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à la main; et le veau fauve qui lui servoit de couverture, étoit à moitié rongé des rats. Le prix de ce livre s'étoit élevé à soixante francs; mais Duhamel m'assura qu'il avoit fait un excellent marché, parce qu'il ne lui manquoit plus que Busembaum pour compléter sa précieuse collection des casuistes.

2o. La Sainte Philosophie de l'ame, sermons prêchés à Saint-Médéric, l'an 1612, par André Valladier, bénédictin. Ce gros in-8°. n'avoit coûté que quinze sous; mais il étoit d'un prix inestimable aux yeux de mon ami, qui en regardoit la préface adressée à la reine Marie de Médicis, comme une production très curieuse. Je lui demandai la permission d'en copier la première phrase que je vais transcrire ici pour la satisfaction de mes lecteurs.

A la Reine régente.

« Madame, le divin amoureux, chastement » passionné des parfaites beautés de l'épouse, » chef-d'œuvre de son idée éternelle, s'occu>> pant doucement à l'admiration des merveilles » que la nature a le plus enrichies en l'archi>>tecture admirable de votre sexe; m'a licentié » de les relever d'un grand estage plus haut, »jusqu'au couronnement du frontispice de l'ex»cellence de l'ame. »>

Duhamel prétend que nous nous rapprochons de jour en jour de ce genre d'éloquence; et chastement passionné lui paroît une alliance de mots digne d'être applaudie en séance publique de l'Institut.

3o. Le Moyse sauvé, de Saint-Amand, petit in-12. Il n'étoit pas moisi par les bords, comme dit Boileau, mais il avoit été attaqué de la vermine. Duhamel méprise le style de ce poëme, et il en estime peu la conduite; il lui reproche de n'être pas assez conforme aux règles établies par le père Lebossu. Cependant il n'avoit dispenser d'en faire l'emplette, parce qu'il est porté sur le catalogue des Elzevirs.

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4°. Le Fléau de la Foi. Enfin, je l'ai découvert, s'écria Duhamel, en fixant des regards de tendresse sur un vieux bouquin vermoulu qu'il me présenta. Depuis vingt ans j'étois à sa poursuite; et jusqu'ici il avoit échappé à toutes mes recherches! Je lui demandai quel étoit cet ouvrage dont j'entendois parler pour la première fois. Il me répondit qu'il n'avoit aucune sorte de mérite; que l'auteur étoit un homme sans principes, et digne du mépris de tous les honnêtes gens; mais enfin, ajouta-t-il, c'est un livre introuvable, dont l'auteur a été brûlé vif, et je ne le changerois pas contre les Œuvres de Saint Augustin.

Nous parcourûmes les titres de quelques

autres livres, entre lesquels je remarquai l'Imi tation de Jésus-Christ, première édition de l'abbé de Choisy; la Galerie des Femmes fortes, par le P. Lemoyne, et les Arrêts d'Amour de Martial d'Auvergne, commentés en latin par le célèbre jurisconsulte Benoît Lecourt. Après cette revue bibliographique, je pris congé de M. Duhamel et de sa raisonnable compagne.

CHAPITRE VI.

Les Templiers. Réflexions morales.

JEUDI dernier on donnoit les Templiers au Théâtre Français; et comme le philosophe a une grande estime pour cette tragédie, il me proposa de l'accompagner au spectacle. J'acceptai avec plaisir cette invitation. Nous nous plaçâmes au parterre, suivant notre usage, et nous applaudimes de bon cœur les belles scènes dont cette pièce est remplie. Le philosophe étoit surtout charmé du Grand-Maitre. Lorsque la toile fut baissée, il me dit en parlant de Jacques Molay: Ce rôle a une physionomie particulière, qui me donne une haute idée du talent de l'auteur. Il lui falloit beaucoup de hardiesse et une juste confiance dans ses forces, pour introduire, sur le premier plan de son tableau, un personnage qui n'est animé par aucun autre sentiment que par celui du devoir. Un poëte ordinaire auroit été embarrassé d'un pareil personnage, qui se trouvant toujours dominé par une seule

pensée, doit paroître le même dans toutes les situations où il est placé. L'auteur des Templiers

a passionné ce caractère en lui donnant l'enthousiasme de la vertu et celui de la religion; et c'est ainsi qu'il a su le rendre intéressant, élever son langage et faire naître tour-à-tour dans l'ame du spectateur, la surprise, l'admiration et la pitié. Il n'appartient qu'au talent de subjuguer les sujets les plus ingrats, et de tout vivifier par l'éloquence du style et de la pensée.

Avez-vous oublié, répondis-je au philosophe,' que cette tragédie a essuyé d'amères et nombreuses critiques ?

Je le sais, répliqua-t-il. L'envie ne pardonne qu'aux ouvrages médiocres; mais ces critiques. sont déjà oubliées, et la tragédie dont nous parlons, occupera toujours un rang distingué sur la scène et dans l'estime des connoisseurs.

Ce qui me plaît encore dans cette pièce, ajouta Kerkabon, c'est que les personnages sont français. La plupart des autres tragédies roulent sur des événemens et des hommes auxquels je prends peu d'intérêt. Que m'importent les fureurs d' Oreste et les malheurs d' OEdipe? Quelle instruction peut-il en résulter pour les spectateurs? Je rends hommage au génie qui a su embellir ces fictions, et qui en a fait des chefsd'œuvre; mais j'ai toujours regretté que nos

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