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vers la maison de la jeune fille. Pâle, défiguré, couvert de sang, il se présente devant ses parens comme un spectre sorti des tombeaux. — Qu'astu fait, malheureux! s'écria la mère alarmée.

Volez au secours de votre fille, répond l'assassin, et il tombe évanoui. On suit les traces du sang. Elisa respiroit encore. Etendue sur la terre, une main sur sa gorge à moitié découverte, l'autre sur sa tête; victime sans tache d'une passion effrénée, elle reconnoît son père, et rend le dernier soupir.

» Fairbanks fut conduit dans les prisons de Dedham. Il sembloit desirer la mort; mais ayant été condamné par la cour suprême de Massachusetts à perdre la vie, il chercha les moyens d'échapper au supplice, et parvint à se sauver dans la nuit du 17 au 18 août. La nouvelle de sa fuite excita la plus vive sensation. Mille piastres de récompense furent offertes à celui qui découvriroit sa retraite. Une note signée des principaux habitans de Dedham fut distribuée dans toutes les maisons de cette commune; elle étoit conçue

en ces termes:

(С Le sang a souillé notre terre natale. L'ho» micide s'est échappé, sa retraite est ignorée; » et, pour le découvrir en quelque lieu qu'il » soit, nous nous soumettons aux mesures sui» vantes: 1o. à rendre compte de ce qui s'est

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passé dans nos familles pendant la nuit der» nière et pendant ce jour; 2o. à faire tous nos » efforts pour arrêter l'assassin et les complices » de sa fuite. Les honnêtes citoyens de Dedham >> ne doivent point fermer l'œil cette nuit (1). » Cependant Fairbanks gagnoit les frontières de l'Etat de New-York. Arrivé à Skeensborough, sur les bords du lac Champlain, il alloit s'embarquer pour le Canada lorsqu'il fut arrêté par trois hommes qui avoient découvert ses traces. Il se laissa reconduire sans résistance à Boston, et fut exécuté le 10 septembre suivant, dans la même commune où il avoit commis son crime.

>> Les exécutions sont si rares dans les EtatsUnis, que celle-ci attira un concours prodigieux de spectateurs. Je vis passer Fairbanks. Assis dans une voiture découverte, entre le shériff (prévôt) et un ministre presbytérien, il avoit

(i) Voici l'original de cette note qui montre comment la police s'exerce par tous les citoyens dans les occasions impor

tantes :

« The stain of blood is upon the land. Jason Fairbanks the » murderer has escaped. We cannot tell where to look for >> him; we must look every where. Therefore we agree and » submit to the following measures. 1o. That we will give an >> account of ourselves and our inmates during the night past, » and this day, 2°. That we will exert ourselves in every way' >> to apprehend the culprit and his accomplices. No honest » man's eyes must sleep in Dedham this night.

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plutôt l'air d'un homme abattu par de longues douleurs que d'un criminel qu'on mène à l'échafaud. Ses traits n'étoient point altérés par la terreur de la mort; il paroissoit plongé dans un profond recueillement, et l'on m'assura que le nom de miss Fales s'échappoit souvent de sa bouche avec un soupir. Il donna lui-même le signal de sa mort en laissant, suivant l'usage, tomber de sa main droite un mouchoir blanc. Son corps fut remis à ses parens, qui le firent enterrer aux pieds d'Elisa Fales.

» L'indignation causée par la mort cruelle de la jeune Américaine, avoit eu le temps de s'affoiblir, même avant le supplice du criminel, et tous les cœurs s'étoient ouverts à la pitié. On accusoit l'inflexibilité des parens de miss Fales, et l'on attribuoit à un excès de désespoir le crime atroce de son meurtrier. Les femmes, surtout, prirent à son sort le plus vif intérêt. Une dame de Boston, célèbre par ses grâces et par ses talens, le visita plusieurs fois, et lui présenta, dit-on, un poignard, dans la pensée qu'il se déroberoit, par une mort volontaire, à la honte de l'échafaud; mais le moment de l'énergie étoit passé sans retour.

» Un mois après cet événement, je voulus voir l'endroit où le crime avoit été commis. Assis à l'ombre d'un bouquet d'arbrisseaux, je réfléchis

quelque temps aux écarts terribles des passions, lorsqu'elles ne sont plus réglées et contenues par le frein de la morale et de la raison. Je me rendis ensuite au cimetière où reposent les restes de Fairbanks et d'Elisa Fales. On a élevé sur leurs tombeaux, ainsi qu'il est d'usage en Amérique, une pierre sépulcrale chargée d'une simple inscription qui rappelle en peu de mots leurs noms et l'histoire de leurs malheurs. J'appris, à Dedham, que la mère du jeune homme étoit dangereusement malade et ne cessait d'appeler son fils en poussant, jour et nuit, des cris de douleur. Son cœur maternel avoit été brisé; et je ne fus point surpris d'apprendre quelques jours après, la nouvelle de sa mort. J'observerai en passant, que dans ce pays-ci, les fautes et la honte sont personnelles. Les Américains ne connoissent point ce préjugé, cruel autant qu'absurde, qui frappe à la fois le coupable et l'in

nocent.

» Le discours adressé au jury dans cette cause mémorable, par M. Sullivan, procureur-général, eut un grand succès. Je me suis contenté d'en traduire un fragment qui contient quelques idées intéressantes. Il parle de l'éducation Fairbanks auroit dû recevoir :

que

« Nos écoles publiques, entretenues aux frais » de l'Etat, présentent les mêmes avantages à

» toutes les classes de citoyens. Les enfans du » riche et du pauvre s'y réunissent dans une

»

parfaite égalité. Le culte public, que chaque » commune supporte par une contribution vo» lontaire, devient tous les jours plus respec>> table par l'assiduité et la piété éclairée des » hommes sages (1). Le sentiment des philosophes sur cette noble institution n'est point

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équivoque. Aristote prétend que l'homme est » un animal politique; ajoutons qu'il est, par » essence, un être religieux.

>> Si le prévenu avoit profité des avantages qui » se trouvoient à sa portée, se verroit-il placé » aujourd'hui entre le crime et l'infamie, et se>> rions-nous appelés à punir l'attentat le plus >> horrible qui ait encore épouvanté nos conci>>toyens? Je ne puis abandonner ce point de lat >> cause sans vous faire part de quelques réflexions » sur les défauts trop communs de l'éducation >> domestique.

» Ainsi que l'oiseau apprend au sortir du nid,

(1) Il y a peu d'hommes plus instruits, plus tolérans et plus vertueux que les ministres protestans en Amérique. Ils n'ont point d'intérêts séparés de ceux de leurs concitoyens. Ils se marient en général de bonne heure, et remplissent leurs devoirs sans ostentation. Ils font aimer la vertu autant par leurs exemples que par leurs instructions pastorales. Heureux les peuples où la religion trouve de tels interprètes!

(Note de l'Editeur.)

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