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tifique du droit coutumier; adaptation qu'on retrouve du reste chez bien d'autres et qu'on peut voir par exemple dans le fait d'appliquer à d'autres cas, par voie d'analogie, des règles établies par la coutume. Tel est l'avis de Bynkershoek et de Martens, ainsi que des magistrats Marshall et Lord Stowell. Se trouvant devant l'aplanissement d'un chemin non pratiqué déclare Marshall sans le moyen de précédents ou de droit écrit, la Cour a cru nécessaire de s'en rapporter surtout à des principes généraux, et à une suite de raisonnements, fondés sur des cas à un certain point analogues. Et le juge anglais, tout en effleurant le sujet, traité par nous dernièrement, se prononce: Tout droit (law) peut se résoudre en principes généraux. Les cas qui se présentent par un nouveau concours de circonstances et qui, à l'aide de corollaires exacts, conduisent à une application toujours plus étendue des principes anciennement admis, peuvent sans cesse se multiplier; mais tant que la connexion avec les principes originaux et solidement établis se maintient dans sa pureté et ne cesse pas d'être ininterrompue, la pratique n'est pas nouvelle et il n'est pas question d'innovation de l'ancien droit (law). Ce ne sont en réalité que d'anciens principes qui sont appliqués à des situations nouvelles. 1

Avant de quitter le droit coutumier international considéré en soi, il nous reste à traiter une dernière question, se liant intimement à quelques-unes des communications précédentes.

En parlant de la formation du droit coutumier nous avons vu qu'en général les lois nationales doivent s'interpréter de telle manière qu'elles concordent avec le droit des gens positif. De même nous avons constaté qu'un seul Etat par sa législation ne peut pas renverser ce qui est reçu par tous les Etats ou la plupart d'eux.

Mais qu'arrive-t-il, si la loi nationale ne peut pas être interprétée dans un sens conforme au droit des gens, comme lorsqu'elle est promulguée délibérément en opposition avec ce droit? Cette loi était-elle alors obligatoire dans l'Etat en question au moins pour les habitants et pour les organes du pouvoir?

Pour ce qui concerne la jurisprudence anglaise abstraction

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1 Bynkershoek, De foro legatorum, cap. 3, loc. cit. p. 151. — C. F. de Martens, Précis du droit des gens, par. 47, loc. cit. 66. p. Lord Stowell, dans the Ringende Jacob (1798), Robinson, Admiralty Reports, I, p. 90, the Atalanta (1808), Robinson, Reports, VI, p. 458. Marshall, dans the Schooner Exchange, 7 Cranch 136, cité par R. Wildman, Institutes of international law (1849, 1850) I, p. 35.

faite des cas auxquels préside la conception de droit naturel nous relevons dans les Municipal Courts une décision de Lord Mansfield qui déclare en 1767, que la loi 7 Anne c. 12, concernant l'immunité diplomatique, mentionnée plus haut, „ne tendait pas à changer le droit des gens et ne pouvait d'ailleurs le changer".

Pour ce qui regarde les Prize Courts, Lord Stowell ne s'est pas prononcé nettement sur la question. Maintes fois il a déclaré avec vigueur que la Cour des prises est a court of the law of nations" qui a son siège dans un pays belligérant; mais comme le droit des gens n'a pas de patrie, elle appartient aux autres nations autant qu'à la Grande Bretagne, de sorte que les étrangers ont le droit d'exiger de la Cour l'application pure et simple du droit des gens, à l'exclusion du droit interne (municipal jurisprudence). 1

Cependant, la Cour a encore un autre droit à appliquer et tout d'abord les orders in council. La Cour siège sous l'autorité du roi de la Grande-Bretagne et d'après la constitution du pays le roi a le droit de législation vis à vis de la Cour et il a le pouvoir de donner des ordres et des instructions devant lesquels la Cour doit s'incliner: ces derniers constituent la loi écrite de la Cour.

Quant au rapport qui existe entre les deux sortes de droit, Lord Stowell dit quelque part que, du moment que les lois sur les prises contiennent des dispositions spéciales, les Cours et l'Amirauté sont tenues d'appliquer celles-ci plutôt que le droit des gens. Cela même en cas de dérogation flagrante à ce dernier droit? Le prudent juge ne l'a pas déclaré; il s'est contenté de dire qu'il ne pourrait sans extreme indecency" présumer un conflit, tandis que d'autre part il faut remarquer que pareil conflit, quoique possible en général, ne se présente pas nécessairement, dès qu'on reconnaît à la mesure prise le caractère de représaille.

Les acts of Parliament doivent également être observés par la Cour comme droit écrit. Une Cour d'Amirauté en Grande Bretagne tient son pouvoir de cette puissance, elle fait droit en vertu de l'autorité du Parlement britannique. Elle doit donc aussi appliquer les actes de ce Parlement. C'est ainsi p.ex. qu'un sujet britannique ne saurait poursuivre devant la Cour la resti

1 Lord Mansfield, dans Heathfield v. Chilton (1767), chez Picciotto, Relation of international law, etc. p. 78, 79. - Lord Stowell, dans the Maria (1799), Robinson, Admiralty Reports, I, p. 350; the Walsingham Packet (1799), Robinson, loc cit. II, p. 82; the Recovery (1807), Robinson, loc. cit., p. 348 i. f. 349, etc.

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tution d'un bien dont il aurait fait un usage illicite en violation des lois britanniques. Supposé que l'act of Parliament soit essentiellement contraire à ce droit, la Prize Court devrait-elle cesser de l'ap. pliquer? Lord Stowell ne se prononce pas expressément là-dessus. 1 Quant aux Etats-Unis d'Amérique, leur constitution de 1789 a classé les lois fédérales dans the supreme law of the land", ce qui est d'une grande importance pour notre sujet. Si donc une loi générale de l'Union déroge effectivement au droit des gens non écrit en vigueur, le juge doit reconnaître comme valable la loi et non point le droit non écrit que cette loi écarte. En 1815 le juge Marshall le déclare formellement: „Till an act be passed the Court is bound by the law of nations". 2

La jurisprudence fournit, en la présente matière, plus de données que la doctrine. Bynkershoek seul donne pour un quelque peu spécial une opinion importante. Lorsqu'il s'agit, dit-il, d'une loi qui ne veut pas créer un droit nouveau et a uniquement en vue d'être déclarative de droit des gens, cette loi doit rendre exactement le droit des gens. Si elle ne le fait pas, nous nous trouvons devant une non-observation du droit, plutôt que devant une loi qui nous lie, „pro errore magis quam pro jure esse habendam". Ainsi selon l'avis de Bynkershoek c'est à bon droit qu'un édit hollandais de 1622 prononce la nullité des contrats d'assurance concernant la propriété ennemie. Mais le supplément joint à cet édit n'est pas, selon lui, conforme au droit des gens en tant qu'il restreint la nullité aux contrats passés depuis la guerre.

Valin est vraisemblablement d'un avis opposé. En défendant la confiscation de la propriété ennemie à bord des navires neutres contre Hubner, le champion des droits des neutres, Valin déclare enfin, à propos des ordonnances françaises à ce sujet : Au surplus par nos lois cette confiscation est autorisée; nous devons nous y tenir". Ces derniers mots respirent l'obligation d'observer la loi de son propre pays, indépendamment de ce que prescrit le droit des gens non écrit. 3

1 Lord Stowell dans the Walsingham Packet and the Recovery, voir note p. 128; the Fox and others (1811), Edwards, Admiralty Cases, I, p. 312; the Santa Cruz (1798), Robinson, Admiralty Reports, I, p. 62. A comparer aussi ci-dessus p. 122.

2 Constitution of the United States, art. VI (Barnes' Federal Code 1919, p. 29). Marshall dans the Nereide, chez Willoughby, loc. cit., dans American Journal of international law 1908, p. 358.

3 Bynkershoek, Quaestiones juris publici, lib. I de rebus bellicis, cap. 21, loc. cit. p. 230, 231. Valin, Traité des prises, chap. V, sect. 5, par. 5 (Paris 1763), Tom. I, p. 63.

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CHAPITRE IV

LES SUJETS DU DROIT DES GENS

Dans les pages qui précèdent nous avons traité le droit des gens naturel et le droit des gens positif, chacun séparément. Voici maintenant un point qui touche en même temps l'un et l'autre Qui étaient les sujets du droit naturel et du droit des gens, tels qu'on se les représentait après Grotius, aux XVIIe et XVIIIe siècles?

Remarquons tout d'abord, qu'à cet égard l'école du droit naturel a énormément contribué au développement et à la démarcation plus étroite et si nécessaire, du droit qui régit les relations des peuples.

Rappelons-nous la distinction que fait Hobbes entre le droit naturel liant les Etats considérés comme unités, ce dernier appelé droit des gens. Cette distinction qu'on retrouve à chaque pas chez des chefs d'école comme Pufendorf, Wolff, Vattel, Burlamaqui etc., a, plus que tout autre, aidé à faire concevoir le droit des gens comme un droit qui a pour sujets les Etats, abstraction faite de leurs citoyens, et considérés comme unités, comme un seul homme" (D'Aguesseau). Nous l'avons dit déjà: les peuples comme unités, vivant à l'état de nature tout comme de libres personnes particulières", voilà la formule généralement reçue qu'on rencontrera bientôt dans les pièces officielles mêmes, comme la Déclaration du droit des gens de Grégoire et le discours par lequel Portalis installe le Conseil des Prises. Les nations" ".. sont à l'égard de tout l'univers ce que les particuliers sont dans un Etat, se gouvernant comme eux par le droit naturel et par les lois qu'elles se sont faites". Ou bien: les nations sont comme les citoyens de la grande société civile", et on désigne le droit des gens comme la loi des souverains et de leurs ministres" (Montesquieu, Wolff, Vattel). Les seuls hommes sont dans cet ordre d'idées complètement éliminés comme sujets du droit des gens. La nation, comme tout, dira-on, n'est responsable des actes illicites commis

enseigne-t-on

envers un étranger par le seul sujet, que si elle approuve expressément ou tacitement ces actes; car on n'est pas responsable des actes d'autrui, quoique le souverain ait le devoir de prévenir autant que possible pareilles injustices. Ou bien on prétend: les citoyens ne sont pas comptés comme étant personnellement des sujets de droit, ils sont simplement considérés comme des parties secondaires des personnes collectives, les Etats. Sans doute, les hommes, formant un Etat, conservent leurs obligations vis-à-vis du genre humain, mais les obligations de l'humanité envers les étrangers passent à l'Etat. Voilà ce qu'enseignent Wolff, Rutherford et Vattel. Fichte aussi, quoique se figurant l'Etat comme une idée abstraite et affirmant qu'il n'y a que les citoyens qui soient réellement des personnes, de sorte que les rapports des Etats se fondent sur ceux des citoyens, Fichte, disons-nous, se voit toutefois obligé, par rapport à la responsabilité des Etats concernant la conduite de leurs citoyens vis-àvis des étrangers, d'admettre entre les Etats un traité qui présuppose la reconnaissance réciproque des Etats comme tels, par laquelle ces derniers sont promus au rang de sujets du droit des gens.

On finit par le dire expressément à la fin du XVIIIe siècle : dans le droit des gens il n'est pas question des rapports des seuls sujets de différents Etats entre eux, ni des rapports entre un Etat et les seuls sujets d'un autre Etat. C'est ainsi qu'un Etat n'a ni droits ni devoirs envers les émigrants et les déserteurs qui appartiennent à un autre Etat; c'est seulement envers cet autre Etat même qu'il est lié par le droit (Ompteda). 1

Voilà donc comment s'est développée la conception que ce sont les Etats, considérés comme unités, qui sont les sujets du droit qui régit les relations internationales. Cette conception est devenue une doctrine adoptée aussi par maint écrivain plutôt adepte du droit positif. „Personam juris gentium habet", écrit Leibnitz, „cui libertas publica competit, ita ut in alterius manu

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1 Voir pour Pufendorf, Heineccius, d'Aguesseau, Burlamaqui, la Déclaration du droit des gens, Portalis, ci-dessus pp. 70-72, notes. Ensuite: Lampredi, Du commerce des neutres, tom. I, partie 1, par. I, p. 20. Wolff, Institutions, par. 1088, jo 977, 1124, loc. cit. p. 183 ss., 142, 196. Wolff, Jus gentium, par. 2, 3, loc. cit. p. I, 2. Vattel, Le droit des gens, Préface, loc. cit., vol. I, p. 1 ss. p. 23; Préliminaires, par. 7, 11, vol. I, p. 4, 5 ss. liv. 21, ch. 21, Oeuvres 1873, tom. II, p. 47. law, lib. II, cap. 9, par. I, loc. cit. p. 466. Weltbürgerrechts, par. 4, 5, Werke 1845, tom. III, p. 371, 372. - von Ompteda, Litteratur des Völkerrechts, par. 1, loc. cit. p. 5, 7 sub b.

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Montesquieu, De l'esprit des lois,

Rutherforth, Institutes of natural Fichte, Grundriss des Völker- und

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