Изображения страниц
PDF
EPUB

le droit naturel, soit dans le jus gentium commune. Pour découvrir le communis consensus sur lequel se fonde le droit des gens, Zouche consulte les Pandectes, le Code, les écrivains grecs et romains. Lord Stowell parle de la loi civile, sur laquelle est fondée une grande partie du droit des gens". Burke, se mettant au travers d'une paix avec les régicides" français, reproche à la République d'avoir violé les lois du voisinage, contenues dans les titres des Digestes et du Code de operis novi nuntiatione", les règles du droit prétorien et l'équité universelle qui sont reçues partout et qui sont obligatoires pour les peuples comme pour les simples individus. Vicini vicinorum facta presumuntur scire", et c'est ainsi que le grand voisinage de l'Europe the grand vicinage of Europe a le devoir de savoir et possède le droit d'empêcher toute nouveauté capitale qui pourrait dégénérer en une situation pleine de périls et d'incommodités. Et lorsque, en 1815, Sir John Mackintosh nie dans la Chambre des Communes que le territoire de Gênes puisse être considéré comme pays conquis, il se base, en citant un passage de Vattel, sur le jus postliminii dont Gênes devrait bénéficier.

[ocr errors]

Le même phénomène se produit ailleurs, p. ex. en Hollande. Bynkershoek comme déjà Grotius adopte certes à ce sujet un point de vue assez indépendant, parce que la ratio des peuples modernes et celle des Romains ne doit pas nécessairement être la même, et que le droit a subi nombre de changements. Voyez entre autres ce qu'il pense de l'application du jus postliminii. Mais ce même Bynkershoek prend plus d'une fois le droit romain comme point de départ, „cum qui id audit vocem omnium gentium videatur audire"; comme il dit encore ailleurs de certaine règle: ipsa juris gentium, non soli Ulpiani vox est".

En Allemagne, la ratio scripta est également suivie par Leibnitz et Textor. D'après ce dernier le Corpus juris de Justinien a pénétré si avant dans les coutumes des peuples p.ex. dans les rapports des étrangers et des sujets qu'on l'admet comme le modèle qui est à suivre nominalement dans le règlement des conflits pour autant qu'il n'y déroge par des règles spéciales. 1

1 Selden, Mare clausum, et Zouche, loc. cit. - Bynkershoek, De foro legatorum, cap. 6, loc. cit. p. 154; Quaestiones juris publici, lib. II de rebus varii argumenti, cap. 7, 8 i. f., loc. cit., p. 251, 254; lib. I de rebus bellicis, Ad Lectorem, loc. cit. p. 190; cap. 5, 14, 15, loc. cit., p. 201, 202, 218, 219 ss. — – G. G. Leibnitz, Epistolae XV et I ad Kestnerum, Opera omnia, Genève 1768, tom. IV, Jurisprudentia, p. 267 i. f., 268, voir aussi p. 254. Textor, Synopsis, cap. I, par. 16, loc. cit. p. 5, 6, cap. II, par. 14 ss. p. II. — Lord Stowell, the Maria, 1799, Robinson, Reports, p. 364. — E. Burke, Two letters adressed to a member of the present

"

Ce qui est encore digne de remarque, c'est que dans les rapports civils l'ancienne doctrine française avait promptement conservé le jus gentium des Romains: l'antique distinction entre le jus gentium et le jus civile s'y retrouve avec toute netteté. Ainsi d'Aguesseau partisan du reste du droit naturel dans notre matière parle dans un de ses plaidoyers de la loi commune de toutes les nations, c'est à dire cette règle du droit des gens plutôt que du droit civil, qui oblige le demandeur à suivre la juridiction du défendeur". Voici d'ailleurs ce que dit Pothier dans son Traité des Personnes: Les actes entre vifs sont du droit des gens; les étrangers jouissent de tout ce qui est du droit des gens; ils peuvent donc faire toutes sortes d'actes entre vifs. La faculté de tester active et passive est au contraire du droit civil, testamenti factio est juris civilis; les étrangers ne jouissent pas de ce qui est du droit civil, ils ne doivent donc pas avoir cette faculté ou ce droit". Et à l'occasion des discussions sur les projets de loi du Code civil, le tribun Siméon, en identifiant le droit des gens et le droit naturel, dit: „Ce qui caractérise essentiellement le droit civil, c'est ... d'être propre et particulier à un peuple et de ne point se communiquer aux autres nations; ... au contraire, les effets de droit naturel se communiquent partout à l'étranger comme au citoyen. Pour en jouir il n'est pas nécessaire d'être membre d'une certaine nation plutôt que d'une autre: il suffit d'être homme". Siméon suit du reste à l'égard des détails, l'ancienne doctrine française, en désignant encore le droit naturel dont dérivent presque tous les contrats, comme „le droit civil général", „celui de tous les hommes civilisés". A l'occasion de l'abolition du droit d'aubaine en 1790, on avait parlé par ce rapport de droits sacrés et inaliénables de l'humanité". 1 En politique aussi le droit romain continue à exercer une réelle influence. Nous avons déjà signalé que dans le traité de

[ocr errors]

parliament on the proposals with the regicide Directory of France (London, 1796), Letter I, p. 113-115; Dig. 39, 1; Cod. 8, 11. Sir John Mackintosh, chez Hansard, Parliamentary Debates, XXX (1815), p. 916. — Frédéric le Grand, chez Satow, Silezian loan, p. 52, 53.

1 D'Aguesseau, 57e Plaidoyer, Oeuvres, loc. cit. XVII, p. 122. R. J. Pothier, Traité des personnes, partie 1, titre II, sect. II, Oeuvres, éd. Dupin, Bruxelles, 1831, V, p. 166. Siméon au Tribunat, Séance du 25 frimaire an X (16 Décembre 1801), M. Locré, La législation civile, commerciale et criminelle de la France, II (1827), p. 246, 247. Lettres patentes du Roi du 18 août 1790, dans Lois et actes du gouvernement I, août 1789 à septembre 1790, p. 276. Voir aussi A. Pillet et J. P. Niboyet, Manuel de droit international privé (1924), p. 28, 266268, 278.

Munster, conformément à un droit diplomatique plus ancien, il est stipulé que la délivrance de lettres de marque et de représailles aura lieu d'après les lois et constitutions Impériales et selon l'ordre établi par icelles" (art. 22). Au milieu du siècle suivant, en 1752, Frédéric le Grand par l'organe de Samuel Cocceii et d'autres juristes invoquera aussi, contre l'Angleterre, les textes du droit romain, pour prouver que la mer est libre. Et lorsque quarante ans plus tard surgit, entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Espagne, le conflit déjà mentionné à propos de la navigation du Mississipi, les Etats-Unis diront que, d'après le droit romain - Par. 1-5 Inst. de rerum div. II, 1-, lequel considérait la navigation des fleuves au point de vue du droit naturel, puisqu'il déclarait cette navigation libre, le droit d'utiliser le rivage est un effet du droit de navigation. 1

1 Pour la question du Mississipi, Wheaton, Histoire, loc. cit. II, p. 195. la paix de Munster, voir ci-dessus p. 62.

Pour

CHAPITRE III

LE DROIT COUTUMIER

A l'instar de Grotius, la plupart des écrivains voient dans la coutume une manifestation du consentement tacite des peuples, une application de l'antique doctrine des jurisconsultes romains, que le tacitus consensus populi (ici populorum) forme la base du droit coutumier. Ce point de vue était si généralement répandu, que dans le projet de Code civil de l'an VIII, cité déjà ailleurs, on peut lire: La coutume résulte d'une longue suite d'actes constamment répétés qui ont acquis la force d'une convention tacite et commune".

[ocr errors]

On observe cependant chez d'aucuns quelque nuance. C'est ainsi que Bynkershoek parle d'un consentement tacite, mais aussi d'un consentement présumé, puisque, envisageant la matière aussi au point de vue de la preuve, il professe cette idée: se conformer à la coutume fait naître la supposition, autorise la présomption, qu'un consentement tacite a eu lieu. Autre encore est le point de vue de de Martens: il distingue comme fondements du droit des gens positif, entre le consentement tacite des peuples d'une part et l'usage d'autre part, ce dernier ne reposant pas sur le consentement tacite, mais sur la volonté présumée de la nation qui l'observe. Du reste, à la longue certains usages peuvent se transformer en consentement tacite.

Une troisième nuance est la suivante: La base de tout engagement est située dans mon droit d'exiger l'exécution d'un acte qu'un autre homme m'a donné une juste cause d'attendre. Ainsi l'existence d'une coutume est un motif raisonnable de compter sur une similitude des procédés à venir; de là sa force obligatoire (Ferguson). 1

1

1 L. 32 Julianus Dig. de leg. 1, 3.-L. 35 Hermogenianus, Dig. de leg. 1, 3. Instit. Lib. I, tit. 2, par. 9, II. - Projet de l'an VIII, livre prél., tit. 1, art. 5, chez Fenet, Recueil, II, p. 4. - Bynkershoek, Quaestiones juris publici, Lib. II de rebus varii argumenti, cap. X, loc. cit. p. 256; De foro legatorum, cap. XVIII init., cap. XIX i. f., cap. XXIV, loc. cit. p. 173, 176, 183.

G. F. de Martens, Précis du

Quoiqu'il en soit, on est d'accord que le consentement doit avoir en vue de créer le droit. La coutume doit en faire preuve. Car quelle est la raison pour laquelle la coutume des peuples peut contribuer à former le droit? Textor nous le dit: „dum hoc vel illo in negotiis jure utuntur, non possunt non simul velle ut obliget". Ainsi de pareils usages qui tout au plus se conçoivent comme des manifestations de la comitas gentium, ne peuvent pas créer le droit; une simple répétition de faits, due au hasard, ne le peut pas non plus. Pour que la coutume crée le droit, elle doit être suivie constamment et pour ainsi dire perpétuellement, et présenter une série d'actes uniformes tout le temps répétés d'une façon générale. C'est ainsi qu'on parle d'un uniform and universal", ou d'un general and ancient practise", de coutumes qui sont lois pour toutes sociétés civiles", et qu'on dit qu'elles sont universellement, constamment et réciproquement observées depuis trois siècles". Quelquefois se présente à l'esprit l'idée d'une prescription née de la coutume et qui, elle aussi, peut créer le droit entre les peuples. On enseigne en sus que la coutume doit être observée par tous les Etats européens ou du moins, par la plupart d'entre eux et non par quelques-uns seulement. Si tous les Etats ou la plupart d'entre eux ont adopté une règle de conduite, tout laps de temps est suffisant pour créer un droit obligatoire; absolument parlant, il n'est requis à cette fin qu'un nombre d'actes proportionné au nombre des Etats intéressés, tandis qu'au point de vue relatif, pour autant que cela concerne chaque peuple en particulier, un seul acte peut suffire (Textor). Ou bien on remarque qu'en général les puissances attribuent une certaine force à des usages reçus chez d'autres, bien qu'on ne puisse pas prouver qu'ils ont déjà été introduits chez elles (de Martens). '

droit des gens, par. 3, 4, Introduction, par. 29, par. 44—46, loc. cit., p. 49, 50, 64-68. A. Ferguson, Institutes of moral philosophy (1760), part. V, ch. 8, sect. 2, par. 1, 7, 8, cité par R. Redslob, Histoire des grands principes du droit des gens (1923), p. 19, 20.

[ocr errors]

1 Textor, Synopsis, cap. I, par. 4, 16, 20—23, loc. cit., p. 2, 5—7. Bynkershoek, Quaestiones juris publici, lib. I de rebus bellicis, cap. X, lib. II de rebus varii argumenti, cap. IX, X init., loc. cit., p. 210, 254, 256; De foro legatorum, cap. III, loc. cit., p. 150, 151.. Lord Stowell, dans The Maria (1799), Robinson, Reports, I, p. 360; the Louis (1817), Dodson's Reports of cases argued and determined in the High Court of Admiralty II, p. 249 i. f. - de Martens, Précis du droit des gens, Introduction, loc. cit. par. 3, p. 4, 5, par. 44, p. 65. — Lettre du Prince de Talleyrand au Prince de Metternich en date du 19 décembre 1814 concernant le Royaume de Saxe, dans Le Congrès de Vienne et les traités de 1815, avec introd. Capefigue, I, p. 540, 542.

« ПредыдущаяПродолжить »