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Hébreux. Racine moins esclave de l'expression et plus fidèle au goût, imite ainsi en homme de génie :

Pleure, Jérusalem; pleure, cité perfide,
Des prophètes divins malheureuse homicide;
De son amour pour toi ton Dieu s'est dépouillé;
Ton encens à ses yeux est un encens souillé. etc.

Voilà de quelle manière je voudrois que M. de Chateaubriand eût imité les modernes et même les anciens. Avec le talent dont il a donné des preuves si distinguées, il pouvoit élever un beau monument à la gloire du christianisme; mais ce malheureux système d'imitation aveugle a rempli son ouvrage de descriptions inutiles, de détails géographiques insignifians, de conceptions bizarres et d'expressions de mauvais goût. J'ai remarqué, qu'en général, lorsqu'il se confioit à lui-même, il réunissoit à un haut degré la beauté de la pensée au charme du langage. Je ne sais si M. de Chateaubriand me saura gré de mes observations critiques; je puis répondre qu'elles n'ont été dictées que par le desir d'être utile aux jeunes littérateurs, qui, ne pouvant s'élever aux beautés qui chez lui font excuser les défauts, seroient tentés de le prendre pour modèle. Je les exhorte à méditer ces sages paroles de Démo

docus : « Craignons l'exagération qui détruit le bon sens ; prions Minerve de nous accorder la raison qui produira dans notre naturel cette Modération, sœur de la Vérité, sans laquelle tout est mensonge (1).

(1) Les Martyrs, tom. I, pag. 12,

CHAPITRE XV.

Des Femmes.

C'ÉTOIT hier le jour de réunion chez le philosophe. Nous étions tous au rendez-vous, sans en excepter le major; madame Le Sueur avoit bien voulu consentir à nous sacrifier une soirée. Quelques personnes ont peine à concevoir le charme que la présence d'une femme belle, honnête et spirituelle ajoute aux plaisirs de la société. En Angleterre, par exemple, les femmes se retirent à l'heure la plus intéressante du repas, et la décence et la véritable gaîté se retirent avec elles. Il ne reste plus que cette gaîté grossière qui n'a point de nom en France, et que les Anglais expriment par le terme humour. Cette humour consiste en facéties plus ou moins plaisantes, quelquefois même en bouffonneries qui amusent un instant, et produisent à la longue l'ennui et le dégoût. Ces hommes qui parmi nous ont reçu le nom de mystificateurs, ces bouffons de société qui ont eu un moment de vogue, et qui sont maintenant exclus de la bonne compagnie, seroient regardés en

Angleterre comme des personnages d'une humour parfaite. Les Anglais nous reprochent sérieusement de n'avoir point de terme pour exprimer cette qualité. Ils regardent le mot humour comme une des richesses de leur langue. Il faut bien se garder d'en être jaloux (1).

Ces réflexions-là ne m'appartiennent pas; elles sortirent hier de la bouche de Kerkabon qui s'étend avec complaisance sur tous les rapprochemens qui peuvent tourner à l'honneur du nom français. Duhamel qui n'a ni humour, ni gaîté d'aucune espèce, lui répondit, que c'étoit-là un bien léger inconvénient, en comparaison des avantages qui résultoient pour les Anglais de cette espèce d'exclusion des femmes de la société.

Le philosophe n'étoit pas homme à laisser passer impunément une pareille réflexion. Je voudrois bien savoir, dit-il à Duhamel, quels avantages les Anglais retirent de cette exclusion que je ne cesserai jamais de leur reprocher.

Si toutes les femmes ressembloient à Madame, répliqua Duhamel, en se tournant vers la pupille de Kerkabon, je serois parfaitement de votre avis, et je soutiendrois envers et contre tous

(1) Les écrivains que les Anglais nomment humourous writers, comme Swift et Sterne, ont en effet de la gaîté; mais elle est souvent obscène et grossière.

qu'il n'y a rien de plus avantageux que cette association perpétuelle des deux sexes. Malheureusement l'éducation moderne des femmes est telle, que la plupart d'entr'elles s'occupent de frivolités, et communiquent ce goût aux hommes qui se font une affaire importante d'obtenir leur estime ou leurs faveurs. Les femmes avec une imagination vive et une âme ardente se laissent entraîner par l'amour du plaisir; et ce sentiment est incompatible avec les devoirs austères qui leur sont imposés par la nature, la religion, et par les intérêts de la société. Les hommes, à leur tour, retenus auprès d'elles par la tyrannie de l'usage ou par leur inclination naturelle, perdent en conversations galantes, en soins minutieux, ou en coupables intrigues, un temps précieux qu'ils devroient employer à cultiver leur esprit par des études sévères, et à régler leurs mœurs d'après les préceptes de la religion. Ils négligent ainsi leurs devoirs d'hommes et de citoyens, et substituent aux travaux utiles des occupations dont ils devroient rougir. Lorsqu'on recherche sans cesse la société des femmes, il faut songer à leur plaire; et pour leur plaire, il faut leur ressembler. Il faut s'occuper gravement de bagatelles, traiter légèrement les choses graves, flatter leur amour-propre, et préférer à tout les talens agréables. Celui qui amusera leur imagination, qui

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