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chatouillera leur vanité sera pour elles l'homme excellence. On le citera comme un prodige; il sera l'ornement obligé des salons; il aura des succès. Les autres hommes, jaloux de sa renommée, chercheront à l'imiter ou à le surpasser; et voilà toute une nation d'hommesfemmes qui figureront fort bien dans un boudoir ou dans une loge de l'Opéra, mais qui seront déplacés partout ailleurs, soit dans les tribunaux, soit dans l'église, soit dans les armées. Je pourrois m'appuyer ici de l'autorité des anciens, surtout de celles d'Euripide et de Juvénal; mais je me contenterai de citer un mot de Thucydide: « La femme la plus vertueuse est celle dont on » parle le moins. »>

Que veut dire par-là cet éloquent historien, sinon que les femmes destinées à la retraite ne doivent connoître d'autres occupations que celles de soigner leurs enfans, et de manier pour leurs époux l'aiguille et le fuseau? Il est honteux pour elles de recevoir dans leur intimité cette foule d'oisifs qui gâtent leur esprit et corrompent leurs mœurs. Il faut donc louer les Anglais de la manière dont ils traitent leurs femmes; et s'il reste encore quelqu'esprit public dans leur pays, je l'attribue hardiment à cette séparation des deux sexes.

Cette sortie vigoureuse de Duhamel amusa

toute la compagnie, excepté le philosophe, qui, toujours intraitable sur l'article des femmes, fit la réponse suivante, d'un ton sérieux, et d'une voix un peu émue:

Je vous ai écouté, Monsieur, avec toute l'attention qu'exige le sujet important dont nous sommes occupés. J'ai reconnu dans vos raisonnemens le défaut commun à ceux de tous les réformateurs, lequel consiste à demander souvent des choses impossibles. Si je vous ai bien compris, vous voudriez que les femmes d'aujourd'hui revinssent aux mêmes habitudes, à la même manière de vivre qu'elles avoient il y a trois siècles. Comment ne voyez-vous pas que la société toute entière a subi, depuis ce temps-là, des changemens rendus nécessaires par le progrès des arts et par celui de la raison. Nous avons perdu, il est vrai, quelques-unes de ces vertus qui sont inhérentes à une société peu éclairée ; mais nous les avons remplacées par d'autres qualités qui sont le produit des lumières. Les femmes ont suivi le mouvement général. Remettez la société dans l'état où elle se trouvoit au quinzième siècle, et les femmes redeviendront naturellement ce qu'elles étoient à cette époque. Il est donc injuste et peu raisonnable, malgré l'autorité des Grecs et des Romains, de leur

reprocher l'altération inévitable qui s'est faite dans leurs manières et dans leurs habitudes.

Je vais plus loin, et je soutiens que leurs mœurs sont aujourd'hui plus irréprochables qu'à l'éoù elles vivoient dans l'ignorance et dans l'obscurité.

poque

Ici le major ne put s'empêcher de rire; et Kerkabon, fronçant un peu le sourcil, continua

en ces termes :

Ceux qui, comme moi, ont fait une étude approfondie du cœur des femmes, savent qu'elles sont plus susceptibles que les hommes des sentimens généreux et d'un amour désintéressé de la vertu je dis désintéressé, pour me conformer. au langage vulgaire; car cette disposition est un don de la nature. Nous savons que plus les hommes sont vraiment éclairés, plus ils sont sensibles aux charmes de la vertu, et plus ils aiment à remplir leurs devoirs. Il en est de même des femmes. Il est donc probable que lorsqu'elles vivoient dans l'ignorance, leurs mœurs n'en étoient pas pour cela plus sévères. Ce qui vous trompe aujourd'hui, c'est que vous êtes frappé de quelques désordres inévitables dans les grandes sociétés, et que le temps a jeté sur le passé un voile impénétrable qui cache à vos regards l'état réel des mœurs publiques dans les siècles d'ignorance et de superstition. Il reste toutefois dans l'histoire,

dans les poëtes et dans les anciens sermonaires, des preuves suffisantes qui attestent que les mœurs étoient alors plus dépravées qu'elles ne le sont de nos jours. Observez, je vous prie, que ce n'étoit pas la faute des femmes, mais celle des hommes, et du temps.

Quant à moi, sans vouloir faire le satirique, je vous proteste que si j'avois l'honneur d'être mari, j'aimerois mieux voir ma femme à l'Opéra entourée de jeunes gens, que tête à tête dans son oratoire avec un directeur gras et vermeil. Je voudrois qu'après avoir donné à son ménage les soins nécessaires, elle allât entendre un bel opéra de Cimarosa, ou une belle tragédie de Racine; enfin qu'elle donnât de l'exercice à sa pensée. Une femme ignorante peut être une bonne épouse, une bonne mère; elle peut manier l'aiguille, et faire tourner adroitement le fuseau; mais elle sera toujours une compagne moins estimée que celle qui, à ces qualités et à ces vertus utiles, joindra des talens agréables et un esprit cultivé.

Mais comme je n'aime point les généralités, je veux vous faire, M. Duhamel, un argument ad hominem. Vous m'avez dit cent fois que madame Duhamel étoit la meilleure pâte de femme qu'on pût voir; que vous n'aviez que des éloges à faire de sa conduite, et j'ai joint mes éloges aux vôtres; car j'ai pour elle une profonde

vénération; mais parlez-nous franchement, si elle avoit cultivé un peu les lettres, si enfin elle avoit plus de goût pour les livres, trouveriezvous moins d'agrément dans sa société et dans sa conversation?

Cette attaque imprévue déconcerta Duhamel, qui, pour se donner le temps de se préparer à la réplique, ouvrit sa tabatière et prit du tabac, Le philosophe, préoccupé de ses idées, n'attendit la réponse de son adversaire.

pas

Ce seroit, dit-il, une erreur de croire que les Anglaises qui vivent beaucoup entr'elles et peu avec les hommes, aient des mœurs plus chastes que les Françaises. Je crois qu'il seroit facile de prouver le contraire. Il n'y a pas de pays où les cas d'adultère soient plus fréquens qu'en Angleterre, et où des discussions scandaleuses fassent plus souvent retentir les tribunaux. Je n'accuse point les Anglaises de ces désordres qui tiennent au peu d'estime et d'attention que la plupart des Anglais ont pour leurs femmes. Comment conserveroient-ils leur affection, lorsqu'ils les abandonnent pour les plaisirs grossiers de la table, et ne les jugent pas dignes de participer à leurs, conversations, soit littéraires, soit politiques?

On craint, dit-on, qu'une éducation soignée n'affoiblisse dans les femmes les affections domestiques, et ne diminue l'amour qu'elles doivent

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