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se soutient avec avantage à côté des compositions épiques les plus estimées.

Trois ans après la publication du Paradis perdu, Milton fit paroître Samson Agonistes, tragédie dans le genre du Théâtre grec, et le Paradis regagné ou reconquis, qu'il préféroit, dit-on, à son premier poëme; sentiment que personne n'a partagé avec lui.

Le 10 novembre 1674, il mourut à BunhillField, usé par la goutte et par ses longs travaux. Il fut enterré à Cripple-Gate, dans l'enceinte de Saint-Gilles. Ses funérailles se firent avec éclat, et attirèrent un concours nombreux de personnes distinguées. Il laissa quinze cents livres sterling à sa famille; preuve évidente, comme je l'ai déjà dit, qu'il ne fut pas aussi maltraité de la fortune qu'on a bien voulu le supposer.

CHAPITRE XVIII.

Quelques observations sur les causes qui s'opposèrent au succès des ouvrages de Milton, à l'époque de leur publication.

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L'OPÉRA, ou la mascarade de Comus, le poëme élégiaque intitulé Lycidas, parurent dans l'intervalle de temps qui s'écoula entre les années 1632 et 1638. Le premier de ces ouvrages est, dit-on, fondé sur un fait véri◄ table (1).

« J'ai appris, dans un manuscrit d'Oldys; dit Warton, que le comte de Bridgewater, ayant été nommé lord-président du pays de Galles, prit possession de sa résidence à LudlowCastle avec une grande solennité. Il fut accompagné, dans son inauguration, par un concours nombreux de nobles et d'habitans du voisinage. Dans le nombre de ceux qui s'y réunirent étoient ses enfans, particulièrement lord Brackley, l'ho

(1) Comus, Masque de Milton et traduction littérale. A Paris, de l'imprimerie de P. Didot l'aîné, 1812.

horable Thomas Egerton et lady Alice Egerton leur sœur, qui vinrent

« Pour accompagner la pompe de leur père,

» Et la remise du sceptre qui lui étoit nouvellement » confié. »

Ayant été en visite dans le comté de Hereford, chez un de leurs parens, ils furent surpris par la nuit, en traversant la forêt de Hayvood, et même lady Alice Egerton fut égarée pendant quelque temps. Cet accident, qui n'eut aucune suite fâcheuse, fournit à Milton le sujet de l'opéra de Comus. »

Les liaisons de Milton avec la famille du comte de Bridgewater, dont il avoit éprouvé la bienveillance, l'avoient déjà engagé à écrire deux poëmes, l'un intitulé Arcades, pour la comtesse de Derby; l'autre, son Ode élégiaque, pendant qu'il étoit étudiant à Cambridge, pour la mar quise de Winchester.

On doit donc considérer Comus, non comine un drame composé pour la scène, mais plutôt comme un poëme de circonstance dont l'intérêt ne pouvoit être général (1).

L'élégie, intitulée Lycidas, avoit été composée à l'imitation de quelques poésies italiennes.

(1) Comme cet opéra est peu connu en France, j'en donnerai l'analyse à la fin de ce volume.

(Note de l'Editeur.)

De là vient dans cette pièce le mélange des grands et des petits vers, espèce de mesure qui n'a jamais eu de succès en Angleterre.

Maintenant, si l'on considère dans quelles circonstances parurent ces deux ouvrages, on sera peu étonné de l'indifférence avec laquelle ils furent reçus, quoiqu'il fût impossible que Milton eût, à cette époque, encouru personnellement la défaveur de ses concitoyens.

Les querelles ecclésiastiques étoient alors dans toute leur force, et l'attention publique étoit partagée entre les discussions sur la légitimité de quelques impôts, et les querelles sur la liturgie. Les symptômes d'une révolution qui devoit couvrir l'Angleterre de sang et de crimes se manifestoient de toutes parts, et le feu de la révolte étoit encore alimenté par l'intervention secrète et perfide du cardinal de Richelieu (1). La culture des arts d'imagination se trouvoit alors abandonnée à un petit nombre d'hommes qui vivoient dans la solitude; et les chants des muses

(1) On lit, dans une lettre du cardinal de Richelieu au comte d'Estrades, alors envoyé en Angleterre, ces mots remarquables : « Le roi et la reine d'Angleterre se repentiront, avant qu'il soit un an, d'avoir négligé mes offres. On connoîtra bientôt qu'on ne doit pas me mépriser. » Ce ministre-roi avoit inutilement tenté d'empêcher Marie de Médicis de trouver un asile en Angleterre chez sa fille, et d'engager Charles Ier dans les intérêts de la France. Volt.

n'étoient point entendus au milieu du tumulte des factions. La poésie n'avoit point encore appris à servir les fureurs des partis opposés; et le plus misérable écrivain de pamphlets factieux et de déclamations fanatiques jouissoit d'une célébrité qu'Homère lui-même n'auroit pu obtenir. Qu'on juge quel accueil devoient alors recevoir deux poëmes tels qu'un opéra et une élégie sur la mort d'un ami!

L'Allegro et le Penseroso, publiés en 1645, parurent à une époque encore plus désastreuse. La guerre civile avoit éclaté. De tant de troubles, dit un écrivain célèbre, qui ont agité l'Angleterre avant qu'elle ait pris une forme stable de gouvernement, les troubles de cette époque furent les seuls où l'excès du ridicule se mêla aux excès de la fureur. Ce ridicule, que les réformateurs avoient tant reproché à la communion romaine, devint le partage des presbytériens. Leurs habillemens, leurs discours, leurs contorsions, leurs sermons, leurs prédictions, tout en eux auroit mérité, dans des temps plus tranquilles, d'être joué à la foire de Londres, si cette farce n'avoit pas été trop dégoûtante. Mais, malheureusement, l'absurdité de ces fanatiques se joignoit à la fureur. Les mêmes hommes, dont les enfans se seroient moqués, imprimoient la terreur en se baignant dans le sang; et ils étoient

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