Изображения страниц
PDF
EPUB

Nous parâmes tous également surpris de nous rencontrer dans le boudoir d'une des plus belles, femmes de Paris. Madame le Sueur alla audevant de Kerkabon avec empressement, et le reçut comme un aini. Le major étoit enchanté de l'aventure. « Je suppose, dit-il à son oncle, que vous venez poser dans le boudoir de Madame. »>«< Cela pourroit être, répondit Kerkabon, avec un sourire; mais je vous connois trop bien, pour faire de vous mon confident. Au surplus, j'ai besoin de causer en particulier avec Madame; je vous reverrai ce soir, car c'est aujourd'hui jeudi.» A ces mots, nous prîmes congé de madame le Sueur, et nous laissâmes le phi losophe maître du champ de bataille.

Nous ne revenions pas de notre surprise. « Eh þien, Freeman, me dit le major, m'en croirezvous à l'avenir. Quand je vous ai assuré que Kerkabon étoit amoureux, vous avez imaginé que j'étois dans l'erreur. Etes-vous convaincu maintenant? » « J'avoue, répondis-je, que les apparences déposent contre lui. » « Comment, les apparences, reprit Floranville; n'avez-vous pas remarqué avec quelle confiance il est entré dans le boudoir de cette femme? n'avoit-il pas l'air d'un homme qui est sur son terrain? Je parie que la précieuse miniature dont il fait tant de mystère est le portrait de ma

dame le Sueur. Je ne suis plus étonné de la chaleur qu'il met dans ses apologies du beau sexe. Il a ses raisons d'en être content. Nous verrons, ce soir, comment il soutiendra l'assaut que je lui prépare. Ah! messieurs les philosophes, malgré vos déclamations, vous avez toutes nos foiblesses, et l'hypocrisie par dessus le marché. »

Ce dernier trait' me fit de la peine, car j'aime la philosophie, quoique je n'aie aucun titre à la qualité de philosophe. Prenez garde, répondis-je au major, de calomnier un homme dont la vie entière n'a été jusqu'ici qu'une succession continuelle de bienfaits et de vertus. Combien de fois les apparences n'ont-elles pas égaré notre jugement. J'ai peine à me persuader qu'il existe une liaison criminelle entre une femme qui me paroît très honnête, et un homme de bien tel que Kerkabon. Il est vrai que je ne puis expliquer pourquoi son portrait se trouve dans le boudoir de madame le Sueur, ni par quel motif il est attiré chez elle.

« Par quel motif, s'écria Floranville; parbleu, la remarque est bonne. Il ne faut pas une grande dose de sagacité pour pénétrer ce motif; il est suffisamment clair. >>

« A

propos, lui dis-je, le voyant prêt à me quitter, où en êtes-vous avec vos Polonaises? >>

«Cela va bien, répliqua le major: elles attendoient des lettres de change de Varsovie, qui ne sont point arrivées; et c'étoit là l'unique cause du chagrin excessif de Pauliska. J'ai aussitôt volé à leur secours, et je leur ai mêine offert un appartement dans mon hôtel. Elles viendront l'occuper lundi prochain. Vous ne sauriez imaginer quelle peine j'ai eue à leur faire accepter cet appartement qui est déjà meublé avec élégance. Vous sentez bien que vivant sous le même toit, l'intimité sera bientôt établie, et que nos arrangemens se feront à l'amiable. Je ne crois pas avoir jamais rencontré de femme plus séduisante que Pauliska, si douce, si modeste, si ingénue, si belle et si piquante. Votre madame le Sueur n'est pas digne de délier le cordon de son joli soulier. »

la

<< Je crains, lui dis-je, que vous ne soyez dupe de deux aventurières; et Gabriel lui-même me paroît avoir besoin de caution. »

A ces mots, le major éclata de rire. « Freeman, me répondit-il, vous êtes un brave homme : vous avez d'excellentes qualités; mais en fait d'expérience et d'usage du monde, comptez que je n'ai pas besoin d'aller à votre école. J'ai le nez fin, mon ami, et l'on ne m'a jamais vu sur une fausse piste. Quand je vous dis que ces dames sont de la plus haute volée, vous devez me croire.

Floranville me quitta en disant ces paroles, et je l'entendois encore à quelque distance, rire de mes remarques et de ma présomption. J'avouerai franchement que je n'ai aucun motif de soupçonner ces deux femmes d'artifice et d'intrigue; mais j'avois été piqué de la manière peu respectueuse dont il avoit parlé de madame le Sueur, et il entroit un peu de malignité dans mes réflexions. Je me reprochai ce sentiment comme une injustice, et je me promis de saisir la première occasion favorable de la réparer, et de rendre hommage à l'honnêteté présumée de la comtesse Bataroski et de l'ingénue Pauliska.

CHAPITRE XIII.

Kerkabon raconte une Histoire.

LE

E même soir, nous nous réunîmes dans l'hôtel de Kerkabon. Je remarquai qu'il y avoit au logis plus de mouvement qu'à l'ordinaire; et ce qui me surprit, c'est qu'à cinq heures le philosophe n'étoit pas encore rentré. Un valet-de-chambre vint nous avertir qu'on ne serviroit qu'à six heures. Alors Duhamel et moi nous commençâmes une partie d'échecs, et le major tira de sa poche le Journal des Dames, sur lequel il n'avoit pas encore eu le loisir de méditer. Au moment où mon adversaire tenoit l'échec et måt suspendu sur la tête de mon roi, nous entendîmes le bruit d'une voiture, et bientôt nous aperçûmes le philosophe donnant la main à cette jeune femme dont j'avois admiré les grâces et le talent. << Madame, lui dit-il, permettez-moi de vous présenter mes trois meilleurs amis, messieurs Freeman, Duhamel, et le major Floranville, mon l'un de nos plus galans chevaliers. » La

neveu,

« ПредыдущаяПродолжить »