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possession des biens (communis omnium possessio), la liberté innée chez tout homme (omnium una libertas), l'acquisition de tout ce qui respire dans le ciel, sur la terre et dans la mer, la restitution du dépôt et des choses confiées à notre garde, la légitime défense. Le droit des gens, ainsi appelé parce qu'il est en vigueur chez presque tous les peuples, est seulement indiqué par des exemples, comme: l'appropriation de biens immeubles sans maître, la construction d'habitations et l'élévation de fortifications; les guerres, la captivité, l'esclavage, le postliminium, les alliances, les traités de paix, les trèves, l'inviolabilité des ambassadeurs, la défense de mariage avec des étrangers.

Ce qui nous frappe, c'est que dans cette doctrine on ne suit pas le point de vue d'Ulpien: le droit naturel, un droit pour toutes les créatures animées; mais qu'on y adopte bien ses exemples de droits naturels, avec quelques modifications et certaines ajoutes, qui en partie du moins sont visiblement inspirées par les considérations faites par les pères de l'Eglise et les philosophes sur un droit qui aurait régi l'humanité dans son état d'innocence, à l'âge d'or. La division que fait Ulpien du droit en distinguant entre le droit naturel et le droit des gens, est aussi adoptée par Isidore. D'après notre auteur le droit des gens a été établi par les hommes, c'est donc un droit positif. Son idée que le droit des gens est en vigueur chez presque tous les peuples un tempérament aux définitions des Romains devait être reprise plus tard par d'autres.

Les propositions d'Isidore ont d'autant plus d'importance, qu'elles ont été insérées dans le Décret de Gratien et ont eu ainsi accès au Corps de droit canonique. Le Décret soutient encore expressément que le droit naturel est supérieur au droit humain, écrit ou non écrit, ecclésiastique ou laïque, et qu'en cas de conflit, c'est la nullité du dernier, de quelque sorte qu'il soit, qui doit être prononcée.

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Le deuxième auteur qui eut dans la matière qui nous occupe une influence indéniable sur les générations suivantes, est Saint Thomas d'Aquin. Le grand scolastique traite abondamment le sujet dans deux endroits de la Somme théologique. Dans la

1 Isidore, Etymologiae, L. V, 2, 4, 5, 6 (éd. Lindsay 1910, tome I, non paginé); Decret. Gratiani I, Dist. 1, c. 1, 6–9; Dist. 5, 1 pars; Dist. 8, c. 1, 2 pars, c. 2; Dist. 9, I pars, c I, II (Decretum magistri Gratiani, éd. Richter-Friedberg 1879, p. I et s., 7, 13, 14, 16, 18). Voir aussi W. S. M. Knight, dans the Grotius Society Publications, Texts for students, no. 3, p. 13 (renseignement de M. van Vollenhoven). — Westlake, Chapters, loc. cit. p. 24.

Prima Secundae de la Somme, Saint Thomas expose qu'il y a une loi divine et éternelle qui domine l'univers. Une partie de cette loi est la loi naturelle; la créature douée de raison, l'homme, a sa part de la raison éternelle, par laquelle il est enclin à suivre sa destination naturelle. Cette participation à la loi éternelle de l'être raisonnable est la loi naturelle qui l'oblige à pratiquer le bien et à éviter le mal et qui lui enseigne par conséquent à se préserver soi-même conformément à sa nature. Elle lui enseigne ensuite à faire ce que la nature apprend à toutes les créatures vivantes, l'union des sexes, l'entretien et l'éducation de la progéniture, et finalement à rechercher la vérité sur Dieu et sur la vie en communauté. Les animaux aussi subissent l'empire de la loi éternelle, mais comme à l'idée de loi" se rattache la notion de raison, ce ne sont en réalité que les êtres doués de raison qui sont assujettis à la loi éternelle; les êtres privés de raison ne le sont que par similitude.

Quant à ce qui concerne plus particulièrement le droit naturel, ce droit consiste tout d'abord dans des règles qui forment les principes fondamentaux, les prima principia" de ce droit; et en second lieu il se compose de règles dérivées des principes fondamentaux par voie de conséquence. Ces dernières règles sont souvent adoptées dans la loi humaine et sont à considérer alors sous deux différents aspects: comme droit naturel et comme droit humain.

Il faut considérer ensuite que les règles générales du droit naturel sont susceptibles d'être déterminées et amplifiées par le droit humain. Cette détermination n' a vigueur que comme droit humain et non comme droit naturel.

D'autre part les règles du droit naturel peuvent être complétées par le droit humain, c'est-à-dire que celui-ci peut ajouter toutes sortes de suppléments au droit naturel. Il est important ici de faire une distinction entre ce que le droit naturel ordonne d'une part et ce qui n'est pas en opposition avec lui, ce qui en soi-même ne répugne pas à la justice naturelle, de l'autre.

Sur ce dernier terrain auquel appartiennent les situations touchant la propriété et la liberté individuelle, le droit humain en dispose comme il entend. La communauté des biens et la liberté par exemple peuvent utilement être remplacées par la propriété privée et l'esclavage.

Or toute loi humaine qui est en réelle opposition avec les principes fondamentaux du droit naturel ou des règles dérivées

de ces principes par voie de conséquence, est nulle et non obligatoire comme corruption de la loi.

Par rapport à ce qui précède nous allons poser maintenant cette question: le droit naturel est-il en lui-même susceptible d'être modifié ou abrogé par le retranchement de quelques-unes de ses parties, de sorte que ce qui était du droit ne le serait plus? Cela est tout à fait hors de question à l'égard des principes fondamentaux du droit naturel qui sont éternels et immuables et s'applique aussi généralement aux règles dérivées des principes fondamentaux par voie de conséquence. Dans ce dernier cas cependant les exceptions ne sont pas impossibles; car ces règles qui entrent parfois dans les détails, peuvent ètre modifiées par suite de quelque circonstance aggravante. Par exemple, bien que le droit ordonne au dépositaire de rendre la chose déposée au déposant, cette obligation disparaît, si ce dernier pouvait faire un mauvais usage de la chose, lorsque, entre autres, c'est une arme et que le déposant est devenu fou ou un ennemi public.

Toute cette théorie se trouve manifestement sous l'influence d'Aristote qui professait que le droit naturel bien qu' immuable pour les dieux, ne l'est pas toujours pour les hommes. 1

Et maintenant pour ce qui concerne le droit des gens, il est recommandable de traiter séparément la matière de la Prima Secundae et de la Secunda Secundae.

Comme suite immédiate aux considérations énoncées plus haut, on apprend par la Prima Secundae que le droit des gens est droit naturel. Car ses règles sont les conséquences nécessaires des principes fondamentaux du droit et sont inspirées à l'homme, de nature un être sociable, par la raison naturelle en vue de l'utilité et de la vie paisible; de sorte qu'il y a accord sur ce point chez tous les hommes: voyez par exemple les justae emptiones, venditiones" et autres actes semblables sans lesquels les hommes ne peuvent pas vivre ensemble. Mais il y a diversité dans le droit naturel: nommément il se présenté ici une différence avec le droit naturel commun à tous les êtres vivants.

Tout cela est plus précisément détaillé dans la Secunda Secundae, particulièrement sous l'influence d'un passage de la „Politica" d'Aristote (lib. II c. 2). Le droit, ou le juste naturel", lit-on dans ce passage d'Aristote, est ce qui de sa nature est adéquat ou proportionné à un autre. Or ceci peut arriver de deux manières: D'abord en le considérant d'une façon absolue et en lui-même, p. ex. l'union des sexes, l'éducation de la progéniture. En second 1 Voir la note I p. 8.

lieu, lorqu'une chose est adoptée naturellement à une autre, non en raison de sa nature considérée d'une façon absolue, mais selon quelque chose qui découle de cette nature, par exemple le fait de posséder quelque chose en propre à l'exclusion des autres; matière dans laquelle sont compris l'opportunité de la culture et l'usage pacifique qu'on peut faire des champs. Eh bien, saisir une chose d'une façon absolue ne convient pas seulement à l'homme mais aussi aux animaux. Le droit qui est appelé naturel selon le premier mode - jus naturale secundum primum modum — nous est commun à nous et aux animaux. Mais le droit des gens diffère du droit naturel ainsi entendu, comme le dit le juriste Ulpien; car celui-ci est commun à tous les animaux et celui-là est seulement commun aux hommes entre eux. Il suit de là que le droit des gens est naturel à l'homme selon sa raison naturelle qui le dicte. C'est pour cela que Gaius dit: Quod vero naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes peraeque custoditur, vocaturque jus gentium. Or, le droit des gens est droit naturel tout en étant jus naturale secundum secundum modum: les choses qui appartiennent à ce droit, sont dictées par la raison naturelle, elles n'ont pas besoin d'une institution speciale qui se ferait par quelque acte positif des hommes.

Jusqu'ici la Secunda Secundae.

En attendant le jus gentium trouve sa force obligatoire dans une double cause. Car il ne compte pas seulement comme droit naturel, mais aussi en vertu de son institution humaine. Cette dernière cause de son caractère obligatoire vient-elle à faire défaut, par exemple par désuétude, la règle en question conserve cependant sa vigueur par le voeu de la nature.

Le droit civil doit être considéré comme une détermination plus précise du droit naturel, propre à chaque Etat.

On voit que Saint Thomas tâche autant que possible à concilier les systèmes philosophiques, théologiques et juridiques des prédécesseurs. En tant qu'il essaie de combiner les idées d'Ulpien et de Gaius en un tout synthétique, le travail de Thomas ressemble aux Institutes de Justinien, où l'on observe la même tendance. Son influence sur la matière qui nous occupe, à été fort importante. 1

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1 Summa Theologica, I, 2, quaest. 90, art. 1; 91, art. 1, 2; quaest. 93, art. I; quaest. 94, art. 1, 2, 4, 5; quaest. 95, art. 2, 4; Summa Theol. II, 2, quaest. 57, art. 2, 3; quaest. 60, art. 5 ad 1°; quaest. 66, art. 2 (éd. Leyde, 1702, resp. p. 186 et ss., p. 125 et ss.).

Voir aussi la traduction anglaise de la Prima Secundae par the Fathers of the

Les notes qui précèdent suffisent comme introduction à l'oeuvre des devanciers immédiats de Grotius. Les romanistes du moyen-âge, les glossateurs et les postglossateurs, si célèbres comme fondateurs du droit international privé, jouent ici un rôle bien secondaire. Leurs considérations sur le droit naturel et le droit des gens manquent d'unité et de fermeté de lignes; leurs gloses sont citées, il est vrai, par les écrivains postérieurs, mais il n'est nulle trace qu'ils aient exercé quelque influence primordiale. 1

English Dominican Province III (1915); Pour la Secunda Secundae le Commentaire français littéral de la Somme Théologique de R. T. Thomas Pègues O. P. XI (1916) (renseignement de M. Ledeboer). — Goebel, loc. cit. p. 23 et s. - Pr. et par. 1, 2 Inst. 1, 2.

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Voir aussi Grotius, De jure belli (éd. P. C. Molhuysen, préface de M. C. van

1 Carlyle, op. cit. II, surtout pp. 28-33. ac pacis, Prolegomena, par. 53, 54 Vollenhoven, Leyde 1919, p. 18).

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