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de ses contemporains. Son siècle ne connut que ses opinions insensées, et il ne vit point la beauté de son génie.

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Voilà une décision bien dure et bien tranchante. M. Michaud a fait preuve d'un talent distingué dans plus d'un genre; et il étoit digne de lui de parler avec moins d'irrévérence d'un homme tel que Milton. La vie privée de ce grand poëte n'offre rien qui puisse justifier ces assertions de haine et de mépris. L'histoire du temps est restée muette à cet égard. L'opinion de M. Michaud est évidemment fausse, puisqu'elle est dénuée de preuves.

Mais si Milton ne fut ni haï, ni méprisẻ de ses contemporains, si l'influence de la cour de Charles II, livrée à la mollesse et à la dissipation, ne fut point un obstacle au succès du Paradis perdu, quelles furent donc les causes de l'oubli où ce poëme a été condamné pendant tant d'années?

Avant de répondre à cette question, je crois qu'il convient de jeter un coup-d'œil rapide sur la vie de Milton, en marquant soigneusement les dates des époques où parurent ses ouvrages. J'examinerai ensuite quelle étoit la situation morale de l'Angleterre à chacune de ces diverses époques; et je tâcherai de fixer, par des raisonnemens solides et des faits incontestables, les motifs qui

enlevèrent à Milton la consolation de jouir avant sa mort, de la gloire qu'il avoit si bien méritée.

Précis de la vie de Milton (1).

La famille de Milton descendoit des propriétaires de la terre de Milton, située près de Thame, dans le comté d'Oxford. Cette terre fut réunie au fisc pendant les troubles occasionnés par les divisions des maisons d'Yorck et de Lancastre.

Le grand-père de notre poëte, catholique zélé, déshérita son fils Jean, qui avoit abandonné la religion de ses pères. Jean fut obligé d'embrasser l'état de notaire pour se procurer les moyens d'existence que cette disgrace lui avoit enlevés ; et il se livra au travail avec tant de succès, qu'il acquit une fortune assez considérable pour se retirer des affaires et passer le reste de ses jours dans l'indépendance et le repos. Il épousa une dame du nom de Caston. qui descendoit d'une famille originaire de la principauté de Galles. De ce mariage, il cut trois enfans, savoir, Jean le poëte, Christophe, destiné au barreau, et une fille nommée Anne.

(1) A complete edition of the Poets of Great Britain. Vol. the fifth. London.

Christophe reçut du roi Jacques II le titre de chevalier et la dignité de juge; et la fille épousa Edouard Phillips, qui obtint un poste lucratif à la nomination du gouvernement.

Jean Milton naquit à Londres, dans la maison paternelle située rue du Pain (Bread street), le décembre 1608. L'instruction de sa pre9 mière jeunesse fut confiée aux soins d'un ecclésiastique nommé Thomas Young, dont les attentions et la capacité furent célébrées dans une élégie latine que son élève écrivit à l'âge de douze ans.

A cette époque, il fut envoyé à l'école de SaintPaul, où il suivit ses études jusqu'à ce qu'il eut atteint sa seizième année; alors il entra au collége du Christ, dans l'université de Cambridge.

Ce fut pendant son séjour à l'université qu'il composa la plupart de ses poëmes latins dans un style formé sur les bons modèles de l'antiquité. On dit que Milton est le premier Anglais qui ait composé des vers latins où l'on retrouve cette élégance classique qui distingue les productions des grands écrivains du siècle d'Auguste.

Après avoir quitté l'université, où il reçut, en 1632, le degré de maître ès-arts, Milton retourna chez son père, qui résidoit à Horson, dans le comté de Buckingham, et il continua de se livrer à l'étude avec une

constance remarquable, et avec le plus heureux succès. Il produisit alors l'Opéra de Comus, ouvrage embelli de tous les ornemens d'une diction brillante et poétique. Quoique ce drame soit écrit dans un style trop épique pour plaire à la scène, néanmoins, sous quelque point de vue qu'on le considère, on trouvera que, parmi les productions de notre poëte, il n'est inférieur qu'au Paradis perdu (1).

Lycidas fut son second ouvrage. Ce petit poëme, aussi admirable dans son genre que le Masque de Comus, est un monologue sur la mort de son ami Edouard King, fils du chevalier Jean King, secrétaire d'Etat en Irlande. Edouard avoit péri

(1) On ne sera pas fâché de savoir ce que le fameux critique Johnson pensoit de ce poëme.

« La plus importante des compositions de la jeunesse de Milton, dit-il, est le Masque de Comus, dans lequel on peut apercevoir l'aurore ou le crépuscule du Paradis perdu. Milton paroît avoir adopté de bonne heure ce système de diction, et ce mode de vers que son jugement plus mûr lui fit approuver, et dont il ne s'est jamais écarté dans la suite.

» Non seulement Comus offre un exemple de son langage, il montre en même temps son génie descriptif et sa vigueur de sentiment employée pour l'éloge et la défense de la vertu. Il est difficile de trouver un ouvrage plus éminemment poétique. Les allusions, les images, les épithètes descriptives embellissent presque toutes les périodes avec profusion. C'est pourquoi, comme série de vers, on peut le regarder comme digne de toute l'admiration avec laquelle il fut reçu par les enthousiastes. »>> Johnson's lives of the poets.

dans un naufrage lorsqu'il passoit d'Angleterré en Irlande.

Cinq ans après le retour de Milton dans la maison paternelle, il perdit sa mère qu'il aimoit tendrement; et pour faire diversion à sa douleur, il obtint de son père une permission qu'il avoit ardemment desirée, celle de voyager sur le continent. Il quitta l'Angleterre en 1638, et se rendit d'abord à Paris, où il fit la connoissance du célèbre Grotius. Il partit ensuite pour l'Italie, dont il étudia la langue et la littérature avec un succès peu commun. Les grands seigneurs et les hommes de lettres les plus distingués de ce pays lui firent un accueil favorable; et quoiqu'il avouât ouvertement ses opinions religieuses et politiques, il fut admis à un concert par le cardinal Barberini, connu depuis sous le nom du pape Urbain VIII. Ce prélat, qui se connoissoit en mérite, ne dédaigna pas de recevoir luimême Milton, et de le conduire dans l'assemblée en le tenant par la main. On dit que notre poëte aimoit à raconter cette petite anecdote. Il alla de Rome à Naples, où il acquit l'amitié du seigneur Manso, marquis de Villa, qui avoit déjà été le patron du Tasse. Il visita ensuite le reste de l'Italie, trouvant partout des admirateurs et des amis. Parmi ces derniers, il faut compter le grand Galilée, qui gémissoit alors

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