Изображения страниц
PDF
EPUB

» le maraud, plus heureux que son maître, est » déjà en pied dans la maison.

[ocr errors]
[ocr errors]

Cependant une circonstance est venue rele» ver mon espoir. Je pouvois disposer, mardi » dernier, de la loge du banquier Calpucci, et j'ai mené ces dames à l'Opéra. Les Bardes » m'auroient ennuyé à la mort si je n'avois été placé à côté de Pauliska, et si son air mélan» colique n'avoit attiré toute mon attention. » Entendez-vous, Freeman, de la mélancolie! » N'est-ce pas là le symptôme d'une grande » passion? Je crains d'être forcé d'entrer dans » le roman, et de faire jouer les grandes ma>> chines du pathétique. Mais enfin, Pauliska » est si belle, que je ne dois rien négliger pour » m'assurer la gloire de cette conquête. J'irai » même, s'il le faut, jusqu'à répandre des » larmes.

>> Si vous étiez homme à servir vos amis, il » ne tiendroit qu'à vous d'abréger cette aven»ture qui m'occupe jour et nuit, et qui me

fait perdre un temps précieux. Je vous pré>> senterois à la comtesse Bataroski, qui aime

beaucoup à parler; et pendant qu'elle vous >> raconteroit ses vieilles guerres, je saisirois l'oc»casion de m'expliquer avec la fille. Songez-y » bien; la comtesse n'est pas à dédaigner; elle » frise la cinquantaine, mais elle est parfaite

>>

>>ment conservée; elle est un peu maigre à la » vérité, mais aussi elle a la taille fine; elle con» viendroit fort à un philosophe comme vous. » Réfléchissez là-dessus! N'oubliez pas que je puis un jour vous rendre le même service; car, » malgré votre stoïcisme, je m'attends à vous » voir, tôt ou tard, amoureux fou de quelque » tendron. C'est alors que vous éprouverez le >> besoin de mes conseils; mais si vous n'accep>> tez pas ma proposition, je jure par tous les » dieux, que je vous abandonnerai à votre des» tinée.

>>

» Vous autres moralistes de profession, vous prêchez à merveille; mais, comme la plupart » des prédicateurs, votre conduite dément vos » doctrines. Kerkabon, par exemple, auroit » mérité d'être reçu avec distinction au Portique » ou au Lycée; et cependant la sévérité de sa » morale ne l'empêche pas de nourrir une passion » très vive au fond de son cœur. Je suis allé le » surprendre il y a deux jours, au moment où » il s'habilloit, et j'ai découvert que le portrait

suspendu à son cou par une tresse de che» veux, est un portrait de femme. Après cela, » fiez-vous à ces prétendus sages qui ne parlent » que de dompter leurs passions. Le vrai sage » est celui qui s'y livre lorsqu'elles n'intéressent » ni l'honneur, ni la probité.

>>

» Je ne connois au monde que Duhamel qui » soit inaccessible à toute autre passion que » celle d'accumuler un fatras d'inutiles bouquins. » Pour celui-là, je serois volontiers sa caution » sur l'article des femmes; mais je ne l'en esti»merois pas davantage. Trahit sua quemque » voluptas, comme disoit mon pédant de pré>> cepteur. Il est entraîné par son goût tout comme » un autre; et si, dans la possession d'un ma>> nuscrit poudreux et rongé des vers, il éprouve » le même degré de jouissance qu'un avare en >> comptant son trésor, qu'un ambitieux qui vient » d'obtenir un cordon, ou qu'un amant favorisé » de sa maîtresse, je ne vois pas qu'il ait beau» coup à se vanter de sa sagesse et de la modé>> ration de ses désirs.

[ocr errors]

>> Je vous lance ces petites flèches en pas» sant, pour vous prouver que si je ne dispute » pas avec vous dans notre petit comité, c'est » que je ne veux pas m'en donner la peine. » Je suis comme cet homme de bon sens qui se » dispensoit d'aller au sermon, parce qu'il n'ai» moit ni le brailler, ni le raisonner.

>> Je vous dirai pour nouvelle qu'une femme » célèbre dans l'art de la peinture, et qui vient » d'arriver de Rome, expose un tableau qu'on » dit admirable, et dont Girodet pourroit être » jaloux. Tout Paris court à son atelier. Il y a

» là-dedans une figure d'Arabe qui fait à mer» veille, et dont on raconte des choses surpre»> nantes. Je me propose de le voir, si Dieu » me prête vie, et à notre premier rendez-vous, » je vous donnerai, sur ledit Bédouin, de plus » amples détails.

» Je n'ai pas la force de relire ce long bar» bouillage, et je vous salue de tout mon

>> cœur.

coup

>> Le major FLORANVILLE. »

La lecture de cette lettre a été pour moi un de foudre. L'idée d'être exposé aux regards du public me fait frémir. Je crains de rencontrer mon visage sur toutes les enseignes avec cette inscription: Au Roi Arabe. Il faut avouer qu'il y a une fatalité qui s'attache à certaines personnes, et se plaît à contrarier leurs goûts et à faire échouer leurs desseins. J'ai recherché l'obscurité avec autant d'ardeur que d'autres courent à la renommée: car il ne faut pas me reprocher la publication de mon ouvrage, puisque je suis bien sûr qu'il ne sera livré qu'après ma mort à l'admiration des quatre parties du monde. Cependant il faut qu'une femme me poursuive jusque dans l'endroit le plus retiré du Luxembourg, et qu'il lui prenne fantaisie d'esquisser mes traits pour me rendre, malgré moi, célèbre de mon vivant, et me faire éprouver

toutes les horreurs d'une grande réputation. Je ne pourrai plus maintenant me présenter dans un lieu public que tous les yeux ne se tournent vers moi, comme si j'étois un animal curieux, et qu'on ne dise tout haut: « Le voilà! »

Je suis résolu de rester en séquestre dans ma maison jusqu'à ce que le moment de l'enthousiasme soit passé. Il surviendra, peut-être, dans l'intervalle, quelque ourang-outan ou quelque rhinocéros qui fixera l'attention publique et fera oublier mon visage. Je reprendrai alors mes anciennes habitudes. Toutefois je suis très en colère contre madame Lesueur, qui est la seule cause de l'embarras où je me trouve. Ce qui m'étonne, c'est qu'il se mêle à ce sentiment des souvenirs qui en affoiblissent beaucoup l'énergie; et telle est la disposition où je suis maintenant, que si elle paroissoit tout-à-coup devant moi avec ses grands yeux noirs et ses formes voluptueuses, je serois tenté de lui adresser toute autre chose que des reproches. Voilà bien la foiblesse humaine; et Bossuet avoit trois fois raison lorqu'il s'écrioit du haut de la chaire de vérité : « Oh, que nous ne sommes rien ! »

J'en étois là de mes méditations, lorsqu'il m'a pris envie d'écrire à madame Lesueur pour l'engager à me rendre un service éminent. Voici la lettre que je lui ai envoyée:

« ПредыдущаяПродолжить »