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lui dit-il, si vous êtes étranger dans ces lieux, suivez-moi; ma maison vous servira d'asile. Ainsi puisse le ciel protéger votre jeunesse et mes vieux ans! » Lycomède lève aussitôt les yeux sur ce vieillard dont les traits lui rappellent l'image d'Archélaüs son cœur s'ouvre à la douceur inattendue de ces paroles; et, pour la première fois, des larmes viennent soulager sa douleur. « Je suis étranger, répondit-il : j'accepte avec reconnoissance l'asile que vous m'offrez; mais je ne mérite ni la bonté des hommes, ni la protection des Dieux. »

Lysandre, tel étoit le nom du vieillard, ne résidoit point à Sestos. Sa maison étoit située à vingt stades de la ville, sur le bord du détroit. Pendant le trajet, son compagnon de voyage lui raconta fidèlement l'histoire de ses erreurs. Lysandre, après l'avoir écouté avec intérêt, lui parla ainsi : « Jeune homme, vous êtes bien coupable, car vous avez eu un père vertueux; mais les fautes ne sont pas des crimes. Songez que le désespoir offense les dieux, et qu'un repentir sincère apaise leur courroux. »>

Cependant ils s'approchoient de la demeure du vieillard. Une jeune fille étoit debout sur le seuil de la maison. A peine a-t-elle aperçu les deux voyageurs, qu'elle fait un cri de joie et s'élance dans les bras de Lysandre. « O mon

père ! s'écria-t-elle; et l'excès de son ravissement ne lui permet pas de proférer une autre parole. « Ma bien aimée, lui dit le vieillard en la pressant sur son cœur, j'ai trop éprouvé les amertumes de l'absence, je ne veux plus me séparer de toi. Lycomède, voilà ma fille; Lasthénie, voilà le fils d'Archélaüs. C'est un citoyen d'Athènes, que Jupiter-Hospitalier nous envoie. >> A ces mots, ils entrèrent dans la maison, et deux esclaves accoururent pour les servir.

Lycomède admiroit en silence les mouvemens gracieux et la beauté de Lasthénie. Il croyoit voir la Vénus de Praxitèle animée; et lorsqu'il reçut de ses belles mains la coupe du banquet, il oublia tous ses maux, et l'espérance deseendit au fond de son cœur.

Après avoir goûté quelques jours de repos dans cet asile de paix et de bonheur, Lycomède pria Lysandre de l'écouter, et lui dit:

Vieillard aimé des dieux, il est temps que je me retire. Tu m'as réconcilié avec moi-même par l'indulgence de ta morale et par la sagesse de tes conseils. Je suis jeune encore: je dois acquitter le tribut que la nature impose à tous les hommes. Je vais à Sestos chercher l'indépendance dans le travail, et le bonheur dans la

vertu. >>

<< Vas, mon fils, répondit Lysandre; je te

chargerai d'un message pour Aristée, l'ami de ma jeunesse, et le plus opulent de nos concitoyens. N'oublie jamais que les passions nous viennent de la terre, et que la raison est un présent du ciel. Si tu ne peux lutter contre l'infortune, souviens-toi que Lysandre est ton, père, et que Lasthénie est ta sœur! >>

La jeune fille écoutoit ces paroles avec émotion; et lorsque Lycomède fut sur le point de partir, elle lui répéta ces mots :

« Lasthénie est ta sœur ! »

Aristée étoit l'homme de Sestos le plus estimé pour sa droiture et ses talens. Il avoit agrandi le commerce de ses concitoyens. Ses vaisseaux couvroient les mers de l'Europe, et tous les peuples de cette partie du monde étoient devenus .tributaires de son industrie et de son activité. Il reçut Lycomède avec les égards dus au malheur, lui communiqua ses lumières, lui confia de grands intérêts; et satisfait de sa fidélité, de ses travaux, de ses vertus, il l'adopta pour son fils.

Un sentiment plus vif que celui de la reconnoissance entraînoit souvent Lycomède vers le toit hospitalier de son premier ami. Il puisoit de nouvelles forces dans les sages entretiens de Lysandre et dans les doux regards de Lasthénie.

Aristée tomba malade, et le fils d'Archélaüs

lui rendit les soins les plus affectueux. On le voyoit sans cesse auprès de la couche doulou reuse du bon vieillard. Il lui présentoit luimême des breuvages salutaires, et ses yeux ne s'abandonnèrent au sommeil que lorsqu'il fut certain de la guérison de son bienfaiteur.

Quelque temps après, Aristée fit appeler Lycomède, et lui parla en ces termes : « Mon fils, je succombe sous le fardeau de la vieillesse. Je desire me livrer au repos. Je te remets tous mes trésors et le soin de mes dernières années. Tu m'as souvent parlé d'Athènes, de ses pompes solennelles, de ses chefs-d'œuvre, de ses nobles monumens et de l'aménité son peuple. C'est dans cette ville que je veux finir mes jours. >>

« O mon père, s'écria Lycomède, je suis prêt à te suivre; mais il en coûte à mon cœur d'abandonner Lysandre et Lasthénie. » Le vieillard garde le silence, et le jeune Athénien se retire incertain de sa destinée.

Le lendemain, Aristée fait atteler son char, et se rend à la demeure de Lysandre. « Je viens te demander une grace, dit-il à son vieil ami. Lycomède aime ta fille; il faut les unir sous d'heureux auspices. Le spectacle de leur félicité réjouira nos derniers jours. Nous réunirons nos Pénates protecteurs, et des mains chéries erineront nos yeux. »

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« Je consens à ta proposition, répondit Lysandre, mais je dois consulter ma fille. » Lasthénie étoit présente à ce discours. Cette verge timide, parée de son innocence et de ses grâces, baisse les yeux en se penchant sur le sein de son père; et les deux vieillards qui comprenoient ce silence de la pudeur, sourirent en se regardant.

Qui pourroit peindre la joie de Lycomède lorsqu'il reçut ces heureuses nouvelles. Il vole il arrive, et se précipite dans les bras d'Aristée. Celui-ci le conduit vers la fille de Lysandre

Soyez unis, leur dit-il, et que le ciel bénisse votre hyménée. » Le jeune homme saisit, en tremblant, la main de Lasthénie, et dérobe à ses lèvres virginales le premier et le plus doux baiser de l'amour vertueux.

Le soir même, la maison est entourée de guirlandes et couverte de lumières. Un prêtre de Jupiter annonce que le maître des Dieux approuve cet hymen; et Lysandre allumant le flambeau nuptial, conduit les jeunes époux à l'appartement qui leur est destiné. Il embrasse ses enfans, et se retire heureux de leur bonheur.

Théophraste alloit continuer son récit lorsqu'il fut interrompu par Ménédème.

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