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autre, parce qu'elle était la plus forte et que l'autre était la plus faible. A notre époque, après le christianisme, après la révolution française, on ne le saurait sans honte et sans infamie. Je sais bien qu'on a procédé ainsi même aux époques modernes et contemporaines, que les Indiens d'Amérique, par exemple, ont subi un traitement auprès duquel celui que les Hébreux ont fait souffrir aux Madianites et aux Amalécites est chose anodine et clémente. Mais qui pourrait accepter sans horreur, non pas même une pareille hypothèse, mais celle seulement d'un renouvellement de la terrible répression dont Cromwell a été le bourreau en chef? Et cependant, si l'on rentre dans la voie de la répression, il faudrait tôt ou tard en arriver là, à un duel à mort, à des guerres plus que civiles. Ecoutez les cris de haine qu'on pousse dans l'Ulster; écoutez l'impolitique et coupable écho que ces cris trouvent sur la rive orientale du canal St. Georges; et vous ne direz pas que j'exagère. La répression, c'est, à une échéance plus ou moins rapprochée, la bataille des sœurs-ennemies, d'Albion-Etéocle contre Erin-Polynice.

Si j'étais Anglais, je ne voudrais pas d'une pareille solution, et malgré le peu de sympathies que m'inspireraient les Irlandais-un vrai Anglais n'aime point les Irlandais à la passion, et cela s'explique -malgré tous les périls d'une aussi redoutable expérience, je me prononcerais, à la suite de M. Gladstone, pour le Home Rule.

Maintenant, pour quel Home Rule? Car il y a presque autant de Home Rule que de députés et de journalistes: tot homines, tot Home Rule.

Il y a d'abord le Home Rule radical, complet. Je serais contre, et j'ai déjà indiqué pourquoi. Comparant le Canada et l'Irlande, M. Gladstone disait, dans son discours du 10 mai, en répétant un mot spirituel d'O'Connell, que la différence entre les deux situations résulte principalement de ceci, 'que les chefs du Home Rule canadien avaient porté des noms qui finissaient en O (Papaneau), et que les chefs du Home Rule irlandais ont l'O avant leur nom.' Eh bien! n'en déplaise au Premier, il existe encore, entre le Canada et l'Irlande, une autre différence qui ne me paraît pas négligeable : c'est que l'océan Atlantique est un peu plus large que le canal St. Georges. Ah! si le canal était dix fois plus large, combien la chose serait plus aisée! Mais, quoi! il ne l'est pas, et il faut bien en tenir compte. Ce n'est la faute de personne si la révolution géologique qui a séparé en des temps inconnus l'Irlande et l'Angleterre n'a pas emporté l'Irlande, comme une autre Atlantide, à l'extrémité opposée de l'Océan. Mais à quoi bon se fâcher contre les choses? Stobée a dit que cela ne leur faisait rien du tout, et je suis de son avis. Et je conclus: puisque la révolution géologique d'autrefois a été incomplète, il ne faut pas traiter l'Irlande comme un simple Canada. Le faire, ce serait faire de l'Irlande le pied-à-terre de l'Amérique en Europe.

Il y a ensuite le Home Rule de M. Chamberlain. L'éminent député de Birmingham accepte l'idée d'un parlement irlandais, par

lement à attributions très-étroitement limitées, parlement minuscule, quelque chose d'intermédiaire entre les conseils généraux de France et les assemblées des 38 Etats de l'Union. Mais il n'admet pas l'exclusion des députés irlandais du parlement impérial siégeant à Londres. Sur la nature particulière, sur l'étendue et sur la portée des attributions de l'assemblée de Dublin, M. Chamberlain et ses alliés sont prêts à discuter, à négocier, à transiger avec M. Gladstone et ses amis. Mais sur la représentation des Irlandais dans le parlement impérial et royal, ils n'admettent pas de transaction. L'unité de l'Empire exige cette représentation: ils ne consentiront jamais à porter atteinte à cette unité, à ébranler (car on le met aussi de la partie) le principe du vote de l'impôt par les représentants de tous les contribuables. Ils n'accepteront pas de modus vivendi; leur sine quâ non est formel. M. Gladstone a ajourné à des temps éloignés, quoique fixés dans sa pensée, le second bill irlandais sur l'expropriation des landlords; la partie du premier bill relative à la représentation irlandaise à Londres, c'est aux calendes grecques que M. Chamberlain la veut ajourner.

Je l'avoue je ne comprends pas. Comment! c'est pour sauvegarder l'unité menacée, sinon déjà compromise, de l'Empire que combat M. Chamberlain, et c'est seulement sur la question de la représentation irlandaise à Londres qu'il élève le conflit. Mais, en vérité, est-ce que le fait d'établir à Dublin une assemblée distincte n'est pas beaucoup plus grave au point de vue de l'unité que celui d'exclure de toute représentation à Londres les Irlandais, qui, sauf dans l'Ulster, ne demandent pas mieux? Ou je comprends aussi peu les choses de la politique anglaise que celles de la procédure criminelle anglaise, ou il est certain que ce qui ébranle l'unité impériale, c'est la partie du bill qui donne à l'Irlande une assemblée spéciale, particulière, locale. Dès lors, si j'étais un partisan intraitable, irréductible, intransigeant de l'unité impériale, je repousserais, du premier au dernier paragraphe sans distinction, tout le bill de M. Gladstone. Mais si, transigeant avec le principe de l'unité (ce que je ferais évidemment en acceptant a separate council in Ireland), je devais voter ce qui constitue en somme le principe même du Home Rule, alors, au moins, je voudrais avoir un avantage certain de cette mesure et je débarrasserais le parlement qui siège à Londres du bataillon compacte qui suit M. Parnell. Donner à l'Irlande une chambre à elle et garder, par-dessus le marché, ses quatre-vingts représentants qui pèsent d'un poids si lourd sur toutes les affaires anglaises, qui tiennent vraiment en main le sort de toutes les plus grandes affaires britanniques, qui ne se prononcent, dans un sens ou dans un autre, non pas selon l'intérêt supérieur de l'Empire, mais selon leurs intérêts particuliers du moment, leurs caprices, leurs passions et le vent qui souffle--franchement, c'est une opération dont je ne puis saisir les avantages. On porte atteinte à l'unité impériale, mais on continue à s'embarrasser de quatre-vingts Irlandais. Mais alors, au point

de vue des intérêts purement anglais, je ne puis trouver aucune espèce de raison ni d'excuse au vote du Home Rule même le plus limité !

De ce que je trouverais illogique le projet de M. Chamberlain, est-ce que j'adhérerais purement et simplement au projet de M. Gladstone, qui est le troisième type de Home Rule, car je passe les variantes? Est-ce que j'accepterais ce premier bill dans toutes ses parties sans exception? Je ne le crois pas. Condamné par la force des circonstances à accepter le principe du Home Rule, certainement je voterais l'exclusion des Irlandais, et je la voterais surtout pour délivrer la chambre des communes de députés qui la gênent de toutes manières, l'oppriment, mettent en pièces de leurs rudes mains les fins rouages du beau régime parlementaire. Quand je mourrai,' disait Napoléon, le monde dira: Ouf!' Je me suppose Anglais, Anglais jaloux de la bonne tenue du parlement, Anglais jaloux de conserver intact le régime parlementaire que les Parnellistes détraquent tant qu'ils peuvent; moi aussi, quand les Irlandais quitteraient Westminster, je dirais: Ouf! L'exclusion des députés irlandais, une atteinte de plus à l'unité impériale? allons donc! un heureux débarras, voilà tout! Et c'est ailleurs que je chercherais les garanties de l'unité impériale, ou, pour parler plus correctement, de ce qui en subsisterait.

En effet, et c'est là où je me séparerai surtout de M. Gladstone, je trouve qu'en disant d'un Home Rule, même le plus restreint qu'on puisse imaginer, qu'il ne serait pas une atteinte à l'unité impériale, il commet une erreur, qu'il manque, au moins vis-à-vis de lui-même, de franchise. Non, la vérité c'est que le Home Rule, même le plus restreint, est une atteinte à la vieille unité. Cette atteinte est indispensable? Alors consommez-la. Mais ne la niez pas. Et permettezmoi d'ajouter ceci: c'est parce que vous niez cette atteinte, parce que vous fermez les yeux à l'évidence, parce que vous ne voulez pas vous avouer à vous-même la gravité de ce que vous faites, que vous avez encore ajouté aux difficultés naturelles et déjà assez grandes de la situation.

Donc, atteinte à l'unité il y a, et ce qui reste à savoir, à mon avis, ce qu'il faut déterminer, c'est de quelle façon il convient de s'y prendre pour que cette atteinte, que vous jugez indispensable, soit la moins large, la moins grave, la moins préjudiciable.

Mais par quels moyens? Evidemment d'une façon générale, par une délimitation très sévère des attributions du parlement irlandais, qui ne retiendrait que le soin des intérêts locaux, mais à qui serait retiré tout ce qui est d'un intérêt impérial, comme l'armée, la marine, la diplomatie. Je sais bien qu'il n'est pas toujours aisé de fixer les bornes en pareille matière, mais là précisément est la difficulté, difficulté qui n'est d'ailleurs pas insoluble, puisqu'elle a été résolue ailleurs, par exemple par la république fédérative des Etats-Unis d'Amérique et par la monarchie fédérative d'Autriche-Hongrie. Quelqu'un disait l'autre jour qu'il ne fallait accorder aux Irlandais que ce qu'on pourrait également accorder, à l'occasion et s'ils le demandaient, aux Ecossais

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Cette formule me paraît très

et aux habitants du pays de Galles.
juste, très sensée, mais je demande la permission de faire observer
que c'est celle du régime fédéral. Chambres distinctes, séparées,
locales, à Londres pour les affaires de l'Angleterre, à Edimbourg pour
celles de l'Ecosse, à Dublin pour celles de l'Irlande, à Belfast pour
celles de l'Ulster, à Cardigan, ou ailleurs, pour le pays de Galles;
et puis à Londres, capitale de l'empire, pour toutes les affaires di-
plomatiques, militaires, maritimes, généralement politiques' du
Royaume-Uni, un parlement impérial qui tiendrait à la fois du Con-
grès américain et des délégations austro-hongroises: telles sont les
conséquences logiques de la formule que j'ai citée plus haut. La
formule peut être bonne ou mauvaise. Mais les conséquences en
sont inéluctables, mathématiques. Et si l'on veut toute ma pensée,
je dirais que tôt ou tard, avec ou sans révolutions, le Home Rule
irlandais, limité ou non, conduira à ce résultat la Grande-Bretagne
tout entière. Le fédéralisme pour tout l'Empire, voilà la solution
qui se dégagera avant peu d'années de la crise irlandaise. Est-ce que
ce fédéralisme ne fournit pas, pour l'île-sœur, la solution du problème
que poursuivent de nobles intelligences éprises de justice? Est-ce qu'il
n'est pas compatible avec l'unité politique dont le Parlement ne veut
consentir le sacrifice à aucun prix? Est-ce qu'il ne permet pas, bien
au contraire, de rattacher à l'Empire, par le lien plus étroit de déléga-
tions ou représentations au Parlement impérial, des colonies qui se
détachent de plus en plus et qui sont beaucoup plus, à cette heure,
comme le Canada, des royaumes alliés et amis que des provinces
sujettes? La France a passé l'Atlantique pour chercher, de l'autre
côté de l'Océan, la république; l'Angleterre passera l'Océan pour en
ramener le fédéralisme. Et quant à moi, si j'étais Anglais, à un
royaume désuni de Grande-Bretagne, je préférerais sans hésiter la
constitution franche, hardie, radicale des Etats-Unis de Grande-
Bretagne.

Le Rubicon à passer, c'est le principe à voter. C'est là, il est
nécessaire de le dire très nettement, la grande affaire, celle qui, je le
comprends, peut et doit faire hésiter les plus loyales consciences
anglaises. Seulement, soyez-en bien convaincus, une fois qu'à tort
ou à raison le Rubicon aura été passé, vous ne pourrez plus le repasser
dans l'autre sens.

JOSEPH REINACH,

Editor of the République Française."

The Editor of THE NINETEENTH CENTURY cannot undertake
to return unaccepted MSS.

HARVARD

COLLEGE

JUN 17 1886
LIBRARY

INDEX TO VOL. XIX.

The titles of articles are printed in italics.

ABU

[blocks in formation]

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Agricultural labourer, prospects in life of
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Ahana, Mr. Max Müller's equation of,

with Daphne, 51-52

Alcoholic beverages, effect of, on diges-
tion, 272-274

Alfred, the historical name, 89-90
Algonkins, Great Hare superstition of
the, 63-64
Allotments, 902-913

Alsace and Lorraine, 431

American View of Popular Government,
an, 177-190

- Home Rule, 793-806
Angerstein (Mr.), house of, the first Re-
form Club house, 675-676
Anglo-Saxon, the term, 98

names, rendering of, in modern
English, 89-90, 665–672
Animal worship, 62-64

Anti-rent riots in New York State, 803-
804

Ares, philological explanations of, 53

note

Army Reserve, have we an? 263-269
Arnold (Matthew), The Nadir of Libe-
ralism, 645-663

Arnold-Forster (H. O.), Shall we desert
the Loyalists? 215-225

Arouet, another name for Voltaire, 94
Artists' pigments, 850

Asylums, private lunatic, 258-259
Athene, the name, 53

Austria, Home Rule in, 443–465
Austria, constitutional relations of, with
Hungary, 432-433

Austria-Hungary Home Rule in, 41-

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VOL. XIX.-No. 112.

BUR

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plays, Mr. Donnelly's discovery re-
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Beef-tea, a vulgar error as to, 276
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management for, 516-524

Bergaigne (M.), on the solar myth ques-
tion, 51

Berkeley (Bishop), 841

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natural science absent from the, 211
Birmingham, the Board School banks of,
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Blackie (Prof.), The Second Part of
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tion of the Navy, 106–126
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Bullen (Mr.), his edition of Middleton's
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Burke, on the meaning of an empire,
quoted, 30

on the British Empire, quoted, 31
Burmah, annexation of, 719-721
Burnaby (Colonel), death of, 156

3 R

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