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qui était le produit du consentement des peuples, un nouveau consentement de leur part. Le produit de la collaboration de tous ne pouvait être modifié ou supprimé que du gré de tous. Le nouveau consentement contraire au droit en vigueur pouvait se manifester dans la formation lente, d'abord dans tel endroit, puis dans tel autre, d'une coutume opposée; mais une modification du droit - moralement supérieure pouvait aussi avoir lieu par le fait que dans la grande communauté humaine était créé, simultanément pour chacune de ses parties, et pour chacun de ses membres, un droit nouveau; comme il arriva dans les pays de la chrétienté, lorsqu'il y fut introduit le jus gentis fidelis particulier, consistant en ne pas réduire en esclavage les prisonniers faits dans une guerre juste.

Le changement ou l'abolition du droit des gens proprement dit, par la volonté d'un seul Etat, était chose inadmissible.

Au contraire, le droit des gens improprement dit, le jus gentium secundo modo, pouvait être modifié ou abrogé unilatéralement et souverainement par un seul Etat, sans aucun consentement des autres; ce qui mettait fin à la concordance du droit. 1

Nous assistons ici à la lutte engagée pour se défaire du vieux droit des gens des Romains; nous voyons la voie ouverte à de nouvelles règles de droit concernant les rapports entre les peuples. Nous sommes arrivés à la plénitude des temps; une main se tend pour cueillir le fruit devenu mûr.

Quels étaient les sujets du droit naturel et du droit des gens tels que nous apprenons à les connaître chez les précurseurs de Grotius?

Etaient-ce les hommes pris individuellement ou bien les peuples considérés comme unités? Ou étaient-ce les uns autant que les autres ?

Il faut d'abord faire remarquer ceci. On comprenait parfaitetement, que l'Etat ou le peuple, comme on disait alors couramment, forme une unité et que, comme tel, il possède le pouvoir d'agir, et a des droits et des devoirs. C'est ainsi que Legnano dira pour la justification des représailles, que la communauté est un corps mystique et peut défendre les membres de son propre corps. Les individus, affirme Gentilis, sont autre chose

1 Suarez, op. cit. lib. 2 c. 19 no. 5, PP. 154 et s.; c. 20 no. 6. pp. 158 et s.

que la communauté; celle-ci n'est donc pas responsable des faits illicites des sujets; tandis que sa propre faute ou sa propre négligence, en matière de peine, de réparation ou d'indemnité, peut lui être imputée. Les droits du peuple ne se trouvent pas dans les individus, mais ont leur siège dans la communauté, allègue Ayala, pour démontrer, que le chef de l'Etat est lié par les actes de ses prédécesseurs. 1

Cela ne peut être perdu de vue. Cependant, ni le caractère du droit naturel, ni celui du droit des gens, tel qu'il avait été transmis par les Romains à des générations postérieures, ne conduisaient à l'adoption d'un droit séparé dont les Etats, comme unités, étaient exclusivement les sujets.

Pour ce qui concerne le droit naturel, celui-ci avait été gravé par Dieu dans le coeur de chaque homme en particulier; il existait déjà avant la formation des Etats. Par son origine et son essence, ce droit avait le seul homme comme sujet, et ce n'est que par voie de disposition extensive, à laquelle le recours à l'analogie n'était pas toujours étranger, que ce droit finit par s'imposer aussi aux Etats conçus comme unités. Ulpien et les Institutes avaient d'ailleurs considéré le droit naturel comme du droit privé 2, et des droits naturels, comme ceux du libre usage des mers et du libre transit à travers tout pays, furent accordés vis-à-vis d'une nation déterminée, directement à chaque individu en particulier, autant qu'au peuple considéré comme un tout.

Il n'en était pas autrement du droit des gens. Certes on basait d'ordinaire ce droit sur le consentement des peuples; mais cela n'avait pas pour conséquence que les peuples devinssent dès lors les sujets de ce droit, en tant qu'unités. Une partie considérable de la matière que renferme le droit des gens, tels que la propriété privée, les testaments, l'appropriation des biens sans maître, l'esclavage, les duels et tant d'autres sujets, ne se prêtaient pas à cela. Aussi Ulpien et les Institutes avaient-ils rangé le droit des gens, tout comme le droit naturel, dans le droit privé. Faut-il s'étonner alors, qu'on ne pût s'affranchir complètement de ce système et qu'on ne vît pas dans le consentement des peuples, considéré comme base du droit, la necessité de ne pas compter l'homme, en tant qu'individu, comme sujet du droit? Le caractère du droit naturel et du droit des gens devait favoriser l'idée d'un genre humain, formant une seule communauté

Legnano, op. cit. c. 123 pp. 155 et s. Ayala, op. cit. c. 5 n°. 43, p. 53. Gentilis, De jure belli (éd. Holland) lib. I c. 15, pp. 65, 67 i. f., 68, c. 21 pp. 94 et s. 2 Ulp. 1. 1 par. 2, 3 Dig. de just. et jure, 1, 1; par. 4 Inst. I, I.

nonobstant sa division en Etats qui avaient chacun; leur droit propre le droit civil, mais étaient régis, pour le reste, par des règles communes de droit naturel et de droit des gens. Bien plus que les Etats, considère-t-on ordinairement les hommes comme les membres de cette immense communauté. On se représente le monde comme une grande cité, on se figure une civitas orbis, totius mundi, constituant une unité, dont tous les hommes sont des citoyens - populares municipesque et dont on peut ainsi désigner le droit du nom de quasi-civil (Connanus). Gentilis parle du gouvernement, des décrets, des sénatusconsultes de toute la terre ou de la majeure partie de la terre, de la ,ratio publicae partis orbis" et compare la communauté humaine à un immense troupeau paissant dans la plaine commune, ou à un corps dont les hommes sont les membres, ou bien il considère le monde comme une maison dont les hommes sont les habitants. Le droit d'entrer dans les ports, de circuler dans les pays, d'y faire librement le commerce est désigné de jus humanae societatis, naturalis societatis et communicationis; le droit de la légitime défense d'autrui est indiqué comme jus gentium situm in generis humani societate. Et visant les conventions privées du droit des gens, on en dit: „sine quibus humana societas constare non potest". Aussi les auteurs identifient-ils le omnium populorum consensus et le consensus humani generis, le gentium consensus et le commune hominum judicium. Un seul et même auteur, Soto, fait passer le droit des gens pour le jus quod gentes universe.... sibi constituerunt, mais aussi pour le droit, que la ratio ad singulos per se docet. 1

Si, après tout cela, on nous demande, quels étaient, à cette époque des connaissances juridiques, les sujets du droit naturel et du droit des gens, voici notre réponse: l'homme individuellement et, si les rapports l'exigent, le peuple ou l'Etat conçu comme unité; en effet, comme cela est mentionné plus haut, on admettait l'unité pour les Etats et les peuples, abstraction faite de leurs membres. C'est ainsi que Gentilis appelle le droit de neutralité appartenant au droit naturel et auquel est mêlé l'intérêt des Etats pris comme un tout: jus .. regnorum, et un

Voir sur ces divers objets: Ulp. 1. 1 Dig. de justitia et jure, I, 1. Connanus, op. cit. c. 6, pp. 19 et 24. Covarruvias op. cit. Gentilis, de jure belli (éd. Holland), lib. I c. 15 pp. 63-65; c. 16 p. 71; c. 19 p. 84; c. 21 p. 97. — Lessius, op. cit. lib. 2 c. 5, dubit. 3 no. 9. Soto, op. cit. lib. 3, qu. I art. 3, pp. 197 et Victoria, op. cit., relectio prior, sect. 3 n°. 386, p. 257.

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Sur les idées du moyen-âge comparer Goebel, loc. cit. p. 24 et ss.

armistice, un traité de paix: des conventions juris publici. Mais le droit commercial qui fait partie du droit des gens et regarde plus particulièrement les intérêts des individus, Gentilis l'appelle jus privatorum.

C'est ainsi que, d'après Vasquez, le droit naturel et le droit des gens régissent et les rapports des Etats entre eux, et ceux d'un Etat déterminé avec les sujets d'un autre Etat, ainsi que les rapports qu'ont entre eux les hommes ne ressortissant pas du même gouvernement. Il est digne de remarque que, comme rapport entre un Etat et le sujet d'un autre pays, était notée la forme du testament d'un sujet étranger et l'incapacité de celui-ci de retirer quelque avantage du testament d'un sujet propre; tandis que comme rapports entre hommes de nationalité différente sont indiquées les conventions conclues entre eux. Dans cet ordre d'idées rentrent parfaitement les rapports entre Etats et individus dans le genre de ceux qui se présentent en matière de représailles et dans la lutte contre les pirates et les brigands, à l'égard desquels, comme ennemis communs du genre humain, le droit de la guerre, tel que le droit des gens le définissait, ne devait pas être observé. '

Mais on a fini à la longue, quelquefois sans y penser même, par mettre les peuples à la place des individus comme membres de la grande communauté humaine. Victoria fait sienne la définition du droit des gens de Gaius, en ce sens qu'il décrit ce droit comme le „jus..... quod naturalis ratio" non „inter omnes homines", mais „inter omnes gentes constituit." D'après Connanus, chez qui, comme nous l'avons vu, on observe aussi d'autres représentations, le droit des gens est en vigueur chez les hommes, non tant comme hommes, mais comme peuples, comme des personnes réunies en un peuple dans une organisation d'Etat. 2

Après ces manifestations d'idées qui sont bien personnelles, nous arrive Suarez qui dans son ouvrage cité jette sur la matière ce trait original: le genre humain, tout divisé qu'il est en divers peuples et Etats, constitue, en un certain sens, une unité politique et morale que domine la loi naturelle d'amour et de miséricorde,

1 Gentilis, De jure belli (éd. Holland) lib. I c. 4 pp. 20 et s., surtout 21 i. f. 22; c. 21 p. 97; lib. 2 c. 13 p. 183; Advocatio Hispanica lib. I c. 25, op. cit. p. 114, 115. — Vasquez, op. cit. lib. 2 c. 51 nos. 28 et s., pp. 201 et s. Ayala, op. cit. c. 4 no. 2, pp. 30, 31; c. 6 n°. 7, p. 60. Comparez Tryphon, 1. 31 Dig. depositi vel contra, XVI, 3.

2 Victoria, op. cit., relectio prior, no, 386, p. 257; comparez aussi E. Nys, Le droit des gens et les anciens jurisconsultes espagnols, pp. 84 et 85. — Connanus, op. cit., c. 5, p. 20.

s'étendant à tous les hommes, y compris les étrangers, à quelque peuple qu'ils appartiennent. Bien que chaque république forme un tout nettement séparé, elle est en même temps, par rapport au genre humain, un membre de la grande généralité: quaelibet illarum — i. e. rerum publicarum etiam membrum aliquo modo hujus universi prout genus humanum spectat. Car au point de vue de l'utilité comme à celui de la moralité, les Etats ont besoin les uns des autres et ne peuvent pas se passer de leur soutien réciproque, de leur influence mutuelle ni de leur constante collaboration. Si le droit qui à ce point de vue régit les Etats, a de nombreuses racines dans la raison naturelle, celle-ci n'est pas cependant la seule source d'où procède ce droit. Les coutumes des peuples complètent le code de la raison naturelle; le droit des gens trouve sa base dans l'indispensable collaboration et action mutuelle des Etats. '

C'est ici que, pour la première fois, l'Etat organisé — civitas, respublica aut regnum est proclamé membre de la grande généralité des hommes et que de là naît l'idée d'une communauté des Etats. Cela ne veut pas dire, que désormais il faudra nécessairement considérer les Etats comme les seuls sujets d'un droit séparé. La mention de la loi d'amour et de miséricorde qui s'étend aussi aux étrangers, indique, qu'il existe un droit dont certainement les individus sont aussi les sujets. Mais le chemin est ouvert aux développements toujours plus amples, et Suarez, comme nous savons déjà, fit lui-même sur ce chemin le premier pas décisif.

Pour finir faisons encore incidemment quelques remarques.

Nous avons vu comment les idées que les savants du XVIe siècle avaient sur le droit naturel et le droit des gens, étaient surtout fondées sur l'Ecriture sainte et la doctrine ecclésiastique, sur la philosophie et la jurisprudence classiques. En traitant plus spécialement les règles du droit naturel et du droit des gens, les auteurs suivaient aussi ces guides, particulièrement le droit romain, la ratio scripta. Ce qui avait été décrété pour les relations privées dans l'Empire romain, on l'appliquait souvent aux relations des peuples, faisant encore la distinction si nécessaire à plus d'un point de vue, entre les rapports des souverains et des peuples et ceux des seuls individus. Gentilis surtout met en garde contre l'imitation irréfléchie du droit civil. Au reste, on prenait aussi pour guide les grands faits généralement admirés de l'histoire et 1 Suarez, op. cit., c. 19 no. 5, pp. 154 et s.

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