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quin, sur lequel ils la forcèrent de s'asseoir. Ils le portoient tour à tour sans ralentir la rapidité. de leur course. Ouabi, l'arc à la main et le carquois sur l'épaule, marchoit devant eux. Ce jeune Indien étoit d'une taille élevée. A ses traits réguliers, et même à la douceur de ses regards, on auroit cru voir en lui un Européen, si son habillement pittoresque et le bouquet de plumes qui se balançoient sur sa tête, ne l'eussent fait reconnoître pour un naturel du pays. Il étoit très bien fait, comme le sont la plupart des Sauvages; et lorsqu'il tendoit son arc pour abattre l'aigle des montagnes, il auroit pu donner à un habile statuaire l'idée de l'Apollon Pythien,

» Ces hommes que nous nommons Sauvages parce que, suivant Montaigne, ils ne portent point de haut de chausses, ont une qualité qui, à mes yeux, compense tous leurs défauts. Ils traitent les femmes avec respect; et leur conduite envers elles prouve que la pudeur est une vertu naturelle (1).

» Les premières frayeurs d'Elvire une fois dis

(1) Tous les voyageurs s'accordent sur ce point. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner les causes de cette retenue. Mon intention seulement est de faire observer au lecteur que ces mêmes Sauvages qui respectent les femmes en général, les traitent comme des esclaves, lorsqu'une fois ils sont mariés.

(Note de Editeur,)

sipées, elle réfléchit sur sa situation ; et voyant que ces Indiens n'en vouloient ni à sa vie, ni à son honneur, elle prit le parti de se soumettre à sa destinée et d'attendre les événemens avec résignation. Elle auroit même été parfaitement tranquille, si l'image affligeante de la douleur de son père et de son amant n'eût été sans cesse présente à son esprit. Après douze jours de marche dans un pays presque désert, notre caravane arriva au lieu de sa destination. Le village principal des Séris est situé dans un vallon formé par de hautes montagnes, dont les bases inclinées sont couvertes de cèdres, de mimosas, d'érables, de genièvres, de robiniers et de catalpas. Une rivière, connue dans le dialecte indien, sous le nom de rivière des Cygnes, coule au milieu de cette vallée; et rencontrant à quelque distance du village un lit de rochers, gronde, se précipite, et forme des cascades, telles que nous les voyons dans quelques paysages de Vernet ou de Claude Lorrain. Les bords de cette rivière sont couverts de saules, de peupliers balsamiques, de verdure, de mousses veloutées, de fleurs sauvages, et animés par la présence et les jeux d'un nombre infini d'oiseaux sur lesquels la nature a répandu les plus brillantes couleurs. Des buffles, des chevreuils, des élans, viennent s'y désaltérer à la dérobée. Des troupes de cygnes,

blancs comme la neige, fendent cette onde bleuâtre qui, sous un ciel toujours serein, réfléchit les cimes aériennes des montagnes qui semblent se perdre au fond des eaux.

» 1 e village indien est composé de deux rangs de cabanes assez spacieuses pour loger chacune une famille entière. Elles sont placées à une distance considérable les unes des autres. Vers le milieu de cette espèce de rue est une grande place où les Indiens ont coutume de se rassembler pour s'exercer à la course, à la lutte et à divers autres exercices, ou bien pour délibérer sur les intérêts de la république, et former des projets de défense et d'agression. Auprès de chaque cabane est un champ cultivé par les femmes, qui produit en abondance du maïs, des pommes de terre et des giraumons de plusieurs espèces. C'est là qu'Elvire fut conduite. Tous les habitans du village, hommes et femmes, vinrent à sa rencontre; et sa beauté, sa parure étrangère excitèrent une grande surprise, surtout parmi les jeunes filles, qui sont curieuses dans ce pays-là, comme partout ailleurs. Elles sautoient et frappoient des mains pour marquer leur admiration. Elvire passa, les yeux baissés, au milieu d'une double haie de Sauvages, et fut déposée à la porte d'une cabane qui avoit plus. d'apparence que les autres. C'étoit la demeure

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des

parens d'Ouabi. Ils reçurent la fille du vice

roi sans cérémonie, et lui offrirent affectueuse

ment les petites provisions dont ils pouvoient disposer.

>> Si je composois un roman, je vous dirois que le désespoir d'Elvire étoit si violent, qu'elle refusa toute espèce de nourriture. Mais soit que la fatigue du voyage eût réveillé son appétit, soit plutôt qu'elle n'eût pas perdu l'espérance de revoir un jour sa patrie, elle mangea de bonne grace une truite excellente, pêchée dans le torrent voisin, et un gâteau de maïs couvert d'un miel exquis. Le vieux père d'Ouabi, sa femme, Ouabi lui-même, et sa jeune sœur Zuléma, se tenoient debout auprès d'Elvire, et se témoignoient, dans leur langage, le plaisir qu'ils avoient à la contempler.

» Après ce repas frugal, Zuléma s'empara d'Elvire, et la conduisit sur le bord de la rivière des Cygnes. Elle ne savoit comment exprimer sa joie de l'avoir pour compagne; mais ses gestes expressifs et la vivacité de ses regards faisoient assez comprendre ce qui se passoit au fond de son cœur. Elle examinoit curieusement les diverses parties de l'habillement d'Elvire, qu'elle comparoit au sien; elle touchoit sa belle chevelure, dans laquelle serpentoit un double. rang de perles orientales de la plus grande beauté. La jeune Espagnole détacha elle-même son

bandeau, et le mit au cou de Zuléma qui, dans un transport dont elle ne fut pas maîtresse, la pressa dans ses bras, se regarda dans la rivière et courut aussitôt se montrer à toutes les femmes du village.

2

» Cependant le grand conseil des Indiens s'étoit rassemblé. Le jeune Ouabi leur raconta les détails de son expédition, qui lui attirèrent de grands éloges; il annonça qu'il se proposoit de faire à la fille du vice-roi l'honneur de l'épouser. On applaudit à sa résolution, et il fut nommé, sur-le-champ, l'un des principaux chefs de guerre.

» Elvire, qui ne savoit rien de ce qui se passoit, trouvoit de la consolation dans la compagnie de Zuléma; et après s'être assurée qu'elle partageroit pendant la nuit la natte de cette jeune Indienne, elle pensa aux moyens de préparer sa délivrance, et résolut d'apprendre la langue des Séris. Cette étude fit quelque diversion à son chagrin. Elle eut aussi le bon esprit de se conformer aux mœurs et aux usages de ce peuple; et dès le lendemain de son arrivée, elle coupa sa robe et en fit une espèce de tunique pareille à celle de Zuléma.

>> Ouabi avoit excité une telle confiance, qu'on le mit à la tête d'une seconde expédition; mais avant son départ, il fit à Elvire une infinité

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