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ni la description des supplices, ni l'atrocité des images, ni le cliquetis assourdissant des antithèses, ni la fanfare prolongée des malédictions, ni la gigantesque bizarrerie des bouffonneries. Entre ses mains, le duc de Bedford, qui lui a reproché sa pension, deviendra, parmi les créatures de la couronne, le léviathan qui, deci delà, roule sa masse colossale, joue et gambade dans l'océan des bontés royales, qui pourtant, tout énorme qu'il soit et quoique couvrant « une lieue de son étendue, n'est après tout qu'une créature, puisque ses côtes, ses nageoires, ses fa<< nons, son lard, ses ouïes elles-mêmes, par lesquelles il lance un jet d'eau contre son origine et « éclabousse les autres d'écume, tout en lui et autour « de lui vient du trône1. » Il n'a point de goût, ses pareils non plus. La fine déduction grecque ou française n'a jamais trouvé place chez les nations germaniques; tout y est gros ou mal dégrossi; il ne sert de rien à celui-ci d'étudier Cicéron et d'emprisonner son élan dans les digues régulières de la rhétorique latine. Il reste à demi barbare, empâté dans l'exagération et la violence; mais sa fougue est si soutenue, sa

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1. The grants to the house of Russel were so enormous, as not only to outrage economy, but even to stagger credibility. The Duke of Bedford is the leviathan among all the creatures of the crown. He tumbles about his unwieldy bulk; he plays and frolics in the ocean of the royal bounty. Huge as he is, and whilst he lies floating many a rood,' he is still a creature. His ribs, his fins, his whalebone, his blubber, the very spiracles through which he spouts a torrent of brine against his origin, and covers me all over with the spray everything of him and about him is from the

throne.

conviction si forte, son émotion si chaleureuse et si surabondante, qu'on se laisse aller, qu'on oublie toute répugnance, qu'on ne voit plus dans ses irrégularités et ses débordements que les effusions d'un grand cœur et d'un profond esprit trop ouverts et trop pleins, et qu'on admire avec une sorte de vénération inconnue cet épanchement extraordinaire, impétueux comme un torrent, large comme une mer, où ondoie l'inépuisable variété des couleurs et des formes sous le soleil d'une imagination magnifique qui communique à cette houle limoneuse toute la splendeur de ses rayons.

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VI

Ouvrez Reynolds pour revoir d'un coup d'œil toutes ces figures, et mettez en regard les fins portraits français de ce temps, ces ministres allègres, ces archevêques galants et gracieux, ce maréchal de Saxe qui, dans le monument de Strasbourg, descend vers son tombeau avec le goût et l'aisance d'un courtisan sur l'escalier de Versailles. Ici1, sous des ciels noyés de brouillards pâles, parmi de molles ombres vaporeuses, apparaissent des têtes expressives ou réfléchies; la rude saillie du caractère n'a point fait peur à l'artiste; le bouffi brutal et bête, l'étrange oiseau de proie lugubre, le mufle grognon du mauvais dogue,

1. Lord Heathfield, the Earl of Mansfield, Major Stringer Lawrence, lord Ashburton, lord Edgecombe, etc.

il a tout mis; chez lui, la politesse niveleuse n'a point effacé les aspérités de l'individu sous un agrément uniforme. La beauté s'y trouve, mais ailleurs, dans la froide décision du regard, dans le profond sérieux et dans la noblesse triste du visage pâle, dans la gravité consciencieuse et l'indomptable résolution du geste contenu. Au lieu des courtisanes de Lély, on voit à côté d'eux des dames honnêtes, parfois sévères et actives, de bonnes mères entourées de leurs petits enfants qui les baisent et s'embrassent; la morale est venue, et avec elle le sentiment du home et de la famille, la décence du costume, l'air pensif, la tenue correcte des héroïnes de miss Burney. Ils ont réussi. Bakewell transforme et réforme leur bétail, Arthur Young leur agriculture, Howard leurs prisons, Arkwright et Watt leur industrie, Adam Smith leur économie politique, Bentham leur droit pénal, Locke, Hutcheson, Ferguson, Joseph Butler, Reid, Stewart, Price leur psychologie et leur morale. Ils ont épuré leurs mœurs privées, ils purifient leurs mœurs publiques. Ils ont assis leur gouvernement, ils se sont confirmés dans leur religion. Johnson peut dire avec vérité « qu'aucune nation dans le monde ne cultive << mieux son sol et son esprit. » Il n'y en a pas de si riche, de si libre, de si bien nourrie, où les efforts publics et privés soient dirigés avec tant d'assiduité, d'énergie et d'habileté vers l'amélioration de la chose privée et publique. Un seul point leur manque, la haute spéculation; c'est justement ce point qui, dans le manque du reste, fait à ce moment la gloire

de la France, et leurs caricatures montrent avec un bon sens burlesque, face à face et dans une opposition étrange, d'un côté le Français dans une chaumière lézardée, grelottant, les dents longues, maigre, ayant pour tout repas des escargots et une poignée de racines, du reste enchanté de son sort, consolé par une cocarde républicaine et des proclamations humanitaires; de l'autre l'Anglais rouge et bouffi de graisse, attablé dans une chambre confortable devant le plus succulent des roastbeefs, avec un pot de bière écumante, occupé à gronder contre la détresse publique et ces traîtres de ministres qui vont tout ruiner.

Ils arrivent ainsi au seuil de la Révolution française, conservateurs et chrétiens, en face des Français libres penseurs et révolutionnaires. Sans le savoir, les deux peuples roulent depuis deux siècles vers ce choc terrible; sans le savoir, ils n'ont travaillé que pour l'aggraver. Tout leur effort, toutes leurs idées, tous leurs grands hommes ont accéléré l'élan qui les précipite vers ce conflit inévitable. Cent cinquante ans de politesse et d'idées générales ont persuadé aux Français d'avoir confiance en la bonté humaine et en la raison pure. Cent cinquante ans de réflexions morales et de luttes politiques ont rattaché l'Anglais à la religion positive et à la constitution établie. Chacun a son dogme contraire et son enthousiasme contraire. Aucun des deux ne comprend l'autre, et chacun des deux déteste l'autre. Ce que l'un appelle rénovation, l'autre l'appelle destruction; ce

que l'un révère comme l'établissement du droit, l'autre le maudit comme le renversement de tous les droits. Ce qui semble à l'un l'anéantissement de la superstition paraît à l'autre l'abolition de la morale. Jamais le contraste des deux esprits et des deux civilisations ne s'est marqué en caractères plus visibles, et c'est encore Burke, qui, avec la supériorité d'un penseur et l'hostilité d'un Anglais, s'est chargé de nous les montrer.

Il s'indigne à l'idée de cette « farce tragi-comique » qu'on appelle à Paris la régénération du genre humain. Il nie que la contagion d'une pareille folie puisse jamais empoisonner l'Angleterre. Il raille les badauds, qui, éveillés par les bourdonnements des sociétés démocratiques, se croient sur le bord d'une révolution. « Parce qu'une demi-douzaine de sau

terelles sous une fougère font retentir la prairie << de leur importun bruissement, pendant que des << milliers de grands troupeaux, reposant sous l'om«bre des chênes britanniques, ruminent leur pâture << et se tiennent silencieux, n'allez pas vous imaginer << que ceux qui font du bruit soient les seuls habi<< tants de la prairie, qu'ils doivent être en grand « nombre, ou qu'après tout ils soient autre chose qu'une petite troupe maigre, desséchée, sautillante, quoique bruyante et incommode, d'insectes éphémères. » La véritable Angleterre, << tous

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1. Burke, Reflexions on the French Revolution, 1790. Because half a dozen grashoppers under a fern make the field ring with their importunate chink, while thousands of great cattle

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