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qu'il ne s'agit pas ici des conséquences démonstratives qui se déduisent de principes fixes et immuables; la question est de savoir jusqu'où les peuples ont consenti. Ensuite, quoique certaines coutumes soient adoptées par la généralité des peuples, et qu'elles soient conformes à la raison naturelle, ce n'est pas un motif, comme d'aucuns pensent, pour qu'elles soient de droit naturel. C'est bien à tort nommément qu'on allègue, que certaines lois et certaines coutumes des peuples doivent être considérées comme droit des gens par cela seul, qu'elles sont communes à différents peuples. Car ces lois et ces coutumes ne tendent qu'à l'utilité de chaque peuple en particulier et le caractère du droit des gens est précisément, qu'il se base sur la volonté commune des peuples et tend à leur utilité commune, à l'utilité de ce vaste assemblage, magnae illius universitatis. Pour ce qui concerne le droit que nous indiquions tantôt et qui est seulement commun aux différents peuples, il est loisible à chaque peuple en particulier d'y déroger, à l'opposé de ce qui peut se pratiquer dans le droit des gens, où cette faculté est seulement accordée, lorsque le droit des gens n'est pas impératif, ainsi qu'il en est le cas pour la règle du droit des gens laquelle, assignant le butin à tout le peuple, peut être modifiée par le droit civil. 2

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Voici le droit des gens selon Grotius. Comme pour le droit naturel, toute distinction entre le droit primaire et le droit secondaire a disparu ici; la terminologie simple de Suarez y est aussi suivie. Grotius rejette résolument le caractère de droit naturel attribué par d'aucuns Connanus, Gentilis, aussi Victoria en partie au droit des gens; la thèse contraire soutenue par des savants modernes en Angleterre doit être rejetée. Sur la route que Suarez avait parcourue pour débarrasser le droit des gens du levain du droit romain, il fait un pas de plus en avant: là où le consentement des peuples fait défaut et où il n'y a qu'un droit de même teneur et de même portée, il n'est pas question de droit des gens, mais seulement de droit civil; quoique, à la longue, cela puisse conduire à un consentement des peuples et devenir du droit des gens, et qu'il soit possible même, avant ce changement, qu'en cas de modification cela produise une guerre

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juste; comme lorsque est abolie l'égalité existant dans le droit civil d'un pays entre sujets et étrangers en matière d'organisation de la propriété. 1

Mais qu'on n'aille pas croire que le droit des gens de Grotius ne concerne que des situations et des rapports, lesquels, contenant des éléments qui concernent plus d'un Etat, seraient comptés de nos jours comme étant du domaine du droit international. On ne se défait pas si facilement des traditions séculaires! Ainsi appartiennent au droit des gens de Grotius les règles relatives à la capacité des enfants mineurs et des aliénés d'acquérir la propriété; celles relatives aux successions légales, à la prescription acquisitive, à l'effet de la lésion grave sur les conventions, au principe admis chez les peuples de l'ancienne Germanie, que le bien sans maître appartient au souverain; toutes règles qui trouvent peu ou pas d'application dans les rapports des peuples. 2

Il est digne de remarque que Grotius, dans le developpement du droit naturel et du droit des gens, a suivi la méthode dogmatique plutôt qu'historique. Il est vrai qu'il admet l'existence d'un premier âge qui en fut un de félicité pour le genre humain, lorsque tout bien était commun, âge qui prit fin par la chute de l'homme; il est vrai aussi que Grotius considère que le sens du droit naturel était oblitéré chez les hommes avant et après le déluge; mais le caractère et les besoins de l'humanité dans les premières périodes de son histoire ne constituent pas la base de son système. Cela aussi est une différence avec l'oeuvre de sa jeunesse et une adhésion plus intime à la méthode de Suarez. 3 Si nous considérons maintenant le droit naturel et le droit des gens de Grotius dans leurs rapports mutuels, nous sommes frappés tout d'abord de l'injustice du reproche fait à Grotius par des savants allemands, qu'il aurait omis d'examiner en détail, quelles sont les règles qui appartiennent soit à l'un, soit à l'autre. Grotius nous le dit positivement et clairement: les choses qui nous sont dues en vertu du droit naturel et au regard desquelles le droit des gens ne se présente qu'incidemment comme droit complémentaire, sont traitées d'abord; elles concernent, entre autres, la souveraineté, les différentes manières d'acquérir la pro1 Lib. II c. 8 par. 7, 26, op. cit. pp. 230 et 237. Knight, loc. cit. p. 18. 2 Lib. II c. 3 par. 6, op. cit. pp. 156 et s. Lib. II c. 4 par. 9, pp. 170 et s. Lib. II c. 5 par. 2 no. 2, p. 176. — Lib. II c. 8 par. 7, p. 230.- Lib. II c. 12 par. 26, nos. I et 3, pp. 274 et s. Lib. II c. 13 par. 16 no. 2, p. 286.- Lib. II c. 19 par. 6, p. 355.

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3 Lib. II c. 2 par. 2, op. cit., pp. 140 et s. - Lib. II c. 15 par. 5 no. I, p. 301. Lib. III c. 3 par. 2 no. I, p. 502.

priété et les droits qui y sont connexes concernant la mer et les rivières, les engagements qui résultent des conventions, parmi lesquels se trouvent les traités, et ceux qui naissent d'un fait illicite. Après viennent, comme droit des gens, le droit d'ambassade, le droit d'inhumation et les peines. Relativement au droit de la guerre l'auteur fait aussi une distinction nette entre ce qui est permis par le droit naturel et ce qui est permis par le droit des gens; d'où nous voyons que par exemple des questions concernant l'admissibilité de la ruse et du mensonge dans la guerre appartiennent au droit naturel, et que l'affectation des biens des sujets au paiement des dettes du souverain, et les représailles appartiennent au droit des gens. 1

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Comme Grotius, en suivant un système complet et détaillé, a été le premier à appliquer les règles du droit naturel qui régissent les individus, aux rapports des peuples, la pleine lumière n'a jamais manqué de se répandre sur la partie de son oeuvre qui touche le droit naturel; de sorte que déjà Zouche note dans son introduction, que si Gentilis pèse ses décisions avec la balance du droit, Grotius les pèse avec la balance de la raison. De nos jours encore on enseigne souvent, que Grotius estimait le droit des gens de moindre valeur que le droit naturel. Oui, on lui reproche de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la réalité. Il n'est pas inutile, au contraire, de faire remarquer, de quel positivisme prudent et sensé le grand naturaliste fait constamment preuve. Cette circonstance n'a pas échappé à Bynkershoek qui montre, que Grotius se tient toujours aux coutumes et aux usages existants, à tel point que lorsqu'ils font défaut, il ose à peine lui-même poser quelque règle de droit des gens. 2

Bynkershoek aurait pu aller plus loin. L'importance que Gro

1 G. Jellinek, Die Rechtliche Natur der Staatenverträge (1880) p. 4. — C. von Kalkenborn, Kritik des Völkerrechts (1847), pp. 39 et s. - Grotius, De jure belli ac pacis, Lib. II c. 18 par. 1 no. 1, op. cit. p. 334. — Lib. III c. 2 par. I no. 1, P. 495. Goebel, loc. cit. p. 113 i.f., 114.

2 R. Zouche, Juris et Judicii Fecialis, sive Juris Inter Gentes, et Quaestionum de Eodem Explicatio (The Classics of international law, éd. Brown Scott-Holland, 1912, I, p. A 2). Voir encore: A. Bulmerincq, Die Systematik des Völkerrechts von Hugo Grotius bis auf die Gegenwart (1858), pp. 16 et s. — Knight, loc. cit. p. 18. — F. von Holtzendorf, Handbuch des Völkerrechts (1885) I, p. 407 i. f., 408. E. von Ullmann, Völkerrecht (1908) p. 30. — F. Despagnet, Cours de Droit international public (1910) no. 41, pp. 50 et 51.-L. Oppenheim, International Law I (3e éd. Roxburgh 1920), pp. 102 et 103. — J. de Louter, Le droit international public positif (1920), I, p. 103, et s. Van Bynkershoek, Quaestiones juris publici Lib., de rebus bellicis c. 2 (éd. 1793 pp. 193, ie col.).— Voir aussi C. von Kaltenborn, Kritik des Völkerrechts, p. 37.

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tius attache à la coutume se rencontre aussi dans le rapport entre le droit naturel et le droit des gens. Car Grotius se demande toujours et avant tout, si, dans la matière dont il s'occupe, il existe un droit coutumier des peuples basé sur le consentement, pour ne poser une règle de droit naturel qu'à défaut de ce droit coutumier. Cela ressort de la déclaration qu'il fit relativement à l'approvisionnement des parties belligérantes par les neutres: „Je classe cette matière dans le droit naturel, parce que je n'ai trouvé dans l'histoire rien qui dénote l'existence d'un droit des gens volontaire". 1

Du reste, pour ce qui concerne le rapport des deux droits, le droit naturel et le droit des gens vont souvent de pair, soit qu'ils posent la même règle, soit qu'ils prennent des dispositions qui peuvent sans inconvénient être appliquées ensemble. 2 Mais qu'arrive-t-il, lorsque tel n'est pas le cas?

Nous avons vu qu'en général les précurseurs de Grotius n'étaient pas arrivés en réalité à invalider le droit des gens pour cause de contrariété avec le droit naturel, tandis que Grotius lui-même, dans l'oeuvre de sa jeunesse, s'était prononcé en cas de pareille contrariété pour la nullité du droit des gens. 3

Examinant maintenant le sujet de plus près, Grotius aboutit à une autre conclusion. D'une part on remarque chez lui un fort empiétement du droit des gens sur les règles du droit naturel; d'autre part on observe chez lui, à un certain point de vue, une influence spéciale exercée par le droit naturel sur les règles du droit des gens qui pratiquement cependant continue à prédominer.

Relativement à l'empiétement du droit des gens sur le droit naturel, on remarque d'abord la considération que fait Grotius au sujet d'un certain nombre de règles du droit des gens, comme celles concernant le droit d'inhumation, la prescription acquisitive, etc., considération qui est la suivante: qu'en un certain sens ces règles empruntent leur origine au droit naturel, mais que les lois humaines les confirment et les fixent, ce qui a pour effet que plusieurs incertitudes disparaissent et que les exceptions, basées sur le droit naturel, ne peuvent plus être admises.

1 Lib. III c. I par. 5 no. 5, op. cit., p. 479.

2 Lib. II c. 26 par. 6 no. 1, op. cit. p. 473.- Lib. III c. 4 par. 18 nos. 2, 4, pp. 520 et 521. Lib. III c. 6 par. 26 no. I, p. 550. Lib. III c. II par. 13, no. 2, par. 14, pp. 593 et s. - Lib. III c. 19 par. 12, p. 647.

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3 Pour la simplicité, nous sonnelle de Gentilis.

omettons un moment la doctrine quelque peu per

De sorte que nous sommes ici devant cette situation, que des règles de droit naturel sont remplacées par le droit humain, faisant perdre ainsi son action au droit naturel.

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Il y a plus. Le droit des gens selon Grotius permet différentes actions que le droit naturel défend, comme, d'autre part, le droit des gens défend toutes sortes d'actions que le droit naturel permet. Il appert du coup que Grotius, en cas d'opposition entre les deux droits, donne la préférence au droit des gens, sans faire, à ce sujet, de distinction entre le droit naturel positif et le droit naturel négatif, ou d'adopter un champ d'appréciation en dehors du droit naturel.

Nous allons voir d'après les différents cas suivants, combien est grand le maintien du droit des gens à l'encontre du droit naturel qui lui est contraire:

1o. Le droit naturel accorde certains droits, le droit des gens les enlève ou les restreint. Ainsi, d'après le droit naturel, on peut punir le coupable qu'on découvre; le droit des gens fait une exception pour les ambassadeurs. D'après le droit naturel on peut commencer une guerre juste une guerre pour la défense sans déclaration de guerre;

ou l'obtention de ce qui nous revient le droit des gens exige, au contraire, pareille déclaration, pour que les effets juridiques, propres à la guerre, puissent se produire. Lorsque Baldus dit que l'usage du poison dans la guerre est licite, il suit uniquement le droit naturel et oublie le droit établi par la volonté des peuples qui prohibe cet usage, ce qui est un reproche précisément contraire à celui que fit Gentilis à Baldus, comme nous avons vu, dans un cas pareil. Quoique le droit naturel permette à un peuple de s'approprier certaines parties de la mer, cette appropriation est défendue, lorsque selon le droit des gens la mer n'est pas susceptible d'appropriation, - décision qui indique l'évolution de Grotius dans le sens du droit positif, puisque suivant son oeuvre antérieure, la liberté de droit naturel de la mer ne peut être supprimée par aucun droit des gens (secondaire), par aucune coutume propre à un grand nombre de peuples. Et ainsi de suite.

2o. Le droit naturel exclut certains droits que le droit des gens admet, comme, par exemple, le droit de propriété des enfants mineurs.

3o. Le droit naturel conserve au propriétaire certains droits que le droit des gens lui enlève, pour les donner à un autre, comme dans la prescription acquisitive, inconnue en droit naturel et instituée par le droit des gens..

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