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de causer avec vous. Elvire, sans faire paroître d'humeur de cette interruption, suivit gaiement sa tante qui, après l'avoir conduite sous un berceau d'orangers et de jasmins, lui parla

en ces termes :

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-« Elvire, il s'agit de vous marier. Le mariage, ma fille, est l'affaire la plus sérieuse de la vie. J'aurois cru que c'étoit la plus gaie, reprit Elvire, en souriant. Non, ma nièce, répliqua dona Isabelle; je n'ai jamais voulu moimême entrer dans cet état, quoique j'y aie été sollicitée, à diverses reprises, par les seigneurs les plus brillans de la cour. Mais j'ai cependant acquis sur ce point quelques lumières qui m'autorisent à vous donner des conseils. Soyez donc bien convaincue que le mariage est une chose grave et délicate. Si vous aviez des frères et des sœurs, je vous dirois tout simplement : Ne vous mariez pas ! les hommes ne valent pas la peine qu'une femme sensée leur sacrifie son indépendance et ses beaux jours; mais vous êtes fille unique, et votre père desire avec ardeur que vous fassiez choix d'un époux. Que diriez-vous s'il vous proposoit don Alphonse?»>

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J'accepterois la proposition, répondit Elvire avec la franchise qui lui étoit naturelle. »

» Cette naïve déclaration déplut un peu à dona Isabelle, qui auroit voulu que sa nièce eût rougi,

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hésité, montré de l'embarras, afin d'avoir le plaisir de lui faire quelque belle harangue de sa façon, et de prolonger une ambassade dont elle s'étoit exagérée les difficultés. Elle prit cependant son parti, et instruisit sa nièce de la démarche de don Alphonse; ensuite elle alla rendre compte au vice-roi de la manière dont elle s'étoit acquittée de sa mission. Elvire, restée seule, ne put s'empêcher de rêver à cette aventure. Cette rêverie involontaire étoit une nouveauté pour elle; car elle n'avoit jamais été atteinte de cette infirmité qu'on nommoit, il y a trente ans, humeur vaporeuse, et qui est connue aujourd'hui sous le nom plus agréable de mélancolie,

>> Don Francisco, charmé de la docilité de sa fille, fit venir don Alphonse, et lui apprit son bonheur. Bientôt le bruit de ce mariage se répandit dans la ville. Les courtisans accoururent pour féliciter don Alphonse; et ceux qui étoient le plus jaloux de sa bonne fortune lui firent le plus de complimens. Ils rendirent aussi leurs devoirs au représentant du souverain. Celui-ci annonça que la cérémonie du mariage se feroit à Zalapa, maison de plaisance des vice-rois, à quinze milles de Mexico. Les dames et les cavaliers qui devoient assister à la fête se préparèrent à paroître avec honneur. L'ambition de briller dans un si

beau jour les porta à faire des dépenses extraor dinaires; les femmes, sur-tout, ne trouvoient rien de trop magnifique pour leur parure; et plus d'un mari se félicita secrètement de ce que le vice-roi n'avoit pas plusieurs filles à marier.

» Pendant cette quinzaine, qui sembloit un siècle à don Alphonse, il eut la permission d'entretenir Elvire; mais ce fut toujours en présence de dona Isabelle qui s'étoit établie, de sa propre autorité, maîtresse des cérémonies, et qui prétendoit qu'il y avoit du danger à laisser, sans témoins, un jeune homme avec une jeune fille qui devoit être son épouse. Toute la faveur que put obtenir don Alphonse, ce fut de baiser la main d'Elvire; encore, pour obtenir cette faveur, il fallut qu'il épiât le moment où dona Isabelle tournoit la tête pour gronder une de ses suivantes qui étoit entrée dans l'appartement sans permission.

>> Tous les préparatifs de la fête étoient terminés, lorsque le grand jour arriva. Il faisoit le plus beau temps du monde. Au lever de l'aurore, le lac au milieu duquel est situé Mexico, se trouva couvert de mille nacelles élégantes qui formoient un coup-d'œil agréable. Le vent frais du matin agitoit leurs banderoles peintes de diverses couleurs. Les rameurs, en habits de fête, saluèrent le soleil levant par de joyeuses

acclamations, et la foule des spectateurs placés sur le rivage y répondit par mille cris d'allégresse. Le vice-roi parut bientôt avec les époux futurs et toute sa cour. Dona Isabelle, parée d'une robe d'un superbe brocart à grandes fleurs d'or et d'argent, telle qu'on les portoit du temps de Philippe II, étoit toujours à côté de sa nièce, dont la figure douce et épanouie contrastoit avec la physionomie sévère et un peu revêche de sa

tante.

Zalapa, cette maison de plaisance dont je vous ai parlé, est un palais magnifique, bâti sur le penchant d'une montagne. Les vice-rois ont coutume d'y passer la plus grande partie de la belle saison. Tout avoit été préparé pour la cérémonie du mariage qui devoit se faire le lendemain. Le vice-roi, suivi de sa famille et de tout son cortége, y arriva sur les dix heures du matin. Comme il faisoit très chaud, chacun, selon la coutume du pays, se retira pour faire la sieste, après toutefois s'être muni d'un bon déjeûner. Vers les six heures du soir, dona Isabelle voulant donner à sa nièce ce qu'elle appeloit ses dernières instructions, la pria de l'accompagner dans les jardins. Elle débuta par lui parler des devoirs d'une épouse, et des difficultés qu'il y avoit à ménager l'humeur d'un mari. Elle promit de lui donner de bons conseils

toutes les fois qu'elle se trouveroit, à l'égard de don Alphonse, dans des circonstances difficiles. Ces dames, en marchant et en causant, sortirent du jardin, et entrèrent dans un petit bois de myrtes et de citroniers, qui conduisoit à une forêt assez vaste. Tout-à-coup elles furent enveloppées par un parti de Sauvages. Ceux-ci, après avoir examiné dona Isabelle, lui tournèrent le dos, s'emparèrent de la malheureuse Elvire; et malgré sa résistance, ses larmes, malgré les cris et le désespoir de sa compagne, ils se jetèrent avec leur captive dans la forêt.

» Les gémissemens de dona Isabelle furent entendus; elle annonça la fatale nouvelle qui devoit percer le cœur du père le plus tendre et de l'amant le plus passionné. Tout le monde fut bientôt en mouvement. Des hommes armés, ayant le vice-roi et don Alphonse à leur tête, se mirent à la poursuite des ravisseurs; mais la forêt étoit profonde, la nuit approchoit: on ignoroit de quel côté les Sauvages avoient dirigé leur course. Après des fatigues inutiles, après avoir appelé Elvire à grands cris, il fallut revenir au palais, où don Alphonse et don Francisco se livrèrent à la plus vive douleur. »

Le philosophe, fatigué de parler, s'arrêta; et comme l'heure de son coucher approchoit, il nous proposa.de remettre à une autre soirée la

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