argumens contre l'optimisme, des tremblemens de terre, des inondations, de toutes les calamités générales et particulières. Cette objection s'étoit présentée à Pope; il y a répondu dans sa première épître.

Le plaisir qu'on éprouve à lire Voltaire ou à parler de lui m'entraîne malgré moi. Qu'on me permette en

core quelques réflexions sur ces épîtres nombreuses de ses dernières années, à Horace, à Boileau, à l'empereur de la Chine, au roi de Danemarck, à la czarine; sur tant de pièces charmantes, telles que les Systèmes, les Cabales, etc. Si on n'y rencontre pas le même goût et la même élégance que dans ses Discours moraux, n'y montre-t-il pas un esprit plus indépendant, plus varié, plus étendu? C'est là que se déploie librement toute la franchise de sa gaieté; c'est là qu'il manie avec autorité l'arme du ridicule, qu'il unit dans le même trait le plaisant et le sublime. Le lecteur, étonné des sentimens divers qu'il éprouve, sent, rit et pense à la fois; il est surpris de voir l'imagination la plus brillante et la plus jeune jeter, dans ses rapides saillies, une foule de ces vers pleins de sens, qui renferment l'expérience d'un long âge et le fruit d'une étude immense.

Ce n'est pas que dans ces productions légères qu'il multiplioit vers la fin de sa vie, Voltaire n'ait violé plus d'une fois toutes les bienséances sociales. Il avoit pris sur son siècle, à cette époque, un ascendant presque universel; il ne rencontroit dans l'Europe aucune gloire égale à la sienne; et, ne donnant plus de frein aux écarts de son imagination, il se jouoit de tout avec une licence inexcusable. La religion et les lois s'indignoient en vain de son audace; il étoit protégé par sa vieillesse, et l'enthousiasme de ses nombreux partisans. Un des avantages qui ont le plus servi ce grand poète, c'est la durée de sa vie. Pope, au contraire, est mort à cinquante-trois ans : sa gloire redouble encore après l'examen de Lucrèce, d'Horace, de Despréaux. et de Voltaire : les trois premiers ne lui avoient point donné le modèle de l'Essai sur l'Homme, et le dernier n'

fait tout au plus que l'égaler. Pope reste donc créateur de ce genre.

Je ne citerai point quelques poëmes allemands imités de l'Essai sur l'Homme: celui sur l'origine du mal, de Haller, est au dessous du médiocre. Les Allemands ont plus excellé dans la poésie champêtre que dans les autres genres ; ils ont des Théocrite et des Thompson: ils n'ont pas encore des Pope, des Molière et des Racine.

Il est temps de jeter un coup d'œil, comme je l'ai promis, sur le reste des ouvrages que Pope nous a laissés.

Un des plus distingués, après l'Essai sur l'Homme, c'est l'Essai sur la Critique, qu'on a mis quelquefois en parallèle avec l'Art poétique d'Horace et de Boileau. Pope, qui s'étoit nourri de leurs principes, ajoute de nouvelles leçons à celles qu'ils avoient déjà données. Boileau a plus de méthode; il a mieux distribué les pré

ceptes et les ornemens; mais il auroit retrouvé la sagesse de ses principes et la solidité de son jugement dans l'Essai sur la Critique. Il nous apprend, dans une préface de la satire sur l'Equivoque, qu'il avoit voulu traiter le même sujet. Jamais l'exécution n'en fut plus nécessaire que dans ce moment, où les bons juges en littérature sont aussi rares que les bons écrivains.

Les épîtres morales et les satires de Pope sont, pour la plupart, les développemens des Essais sur la Critique ou sur l'Homme. Celles sur l'avarice, sur l'emploi des richesses, offrent des idées tour à tour ingénieuses et fortes, à travers quelques unes de bizarres. Sa satire sur les femmes me paroît avoir bien plus de grâce, d'éclat et de mouvement, que la satire de Boileau : cette dernière, malgré ses beaux détails, tombe souvent dans les déclamations exagérées de Juvénal, ne laisse point

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